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Palestine -

57ème commémoration de la Naqbah : le monde continue à tourner le dos aux Palestiniens

Par

in The Palestine Times, juin 2005

Chaque année, avec le retour des ces souvenirs douloureux, notre peuple médite sur la mère de toutes les tragédies palestiniennes, la Naqbah – ce mot étant dérivé d’une racine arabe évoquant une catastrophe – en référence à l’expulsion massive des Palestiniens de leur patrie (85 % de Palestiniens expulsés, et 531 de leurs villages rasés) par les milices sionistes, expulsion qui aboutit à l’occupation de 78 % de la Palestine par la création de l’Etat d’Israël, le 15 mai 1948.

Mais cette année, il y a quelque chose de spécial. C’est sans doute le fait que, cette année, plus que jamais auparavant, les Palestiniens ressentent un sentiment d’abandon qui vient s’ajouter à leur douleur habituelle.

Avec le passage du temps, nos anciens, témoins du drame – plus âgés donc que l’"Etat d’Israël" – disparaissent ; la reconnaissance de la Naqbah s’estompe et notre lutte pour notre droit au retour est de plus en plus menacée.



Le 57ème anniversaire semble passer comme un fantôme évanescent.


Seuls, des Palestiniens, et de rares titres erratiques dans les médias arabes, le commémorent, bien que la Naqbah n’ait jamais été seulement un événement palestinien. Ceci n’a fait que renforcer ce sentiment des Palestiniens que le monde est en train de se détourner d’eux.

En Israël, en dépit du bla-bla-bla et des "espoirs de paix", il n’y a aucune indication minimale que cet Etat reconnaîtrait en quoi que ce soit sa responsabilité dans la situation faite aux Palestiniens.

Au contraire : lors de sa dernière visite à des organisations juives new-yorkaises, Sharon a juré que les réfugiés palestiniens ne rentreraient pas (en Palestine). Non seulement ça : les médias israéliens ont critiqué les Palestiniens, considérant anormal que nous commémorions la Naqbah juste le jour où, eux, ils célèbrent le(ur) jour de l’Indépendance !

Le vice-premier ministre Ehud Olmert a qualifié la célébration de la Naqbah par les Palestiniens de "décourageante", ajoutant : "cela démontre un état d’esprit toujours disposé à voir en l’Etat d’Israël un obstacle à éliminer, plutôt qu’une réalité avec laquelle (les Palestiniens) doivent se réconcilier."

Les Israéliens disent que nous avons reculé d’une génération. A leurs yeux, nous serions des gens qui, une fois de plus, demandent tout, tout de suite.



Dans le monde arabe – exceptée l’initiative du chargé de relations publiques du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Musa, qui a affirmé le soutien et la solidarité totale avec le peuple palestinien commémorant le 57ème anniversaire de la Naqbah – on assiste à un oubli total de l’événement.

J’ai demandé à un groupe de jeunes amis arabes de différentes nationalités vivant à Paris s’ils savaient ce qu’est la Naqbah ?
Quelques-uns le savaient, mais aucun n’a été capable de donner la date exacte où elle s’est produite.

Cet événement important et tragique de l’histoire arabe a été effacé de la conscience des jeunes générations, même si, mis à part les Palestiniens, des Jordaniens, des Syriens, des Egyptiens, des Libanais, des Irakiens et des Soudanais sont morts pour la Palestine.

La Naqbah est une tragédie tout aussi arabe que palestinienne et, néanmoins, nos réfugiés vivent toujours – même si souvent, hélas, ils ne vivent pas très bien – dans plusieurs pays arabes hôtes.

La raison de cette absence de conscience est peut-être attribuable à d’autres événements douloureux dans l’histoire récente des Arabes – ce qui s’est passé et continue à se passer au Liban, en Irak, au Soudan et en Palestine.

Cela est peut-être dû également au vide délibéré créé par les missionnaires et les commissionnaires d’un nationalisme étroit, ou par la campagne de normalisation et d’américanisation en cours chez les politiciens, les responsables des médias et les intellectuels arabes.



En ce 57ème anniversaire de la Naqbah palestinienne, nos décideurs politiques étaient en train de discuter de l’invasion économique israélienne des pays arabes au cours d’un sommet économique international [réuni à Petra, Jordanie, ndt].

La Naqbah aurait été mieux commémorée en sacrifiant un jour d’école afin d’enseigner aux élèves et étudiants arabes un événement dramatique de l’histoire de l’Humanité – la catastrophe qui a affecté la nation arabe et palestinienne durant les décennies suivantes.

Cela aurait pu donner lieu à une journée d’éducation générale qui aurait pu servir de source d’information afin de renforcer leur sens universel de la justice, ainsi que l’unité arabe.

