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Palestine - 25 avril 2008
Par Khaled Amayreh
Alors qu'un million et demi de Gazans implorent le monde de faire pression sur Israël pour lever son siège scandaleux sur le territoire côtier, deux millions et demi d'autres Palestiniens, en Cisjordanie, luttent pour faire face à une crise économique sans précédent, qui les appauvrit et les épuise encore davantage.
La crise, la plus dure de ces derniers temps, s'enracine dans toute une série de facteurs locaux et globaux, dont l'envolée des prix de la nourriture et de l'énergie, la chute du cours de la monnaie, le chômage rampant et les restrictions israéliennes draconiennes sur la mobilité des gens, des biens et des services.
Exacerbant davantage cette situation, une sécheresse dévastatrice sévit, du jamais vu depuis des décennies, qui a presque détruit les récoltes de céréales de l'année, le moyen d'existence de nombreuses familles palestiniennes.
Et la sécheresse n'affecte pas que les fermiers.
Conjuguée à une augmentation phénoménale des températures, on s'attend à ce qu'elle entraîne une pénurie en eau sévère dans beaucoup de localités, en particulier pendant les mois d'été. Quelques palestiniens se demandent déjà comment ils pourront faire face à la forte augmentation du prix des produits essentiels.
Prenez par exemple la farine, denrée de base pour la plupart des familles palestiniennes. L'an dernier, un sac de farine de blé de 50 kg coûtait 70 NIS* (12,84€).
Aujourd'hui, il coûte 210 NIS (38,53€). Les prix des autres produits de consommation courante comme le riz, le sucre, l'huile de cuisine, la viande et la volaille, des légumes et les fruits ont eux aussi grimpé de façon vertigineuse, et beaucoup de familles palestiniennes ne peuvent plus se permettre de les acheter.
Cette semaine, un kilo de tomates de qualité moyenne était vendu dans la région d'Hébron 10 NIS, soit 1,8€.
De plus, le prix de l'électricité et du gaz est devenu un véritable fardeau pour les segments les plus pauvres de la société, et beaucoup de familles sont dans l'incapacité de régler les factures de service accumulées, quelques-unes ont recours au bois pour la cuisson des repas. Vous ajoutez à cela la chute du cours du Dinar jordanien, la monnaie principale des économies des Palestiniens. Le Dinar a perdu un quart de sa valeur par rapport à celle du Shekel israélien.
L'autorité palestinienne (PA), qui dépend dans une large mesure des dons de l'Occident et des pays arabes producteurs de pétrole, n'a pas réussi à prévenir cette crise.
La semaine dernière, la Fédération des Syndicats ouvriers palestiniens a lancé une "grève d'avertissement" pour protester contre la cherté de la vie ainsi que contre le refus du gouvernement de régler les salaires cumulés de milliers d'enseignants et autres fonctionnaires embauchés en 2006 à la suite de la victoire électorale du Hamas.
Le gouvernement de Salam Fayyad a commencé par menacer les fonctionnaires en grève, jurant de poursuivre et de punir les grévistes. Le gouvernement a en définitive reculé, promettant de résoudre "tous les problèmes" de manière amicale et par le dialogue.
Avec les pourparlers de paix Autorité Palestinienne/Israël qui ne mènent nulle part et Israël qui continue à étendre les colonies juives en Cisjordanie , annulant tout projet d’Etat palestinien viable, les mois prochains vont être cruciaux en terme de comment les Palestiniens gèreront leur épreuve nationale.
Al-Ahram Weekly a demandé à l'économiste palestinien Hazem Kawasmi comment il pensait que les masses palestiniennes feraient face au marasme économique actuel. Kawasmi a dit qu'il prévoyait une "détérioration sans précédent et historique" de l'économie palestinienne qui secouerait le système politique et économique en Palestine et dans la région.
