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Palestine - 27 février 2006
Par Jennifer Loewenstein
Jennifer Loewenstein est chercheur associée au Centre d'Etudes sur les Réfugiés de l'Université d'Oxford. Elle a vécu et travaillé dans la bande de Gaza, à Beyrouth et à Jérusalem, et elle a voyagé dans l'ensemble du Moyen-Orient en qualité de journaliste indépendante et de militante des droits de l'homme. On peut la contacter à l'adresse e-mail ci-après : amadea311@earthlink.net
Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, sachez qu'Israël est contre une solution à deux Etats.
Il fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher un Etat palestinien d'émerger, et il continuera à le faire aussi longtemps qu'il pourra compter sur la complicité de ses puissants amis et sur l'indifférence généralisée de l'opinion publique.
Dans de telles circonstances, il nous incombe de nous demander pourquoi le Hamas s'est vu intimer l'ordre - par Israël et ses mêmes puissants amis - d'accepter la "solution à deux Etats", tout particulièrement quand ont sait qu'à la différence d'Israël, il a déclaré sans ambiguïté et à plusieurs reprises qu'il accepterait un Etat palestinien établi sur les territoires occupés par Israël lors de la guerre de 1967, c'est-à-dire : la Cisjordanie , la bande de Gaza et Jérusalem Est.
De fait, tous ses principaux porte-parole l'ont confirmé: Zahar, Haniyé, Meshaal, ainsi que Yassine et Rantisi avant leur assassinat.
La Judée et la Samarie qui sont - ou plutôt étaient - les régions nord et sud de la Cisjordanie , ont été subdivisées et parcellisées, depuis plusieurs décennies, et allouées à des centaines de milliers de colons juifs, pour y installer leurs maisons, leurs jardins et leurs vergers. Elles ont été encerclées et tailladées de routes réservées aux juifs, qui toutes relient les terres, les habitations, les potagers et les vergers à Israël.
Elles sont gardées militairement par des hommes en armes, des tanks et des drapeaux israéliens bleu et blanc qui défendent, protègent et rassurent les colons, leurs maisons, leurs vergers et leurs jardins, sur le fait qu'ils sont bien, en réalité, des Israéliens, qui appartiennent à un seul et unique Etat juif.
Les territoires colonisés, avec leurs familles de colons, leurs habitations, leurs jardins, leurs commerces et leurs écoles, leurs clubs de loisirs, leurs cafés et leurs piscines, ont été planifiés, cadastrés, confisqués, sécurisés et lotis après avoir été volés aux Arabes en haillons qui survivent dans des villages misérables, aux alentours, après avoir été chassés des zones coloniales protégées.
Les frontières projetées, autant dire les futures frontières, dépendent de la disparition de ces Arabes, qui est anticipée fiévreusement et activement encouragée.
La plupart du périmètre oriental de l'Etat d'Israël actuel est constitué d'une muraille en béton qui cache à la vue cette Autre Côté, innommable dans une compagnie policée.
Le mur oriental deviendra sous peu le mur occidental, le Premier ministre israélien actuel, Ehud Olmert venant d'annoncer que les parties de la Cisjordanie non encore incorporées à Israël ne vont pas tarder à lui être annexées : la Vallée du Jourdain, la frontière de la Cisjordanie avec la Jordanie, aujourd'hui appelée à devenir la frontière orientale d'Israël avec la Jordanie, sera elle aussi sécurisée par la muraille et interdite aux "non-Israéliens", c'est-à-dire aux Palestiniens, qui se retrouveront dès lors entièrement cernés et emprisonnés dans leurs réserves indignes, dans l'impossibilité d'accéder au monde extérieur.
Olmert annonce dans un même souffle sa décision unilatérale d'annexer de nouvelles terres à Israël et un régime de sanctions contre les Palestiniens des territoires occupés au motif qu'ils refusent de croire que cette transformation du paysage, par laquelle une société est renforcée et étendue tandis que l'autre est micronisée en des milliers de parcelles serait véritablement "la solution à deux Etats".
Israël s'alloue l'utilisation première des ressources naturelles, en particulier de l'eau, des territoires qu'il s'est arrogé ou qu'il a encerclé.
Une armée de voleurs et de casseurs a transformé ce qui en reste - les routes à nids de poules, les cultures abandonnées, les maisons, les écoles, les mosquées et les églises, les hôpitaux, les universités, les commerces et les vestiges de diverses institutions civiles - en une série de labyrinthes infranchissables, un no man's land légal, où les restrictions de déplacements, les permis, les "passes", les cartes d'identité codées, les fouilles au hasard, les incursions et les accusations arbitraires réduisent les habitants à l'état de suspects, sans identité, sans visage, sans adresse connue et sans droits ; à un tas de malfrats en mal d'éducation et dénationalisés et, un jour peut-être, déportés pour le plus grand bénéfice de la 'raison d'être' [en français, dans le texte, ndt] d'Israël.
Pour les visiteurs venus de l'étranger, il est maintenant aussi difficile de visiter les territoires occupés qu'il est difficile, pour leurs habitants légitimes de s'y déplacer.
Il est par conséquent plus difficile, pour des outsiders, de vérifier par eux-mêmes que les dangers contre lesquels ils ont été mis en garde proviennent bien directement d'Israël, et non pas du peuple qu'Israël assiège, et qui n'en peut mais.
Loin de faiblir, les menaces (israéliennes) contre les biens et même les vies des Palestiniens ne cessent de croître quotidiennement.
Pour ceux qui ne l'auraient pas remarqué, il n'y a aucune indication que ce processus s'achemine vers sa fin.