Mais leur apprentissage de l’histoire réelle aurait risqué de les inciter à prendre la mesure minimale qui s’impose, à savoir boycotter ou rejeter les plans de normalisation et d’invasion économique et intellectuelle qu’on a préparés à leur intention ; c’est la raison pour laquelle une journée telle celle-ci est passée sous silence dans les cours d’histoire arabe contemporaine.

J’espère ne pas vivre assez vieux pour connaître l’époque où la diplomatie arabe enverra ses lettres de félicitations aux occupants israéliens à l’occasion de leur Journée de l’"Indépendance" !



Les grandes puissances de l’époque ont permis à Israël de nous déposséder et ceux qui ont assuré le renforcement de cet Etat illégitime qui nous a été imposé, tant militairement que politiquement, en particulier la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis, sont elles aussi responsables de la Naqbah.



A la suite de la Naqbah, le 12 novembre 1948, l’Assemblée générale de l’ONU a refusé d’adopter une quelconque résolution modifiant la résolution de Partage adoptée l’année précédente. Elle n’a pas non plus décidé du mode de sa mise en œuvre. En lieu et place, elle a décidé de créer une Commission de Conciliation des Nations unies ; elle a réitéré la décision d’internationalisation de Jérusalem et elle a formulé plusieurs principes relatifs à la question des réfugiés.

Voici ce que dit l’article 11 de la Résolution 194 :

"Ayant étudié plus avant la situation en Palestine, l’Assemblée générale des Nations unies : décide que les réfugiés qui désirent rentrer chez eux et vivre en paix avec leurs voisins doivent être autorisés à le faire le plus tôt possible, et que des compensations devront être payées pour les biens de ceux qui choisiraient de ne pas le faire ainsi que pour les pertes et dommages de biens, pour lesquelles les gouvernements ou les autorités responsables devront accorder des compensations, conformément au droit international et à l’équité ; donne instruction à la Commission de Conciliation de faciliter le rapatriement, la réinstallation et la réhabilitation économique et sociale des réfugiés ainsi que le paiement des compensations et d’entretenir des relations suivies avec le directeur du Fonds de Secours des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine, ainsi, par son entremise, qu’avec les organismes et agences ad hoc des Nations Unies."



A la suite de quoi, l’UNRWA (Agence des Nations Unies pour les Secours et le Travail aux Réfugiés de Palestine) a reçu pour mandat de fournir éducation, soins, aide et services sociaux aux réfugiés palestiniens.

Au fil des ans, et en raison des besoins humanitaires croissants des Palestiniens, les services de l’UNRWA ont fait l’objet de critiques, et nos réfugiés ont continué à vivre et à mourir dans des "conditions transitoires", en attendant (vainement) que les résolutions de l’ONU soient mises en application.

Le silence observé par le monde sur la profonde injustice que représente le traitement réservé aux réfugiés palestiniens s’assimile à une complicité dans le crime.

Tout enfant ou tout petit enfant d’une femme juive (de naissance, ou convertie), ou tout converti au judaïsme [qui n’a jamais mis les pieds en Palestine] a le droit de "retourner" sur la terre de nos ancêtres, alors que des grands-parents, des parents et de nouvelles générations de Palestiniens qui, eux, sont nés en Palestine et en ont été chassés par la campagne sioniste de terreur qui a abouti à la création de l’Etat « juif » se voient dénier le droit de retourner chez eux.



Les gouvernements et les institutions de défense des droits humains du monde entier auraient dû se mobiliser et menacer d’imposer des sanctions et un boycott à cet Etat effrontément raciste, fondé sur l’ethnie ou la croyance religieuse, s’il y avait eu la moindre honnêteté ou la moindre décence dans le traitement réservé à Israël.

Bien au contraire, le "monde libre" consacre des millions de dollars de ses contribuables à financer et à soutenir la politique d’occupation menée par Israël, un Etat dont la politique prend l’exact contre-pied de toutes les valeurs que le "monde libre" est supposé défendre !



Non contente de son engagement dans une normalisation on ne peut plus prématurée avec Israël, la position de l’Autorité palestinienne sur le droit au retour des réfugiés est ambiguë.
Alors que ses responsables donnent depuis longtemps le feu vert à des politiciens consensuels qui applaudissent à des initiatives dites de paix qui ignorent royalement le droit au retour, ils ont participé à la mise au point de la déclaration du Caire, qui a souligné l’insistance sur les principes palestiniens et le droit à résister afin de mettre un terme à l’occupation, et en deuxième lieu sur le retour des réfugiés dans leurs foyers et sur leurs terres.

Les représentants de l’Autorité palestinienne s’adressant aux agences de presse, évoquent une "solution juste du problème des réfugiés" - ce sont là des déclarations que tout un chacun peut interpréter dans le sens qui lui convient.

Le droit au retour a toujours été repoussé aux stades ultimes des négociations, qui n’ont jamais duré assez pour les aborder.

Les prisonniers et les réfugiés représentent [pourtant] des cartes gagnantes en raison de l’intérêt international croissant pour les questions humanitaires ; nos politiciens auraient eu avantage à faire leur priorité de cette question, plutôt que la sécurité d’Israël.



