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Palestine - 10 septembre 2006
Par Jennifer Loewenstein
Jennifer Loewenstein est chercheur invité au Refugee Studies Center de l’Université d’Oxford. Elle écrit un livre sur "La transformation du mouvement national de la Palestine, 1994-2006 : l'arrivée du Hamas et la Chute du Fatah. Elle est une journaliste indépendante et a habité et travaillé à Jérusalem, Beyrouth et Gaza. On peut la contacter à l’adresse suivante : amadea311@earthlink.net
Israel contrôle rigoureusement les identités des quatre millions de Palestiniens vivant sous son controle en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est.
Israel a engendré de façon ingénieuse une situation d'apatride pour une population entière vivant sous son contrôle et lui refuse de plus en plus toute liberté de circulation.
Le silence de la communauté internationale face à ces violations de la loi humanitaire est sinistre.
Depuis qu'il a occupé les Territoires Palestiniens en 1967 - et indépendamment du processus d'Oslo - Israël s'est gardé un pouvoir exclusif sur l'enregistrement des civils et la publication des identifications aux Palestiniens.
Il administre unilatéralement les visas d'entrée et les permis de travail pour les dizaines de milliers de non-détenteurs de papiers d'identités palestiniens dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) et aux visiteurs étrangers.
Israël contrôle tous les accès d'entrée-sortie des TPO et les entrées-sorties des enclaves/cantons qu'il a créé à l'intérieur des TPO et - en dépit du désengagement - a le contrôle total sur l'ensemble du trafic des hommes et des véhicules qui entre et sort de la bande de Gaza.
En septembre 1967, Israël a effectué un recensement dans l'ensemble dles territoires qu'il venait d'occuper. Toute personne qui n'était pas enregistrée a eu ses droits de résidence retirés.
Les dizaines de milliers de Palestiniens qui étaient étudiants, travaillaient ou voyageaient à l'étranger ont immédiatement perdu leur droit de résidence et n'ont aujourd'hui aucune identité officielle.
Une partie de ce groupe dépossédé arbitrairement de toute nationalité s'est appliquée ensuite à revenir par le programme de "réunification des familles" Certains ont obtenu le droit de vivre dans les TPO en tant que visiteurs temporaires ou touristes mais même ce droit a été difficile à obtenir ou à conserver.
Avant la création de l'Autorité Palestinienne en 1994, le gouvernement israélien - par la bureaucratie militaire d'occupation connue par euphémisme sous le nom d'Administration Civile – a émis des cartes d'identité pour les résidants des territoires occupés en 1967.
Ceux qui vivaient en Cisjordanie ont eu des cartes oranges, ceux de la Bande de Gaza ont eu des cartes marron et les Jérusalemites ont eu des cartes bleues qui indiquaient une résidence israélienne mais pas la citoyenneté.
Cela ne faisait aucune différence qu'ils aient vécu depuis des générations en Palestine, qu'ils soient des réfugiés, des réfugiés "officiels" (ceux qui ont accompagné les responsables de l'Autorité Palestinienne à son retour d'exil suite aux Accords d'Oslo en 1993) ou qu'ils aient des identités palestiniennes.
Ces termes sont essentiellement sans signification dans un paysage administratif dominé par les Israéliens dans lequel les Palestiniens sont des résidants légitimes ou illégitimes dont le statut peut être changé selon leur bon vouloir.
En conséquence des Accords d'Oslo, la publication des cartes d'identité est passée sous la responsabilité de l'Autorité Palestinienne.
Néanmoins, comme Israël a conservé - et continue de conserver – le contrôle sur l'enregistrement de la population palestinienne, c'est Israël qui détermine les droits et le statut de tous les Palestiniens vivant sur le territoire occupé.
L'Autorité Palestinienne n'a aucun pouvoir pour intervenir au nom de son peuple.
Les informations sur le nom, l'âge, la date et le lieu de naissance, l'affiliation politique et les données de sécurité de tous les individus sont stockés dans une base de données d'ordinateur à laquelle accèdent les officiers israéliens aux checkpoints et aux passages des frontières.