Bien au contraire, en sus de l'exigence pour le moins étonnante que le Hamas accepte la solution à deux Etats qu'Israël a rejetée catégoriquement et qu'il rend chaque jours plus impossible, géographiquement, deux autres exigences viennent aujourd'hui s'y ajouter : le Hamas doit reconnaître Israël, et il doit renoncer à la violence.
Autrement dit : le Hamas doit reconnaître l'existence d'un Etat dont la politique et dont les dirigeants s'attèlent sans relâche, depuis des décennies, à dénier, défaire, renier, empêcher et rejeter l'existence tant des Palestiniens que de la Palestine - non seulement dans le présent et à l'avenir, mai sy compris en faisant table rase du passé.
Et néanmoins, nos médias se targuent de montrer au monde une réalité reflétée dans un miroir de fête foraine, grotesque par ses distorsions, dans laquelle un gouvernement démocratiquement élu, mais un gouvernement-sans-Etat, et son peuple foulé au pied et très largement démuni seraient ceux qui prendraient en otages les malfrats qui s'acharnent à les piétiner jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Alors qu'ils sont foulés aux pieds, qu'on leur tire dessus, qu'on les passe à tabac, qu'on démolit leurs maisons, qu'on les trucide, qu'on les intimide, qu'on les dépouille, qu'on les rackette, qu'on les affame, qu'on les déracine, qu'on les dépossède, qu'on les harcèle, qu'on les insulte, qu'on les tue à balles réelles, par missiles, par bulldozers blindés, par tanks, par mitrailleuses héliportées, par bombes à fragmentation, par fléchettes, par bombardiers, par mitraillettes automatiques, par bombes incapacitantes, par gaz lacrymogènes, par barrières électrifiées, par blocages, murailles et sièges, ils doivent renoncer à la violence, car les malfrats risqueraient d'avoir bobo.
S'ils essayaient de se défendre, ils perdraient.
S'ils se plaignaient, ce serait du cinéma ;
S'ils demandent quoi que ce soit en retour, ils ne sont pas dignes de confiance ;
S'ils demandent à être effectivement entendus, alors ils soumettent un "diktat" ;
S'ils répliquent au hasard, ils sont l'instrument du terrorisme.
Ainsi, quand les colères (individuelles) causées par des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés et de détenus, et des millions de personnes entravées et bâillonnées se rassembleront en un cyclone de protestation, on les dénoncera, on y verra une preuve d'un mal inné qui doit être à juste titre contenu, de gens qu'il convient d'occuper, faire l'objet d'une juste indignation et justifier d'une aide financière sans fond.
La récompense accordée au Hamas pour avoir accédé au pouvoir juste au bon moment pour donner à tous les Sharon en puissance le meilleur prétexte servir sur un plateau d'argent pour continuer leurs politiques bien usées jusqu'à la corde, avec aggravation, a consisté, pour le parti Kadima – le parti du futur. - à annoncer qu'il mettait les Palestiniens à un régime de famine, pour avoir osé exercer leurs droits démocratiques.
La récompense accordée au Hamas pour avoir prouvé le succès écrasant de l'objectif israélien, à savoir la destruction du Fatah, c'est l'insistance d'Israël à ce que lui, le Hamas, respecte tous les accords, tous les traités et tous les agréments que le Fatah, qui représentait l'essentiel de l'Autorité palestinienne, a signés, mais dont lui - Israël - a fait des confettis, page après page.
A chaque brique posée dans les colonies, à chaque nouvelle route goudronnée reliant les colonies d'Ariel, Maale Adumim, Illit, Gush Etzion et au-delà, à chaque permis refusé, qu'il s'agisse de travail, d'éducation, de soins médicaux et de voyage, à chaque camion devant poireauter, tandis que sa cargaison de fruits et légumes pourrit, aux points de contrôle de Sufa et de Karni, à chaque dollar de taxes intérieures et douanières volé à un peuple interné sur sa propre terre, Israël brandit son mépris pour la décence humaine et obtient, ce faisant, les ovations debout du Congrès des Etats-Unis, mais pas seulement.
Quand Oussama Ben Laden affirme qu'il est légitime, pour Al-Qa'ida, d'assassiner des Américains, parce qu'en tant que citoyens d'un pays démocratique, ils sont responsables de leur gouvernement, la société "civilisée" s'insurge, à juste titre, d'indignation.
Mais quand Dov Weisglass et ses associés sadiques et sardoniques en appellent à diverses variantes de punition collective à l'encontre des Palestiniens, au motif qu'il ont eu l'audace de remplacer démocratiquement le Fatah failli par le Hamas, alors là : la société "civilisée" hoche la tête, pour marquer son approbation obséquieuse.
Pour ceux qui ne l'ont pas remarqué, Israël est contre une solution à deux Etats.
Il est également contre une solution à un seul Etat, avec un Etat binational, un Etat fédéré et laïque, et il est contre la foultitude de solutions intérimaires qui ont été imaginées, débattues et défendues au fil des années.
Il s'y oppose, parce qu'il est contre la présence d'un autre peuple sur une terre qu'il a prétendu être le patrimoine exclusif des juifs.
C'est cela, qui doit être le point de départ de toute action militante efficace contre la vision raciste et hégémonique qu'Israël est en train de mettre en ouvre et que les Etats-Unis sont en train de cautionner, et non pas des discussions oiseuses sur la solution la plus idéale.
Une opposition, pour être efficace, ne doit pas battre en retraite dans une indifférence mortelle, parce qu'éloignée du principal et endormie.
* Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft.
Source : www.counterpunch.org/
Traduction : Marcel Charbonnier*
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