Pour ce qui est de la situation de la Bande de Gaza, où la désintégration économique résulte du blocus israélien hermétique, Kawasmi prédit une "explosion" dans les prochaines semaines ou mois. Cette explosion, argumente-t-il, serait à nouveau dirigée vers la frontière égyptienne, pour aller chercher de la nourriture, des médicaments et tous les produits qui n'existent pas aujourd'hui dans la Bande de Gaza.
"On ne peut pas attendre d'un peuple qu'il vive dans la famine, la pauvreté et le chômage pendant longtemps. Il n'y a pas de raison convaincante qui explique pourquoi la frontière palestino-égyptienne n'a toujours pas été ouverte, même de façon temporaire, laissant les enfants, les femmes et les personnes âgées de Gaza mourir à petit feu et souffrir quotidiennement."
Le peuple palestinien de Gaza, dit Kawasmi, risque de continuer à souffrir jusqu'à ce que tous les problèmes politiques de la région soient résolus, ajoutant qu'à moins qu'il y ait un arrangement économique sur Rafah qui facilite la circulation des produits et des personnes à travers la frontière, l'économie de Gaza s'effondrera bientôt complètement.
Au sujet de la Cisjordanie , Kawasmi souligne qu'Israël fait des démarches pour se désengager de Cisjordanie d'un point de vue économique. Dès que le mur de l'apartheid sera terminé, commente Kawasmi, "les bases de nouvelles relations économiques seront posées, d'un point de vue israélien : 'Nous sommes ici et vous, vous êtes là, et nous nous en fichons."
Dans ce contexte, les Palestiniens ont de moins en moins d'illusions sur les pourparlers de paix avec Israël. Selon un sondage réalisé à la mi-avril par le Jerusalem Centre for Information & Communication, le pourcentage de Palestiniens qui soutiennent la solution à Deux Etats est tombé de 53% en octobre 2007 à 47% aujourd'hui.
De la même manière, ceux qui montraient quelque optimisme sur la possibilité de résoudre de façon pacifique le conflit israélo-palestinien ont chuté substantiellement de 44,9% l'an dernier à 36% aujourd'hui.
Dans le sondage, les Palestiniens donnent leurs avis sur d'autres questions, comme les alternatives à l'impasse politique actuelle, avec plus de 27% qui plaident pour un troisième Intifada, ou soulèvement, et 37% qui appellent au démantèlement et à la dissolution de l'Autorité Palestinienne. Près de 13% sont favorables à une déclaration unilatérale d'indépendance.
La frustration palestinienne vis-à-vis du processus de paix est plus que justifiée puisque le processus n’a jusqu’à présent débouché sur aucun résultat substantiel, en dépit des nombreuses discussions, rencontres marquantes – impliquant des dirigeants américains, israéliens et palestiniens – ainsi que nombre de conférences de paix aux USA et en Europe.
Cette semaine, Henry Siegman, directeur du Projet USA/Moyen Orient à New York, souligne la banqueroute et le manque de sincérité du processus de paix. «Ce qu’on attend des hommes d’Etat n’est pas plus de conférences de paix ou des ajustements habiles aux formulations des processus de paix précédents, mais qu'ils aient le courage moral et politique d'en finir avec leur collaboration à l’énorme canular qu’est devenu le processus de paix », a-t-il dit.
« Bien sûr », a-t-il ajouté, « la violence palestinienne doit être condamnée et stoppée, surtout lorsqu’elle vise des civils. Mais n’est-ce pas hautement malhonnête de prétendre que l’occupation israélienne – maintenue par l’armée d’Israël – les checkpoints et les barrages, les hélicoptères armés, les avions de guerre, les assassinats ciblés et les incursions militaires, sans parler du vol massif des terres palestiniens – n’est pas un exercice de violence continue et implacable contre plus de trois millions de civils ? Si Israël devait renoncer à la violence, l’occupation durerait-elle encore un seul jour ? ».
* NIS : New Israëli Shekel.
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Khaled Amayreh
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