Aujourd'hui, les résidants de la Cisjordanie et de Gaza détenteurs de carte d'identité sont autorisés à changer la couleur de leurs cartes d'identité en vert, la couleur des cartes d'identité émises par l'Autorité palestinienne, bien que certains possèdent toujours l'ancienne version de l'Administration Civile.
Les Jérusalemites ont toujours des cartes d'identité bleues.
Les cartes d'identité émises par l'Autorité Palestinienne contiennent une photographie et les informations personnelles.
Bien qu'elles semblent être des documents d'identité émis par une autorité souveraine, en fait, elles sont encore directement liées à la base de données d'enregistrement de population et d'informations correspondantes contrôlée par les Israéliens. Les informations imprimées sur les cartes sont en Hébreu, en Arabe et en Anglais.
Les détenteurs de cartes d'identité résident légalement dans les TPO mais sont des citoyens sans terre, par conséquent ils rencontrent constamment des obstacles quand ils utilisent leurs "passeports" pour voyager à l'étranger et les difficultés constantes qui accompagnent les apatrides à travers le globe.
Adnan est un Palestinien qui vit à Gaza et est marié avec une Algérienne, Fatima. Il y a plus d'une décennie, ils ont sollicité la légalisation de sa résidence mais elle attend toujours une réponse. Fatima ne peut pas quitter Gaza parce qu'elle n'a ni de carte d'identité ni de passeport. Si elle part, elle ne sera jamais plus autorisée à revenir.
Tout particulièrement vulnérables, ce sont les Palestiniens qui sont nés dans la Bande de Gaza, qui ont y grandi, y sont allés à l'école, y ont trouvé du travail, ou s'y sont mariés et qui se sont déplacés en Cisjordanie . (Ce genre de déplacement était relativement facile avant le milieu des années 90.)
Les Gazéens de Cisjordanie peuvent être à nouveau expulsés vers la Bande de Gaza puisque Israël refuse de changer leur domicile sur les données d'enregistrement.
Les étudiants de Gaza poursuivant leurs études dans les universités de Cisjordanie ont été interdits de revenir étudier après avoir rendu de brèves visites à leurs familles. Les autorités israéliennes ont maintenant commencé à empêcher les étudiants de Gaza admis dans des universités de Cisjordanie de s'y inscrire.
Le déplacement entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie est interdit sauf à un nombre restreint de Palestiniens VIP.
Les Palestiniens vivant dans la Diaspora qui avaient espéré entrer dans Gaza suite au "désengagement" ont été empêchés d'y entrer. Les Étrangers désirant venir à Gaza, mais qui avaient fait l'objet de vérifications prolongées à l'aéroport Ben Gurion de Tel Aviv, ont découvert, eux aussi, qu'ils étaient interdits d'entrer par le passage de Rafah.
Beaucoup de Palestiniens sans cartes d'identités validées par les Israéliens ont dû régulièrement sortir des Territoires Palestiniens Occupés pour renouveler leurs visas de touristes afin de continuer à y vivre ainsi que leurs familles.
Beaucoup s'étaient rendus à l'extérieur des TPO – en général en Jordanie, en Egypte ou à Chypre - tous les trois mois seulement pour obtenir un nouveau visa israélien et revenir immédiatement.
Israël n'a fait aucune annonce officielle au sujet d'une modification de politique mais, depuis avril, il a refusé systématiquement le retour dans les Territoires Palestiniens Occupés par les frontières internationales israéliennes de l'aéroport Ben Gurion, le pont Allenby, le pont du cheik Hussein et Eilat.