Dans le cadre de l’équilibre des forces actuels, où les Palestiniens se retrouvent dépouillés de toute influence réelle, il est pratiquement impossible d’obtenir le droit au retour des réfugiés palestiniens au moyen de négociations avec Israël, cet Etat qui a été créé par le fer et le feu, cet Etat artificiel peuplé de gens rameutés du monde entier par la peur et la haine et des privilèges d’occupants, qui renouvelle notre Naqbah année après année et saucissonne nos problèmes – prisonniers, colonies, réfugiés, et autres – afin de gagner encore du temps et d’imposer ses plans d’exploitation, au moyen de la guerre ou de "négociations".

La position de l’administration américaine a été clairement affirmée (sinon verbalement, en tous les cas par ses agissements) : "Oubliez donc les Palestiniens ; l’Etat palestinien est en train d’être planifié, aujourd’hui, dans les services de Doug Suisman, à Santa Monica."



Les statistiques de l’UNRWA diffèrent de celles de l’Office central palestinien des statistiques, mais elles entérinent le fait que la majorité des membres de la nation palestinienne sont des réfugiés et que le statut de réfugié touche toutes les classes et toutes les catégories socio-politiques de Palestiniens, y compris ceux qui sont restés sur le territoire occupé en 1948, tout en ayant été déplacé des villages où ils vivaient.


On sait aussi que nos réfugiés, pauvres comme riches, vivant dans des camps ou en Europe, portent souvent près de leur cœur les clés de leurs maisons, qu’ils se transmettent d’une génération à la suivante et, cela, bien qu’ils soient parfaitement conscients du fait qu’Israël rabâche sempiternellement son unique manière de faire la paix, disant aux Palestiniens : "Renoncez aux territoires de 1948, en échange de petits morceaux des territoires de 1967 et renoncez au droit au retour ; en échange, vous aurez le droit de disposer d’une Autorité palestinienne souveraine".

Israël compte sur l’administration américaine pour imposer ce diktat à la direction palestinienne et pour lui imposer un choix entre un Etat ou un rêve, c’est-à-dire entre la version israélienne de la paix et le droit au retour des réfugiés.



Ces tentatives de démoralisation ont incité des Palestiniens et des associations palestiniennes à faire leurs des initiatives citoyennes telle la conférence des « Palestiniens d’Europe » qui s’est tenue à Londres, puis à Berlin, et tout récemment à Vienne, pour défendre les droits de millions de réfugiés palestiniens à retourner dans leur patrie : la Palestine.

Ces Européens d’origine palestinienne qui défendent le droit au retour ont été chassés jusqu’en Europe par la Naqbah, les conséquences de la vie sous oppression et les guerres successives, l’étranglement financier et l’oppression des gouvernements arabes à l’encontre des défenseurs de la cause palestinienne. Beaucoup d’entre eux sont les enfants de couples mixtes palestino-européens.

Mais ils partagent la conscience collective palestinienne, la nostalgie d’une patrie où ils n’ont jamais mis les pieds et où ils n’ont pas le droit de le faire.



Nous continuons à être les témoins de la vraie histoire de la Palestine, des véritables noms de son peuple, de ses villages et de ses villes. Tous ceux qui croient en un droit des Palestiniens à retourner chez eux peuvent être les ambassadeurs de cette cause et mettre en œuvre une action internationale de lobbying, en unifiant les efforts palestiniens.

Nous devons nous organiser et mettre sur pied une stratégie pour contrebalancer les diverses initiatives politiques visant à brader ce droit. L’Imam Ali nous a avertis du danger de la voie de la vérité, sur laquelle marchent beaucoup trop peu de gens.

Les droits opprimés ne sont pas perdus : tôt ou tard, ils s’imposent, si un groupe de personnes travaille, avec persévérance, à les faire triompher. Si nous ne pouvons les obtenir aujourd’hui, au moins pourrons-nous les protéger en vue de circonstances plus favorables.

Nous devons organiser nos efforts et capitaliser sur le travail d’ores et déjà accompli d’archivage des récits et des témoignages, des gravures et photographies anciennes, des vieux documents et des certificats de naissance que détiennent les grands-parents des réfugiés, et qui prouvent qu’ils sont nés en Palestine et qu’ils sont les propriétaires en titre de la terre et des immeubles.



Il y aurait beaucoup de choses à dire, en ce jour où nous commémorons la Naqbah.


Mais il y a encore plus de choses à faire. Nous devons protéger la mémoire, renouveler l’espoir et le transmettre à nos enfants, avec la connaissance et la conscience politique.

La Naqbah n’a pas été seulement une histoire terrifiante ; elle continue à hanter notre futur. Que sa mémoire soit tout
au moins une motivation pour recouvrer notre dignité et ne plus continuer à perdre ce qui nous reste de droits.

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