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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Abbas : loin du "droit et de la morale"

Par

Rima Merriman, palestinien-américain, vit à Ramallah, en Cisjordanie occupée.

Au récent Forum Economique Mondial de Davos, le Président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas a résumé avec précision la situation terrible des Palestiniens des territoires occupés, le siège économique et les privations qu'ils subissent en conséquence, la segmentation, le vol israélien de la terre et des ressources palestiniennes, et les humiliations quotidiennes qu'ils doivent endurer.

Abbas : loin du 'droit et de la morale'


Le Président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas rencontre la Ministre des Affaires Etrangères israéliennes, Tzipi Livni, lors du Forum Economique Mondial, à Davos, le 26 janvier 2007 (photo MaanImages/Pool/PPO)

Il s'est déclaré néanmoins optimiste, à cause, semble-t-il, de la force de sa dernière rencontre avec le Premier Ministre israélien : "J'ai eu récemment une bonne réunion avec le Premier Ministre israélien Olmert, au cours de laquelle nous nous sommes entretenus très franchement de diverses questions, et nous sommes convenus qu'Israël mettrait en œuvre certaines procédures qui soulageraient les souffrances du peuple palestinien."

C'est vraiment difficile de comprendre la raison de son optimisme. Il n'a aucun pouvoir pour réussir quoique ce soit actuellement sans, selon ses paroles, "un conducteur international en coulisses" qui n'est même pas à l'horizon.

Mais le facteur le plus éloquent qui pousse au scepticisme sur l'optimiste d'Abbas est son acceptation implicite du point de vue israélien douteux sur les raisons qui ont donné un coup d'arrêt aux avancées du processus de paix au cours des dernières années (le terrorisme palestinien).

Son interprétation fallacieuse des nouvelles procédures israéliennes dans lesquelles il voit un signe de leurs bonnes intentions, est aussi épouvantable, quand on sait qu'elles ne sont clairement et simplement destinées qu'à retrancher et rationaliser l'occupation, par le biais de manœuvres aussi banales que des privilèges spéciaux pour certains, et des permis spéciaux pour tous les autres.

L'abîme entre la vision d'Abbas d'une résolution pacifique du conflit et les signes "d'espoir" qu'il voit dans les manipulations administratives de statu quo d'Olmert est renversant dans son énormité.

Abbas se plaît à décrire sa sempiternelle vision qui "doit aboutir à l'établissement d'un Etat palestinien indépendant à Jérusalem Est, la Cisjordanie et Gaza à l'intérieur des frontières de 1967, un état indépendant qui vit en sécurité et en paix avec tous ses voisins, Israël compris, et en trouvant une solution juste et négociée pour les réfugiés palestiniens, en accord avec la Résolution 194 des Nations Unies".

C'est une vision qu'Abbas n'aurait aucun problème à vendre demain à n'importe quelles factions palestiniennes et aux Palestiniens de la diaspora, ainsi qu'au monde arabe et musulman tout entier, si les Israéliens étaient prêts, même de loin, à céder leur position d'autorité et de pouvoir.

Mais Israël n'est prêt ni à dessiner le début d'une route vers la paix (il est toujours affairé à consolider ses colonies illégales, et en particulier son annexion de Jérusalem), ni à dire où elle se terminera. Les territoires occupés semblent être en ce moment le cadet de ses soucis et les affrontements inter-palestiniens en cours détournent d'Israël la rage des Palestiniens.

En plus, étant donné l'inégalité de puissance entre les Palestiniens et les Israéliens, la politique de poursuite des actions de confinement, de restriction, d'oppression et de soumission des territoires occupés est organisée de manière à coûter peu d'énergie et d'intelligence à Gabi Ashkanazi, le chef d'Etat Major des Forces de Défense, sauf peut-être comme entraînement sur le terrain susceptible de redonner confiance et fierté à l'armée israélienne, en particulier en terme de combats de terrain.