Ceux qui sont affectés sont :
• Les citoyens naturalisés, nés en Palestine, détenteurs de passeports occidentaux – en particulier Américains – qui ont été forcés par les circonstances d'obtenir une nationalité quelque part ailleurs dans le monde ou qui se sont retrouvés sans identité nationale
• ceux qui ont perdu leur droit de résidence à Jérusalem-Est en raison d'études/d'emploi à l'étranger en 1967 et/ou qui furent des victimes politiques du "transfert silencieux" conçu pour diminuer la population palestinienne de la ville
• Les anciens résidants du Kowéit, expulsés en 1991 après que Yassir Arafat ait soutenu Saddam Hussein dans la première guerre Américano-Irakienne, qui sont revenus dans les TPO mais qui ont dépassé la durée de leurs visas (de touristes) provisoires puisqu'ils avaient nulle part où aller.
Comme ils ne sont pas inclus dans l'enregistrement de population palestinienne, ils sont considérés comme des résidants illégaux et peuvent être expulsés par les autorités israéliennes à tout moment.
Les épouses étrangères vivant en Palestine avec leurs maris et leurs enfants depuis de nombreuses années sont maintenant détenues à leur arrivée à l'aéroport Ben Gurion et forcées d'acheter un billet de retour vers le pays d'où elles arrivent.
Une femme occidentale mariée à un Palestinien languit en Jordanie après 33 ans de sortie de la Cisjordanie tous les trois mois.
Pour rendre les choses encore pires, son mari n'a pas le droit de sortir de Cisjordanie pour lui rendre visite, une stratégie utilisée habituellement pour punir les activistes palestiniens depuis que l'occupation a commencé.
Cette politique affecte des professionnels et des universitaires - d'origines palestiniennes et occidentales - qui sont dans les TPO pour l'enseignement, les programmes de développement, la recherche ou l'activisme international. Israël est déterminé à réduire la présence des internationaux en Cisjordanie et à Gaza.
Quand les Palestiniens sont seuls à protester, les forces israéliennes peuvent et utilisent des balles réelles contre eux. La présence des internationaux est une force de dissuasion pour ce genre de violence.
Israël a engendré de façon ingénieuse une situation d'apatride pour une population entière vivant sous son contrôle et lui refuse de plus en plus toute liberté de circulation. Puisqu'ils ne seraient pas autorisés à revenir dans leurs foyers s'ils partaient, ceux qui ne possèdent pas de cartes d'identités sont réellement retenus prisonniers par l'état israélien via un système d'autorisation qui limite même les résidants les plus légitimes de ces secteurs de passer dans un autre secteur.
La "dépossession" a pris une nouvelle signification alors que des millions de Palestiniens ont non seulement perdu leur terre mais également toute validation reconnue au niveau international de leurs identités.
Même ceux qui sont assez chanceux pour posséder des cartes d'identités de résidence légitime, ils doivent toujours faire face à un régime d'autorisation qui est encore plus complexe et imposé de façon encore plus impitoyable que le système du régime d'Apartheid. Le déplacement spontané d'un endroit à un autre s'est arrêté.
La politique israélienne des cartes d'identité déchirent les familles, ruinent les vies et empêchent l'accès à la propriété. Des membres de familles – y compris des parents d'enfants en bas âge - sont empêchés sans raison de rentrer chez eux.
Le silence de la communauté internationale face à ces violations de la loi humanitaire est sinistre.
Le Comité ad-hoc pour la Protection des Détenteurs de Passeports Etrangers résidant et/ou visitant les Territoires Palestiniens Occupés (CPFPH), lancé en juin 2006, est un groupe de soutien aux individus et aux familles affectés par la nouvelle politique israélienne de refus d'entrée aux détenteurs upports de passeports étrangers dans les TPO.
Le CPFPH a pour but de :
• Contacter les milliers de personnes toujours en Palestine risquant d'être refusées de ré-entrer pour les conseiller de ne pas partir et partager une expérience sur les façons d'intenter une action en justice.
• Collecter des informations et documenter les cas de refus d'entrer ou de ré-entrer
• Pousser les Consulats et les Ambassades des citoyens concernés à protester officiellement et à protéger leurs nations victimes de ces pratiques israéliennes
Source : Migrations Forcées
Traduction : MG pour ISM
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Jennifer Loewenstein
10 septembre 2006