Israël a défini avec succès la cause de son insécurité, à savoir la terreur islamique, de concert avec la mentalité aux Etats-Unis et au Royaume Uni, le "zeitgeist" (1) si vous voulez, et non ce qu'elle est en réalité : la tâche indélébile sur l'âme d'Israël de ses crimes non confessés envers les Palestiniens.

Maintenant, Israël se projette, s'engage fébrilement et tend ses muscles vers de bien plus gros poissons : l'Iran, le Liban, la Syrie et l'Irak. Les fourmis captives dans son arrière-cour grillagée, si facilement écrasées, ne sont rien comparées à l'excitation d'une agression régionale contre de soi-disant menaces nucléaires et des mollahs malfaisants et il ne va pas manquer d'en résulter un chaos à grande échelle.

Alors le gouvernement israélien a besoin de se protéger contre sa propre population interne (environ 20% de Palestiniens) en promulguant des lois comme celle qui l'autorise à déporter et refuser la citoyenneté des israéliens considérés comme mauvais patriotes envers l'Etat juif d'Israël.

La liste des infractions couvertes par cette loi inclut "la visite à des nations ennemies", et, plus vague, "l'encouragement à la terreur contre Israël". On se demande comment cela va être mis en pratique et où l'on va se débarrasser de ces palestino-israéliens une fois qu'ils seront déportés – peut-être en Irak, pour rejoindre les réfugiés palestiniens dans les limbes là-bas ou peut-être dans les territoires occupés.

"Nous espérons que ce qu'Olmert a annoncé… va se passer", débite faiblement Abbas pendant son discours au Forum de Davos au sujet de l'annonce d'Olmert de "faciliter" quelques procédures administratives. Ce en quoi Abbas met tous ses espoirs n'est rien d'autre que des stratagèmes israéliens de relations publiques qui ne valent pas plus que le papier sur lequel ils sont écrits.

Abbas met également tous ses espoirs dans des stratégies du passé qui se sont révélées être des échecs. Il ne voit aucune nécessité pour des "nouvelles initiatives ou décrets" parce que "de nombreuses résolutions des Nations Unies et du Conseil de Sécurité existent, et qu'il y a déjà des accords signés par les deux parties, palestinienne et israélienne. Nous avons également devant nous la Feuille de Route qui inclut l'initiative arabe et la vision de George Bush concernant les deux états."

Les preuves passées qui pourraient donner confiance aux Palestiniens, que Dieu les aide, dans les résolutions des Nations Unies ou du Conseil de Sécurité, ou dans la vision de George W. Bush ou dans les initiatives arabes, sont tellement minuscules qu'on se demande pourquoi l'Organisation de Libération de la Palestine est tellement enthousiasmée par ce qui a échoué et si peu encline à s'ouvrir sur des directions radicalement nouvelles.

L'optimisme d'Abbas est absolument déplacé. Israël est plus que jamais loin d'être converti à ce que Nelson Mandela appelle "le droit et la morale".

C'est seulement lorsque cette conversion se produira qu'Abbas pourra se sentir raisonnablement optimiste.

Le philosophe juif Martin Buber exprimait ce qu'aucun gouvernement israélien n'a jamais voulu admettre :

"C'est seulement une révolution interne qui aura le pouvoir de guérir notre peuple de sa maladie meurtrière de haine sans raison… Elle ne peut nous apporter qu'une ruine totale. Seulement alors les vieux et les jeunes, dans notre pays, prendront conscience de notre immense responsabilité vis-à-vis des ces réfugiés arabes misérables dans les villes desquels nous avons installé des colons juifs venus de très loin ; des maisons dont nous avons hérité, des champs que nous cultivons et moissonnons maintenant ; des jardins, des vergers et des vignes dont nous ramassons les fruits ; des maisons d'éducation, de charité et de prière que nous avons installées dans des villes que nous avons volées, en même temps que nous bavardions et délirions sur le fait que nous étions "Le Peuple du Livre" et "La Lumière des Nations".

Abbas devrait refuser tout compromis avec de tels gouvernements.

(1) ndt : mot allemand signifiant "l'esprit du temps".

Source : Electronic Intifada

Traduction : MR pour ISM

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