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Palestine - 24 juin 2011
Par Khaled Amayreh
Une réunion entre le président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas et le dirigeant du Hamas Khaled Meshaal, qui devait avoir lieu mardi 21 juin au Caire, a été reportée sine die en raison d'un désaccord continu entre les deux bords sur la désignation du nouveau Premier ministre palestinien. La décision de report de la rencontre, dont les Palestiniens espéraient qu'elle conduirait à la formation d'un gouvernement d'unité nationale, a été prise à la demande de la direction du Fatah. Des sources au sein du parti ont dit que l'insistance d'Abbas à choisir Salam Fayyad comme prochain Premier ministre est à l'origine du report.
3 mai 2011 au Caire, signature de l'accord de réconciliation interpalestinien par M. Abbas et F. Meshaal (photo AP)
Le Hamas est fermement opposé à ce choix, accusant Salam Fayyad, poulain de l'occident, de mettre en œuvre le programme israélo-américain qui nuit aux intérêts nationaux palestiniens et qui est hostile au mouvement islamiste.
De plus, il n'y a aucune affinité entre le Hamas et Fayyad, dont le gouvernement traque, persécute et incarcère ses partisans par milliers, principalement pour contenter Tel Aviv et Washington.
Toutefois, en dépit d'un évident recul dans les efforts de réconciliation entre les deux camps, des responsables des deux bords ont tenté de minimiser les différences rémanentes, disant qu'un accord sur la formation du prochain gouvernement palestinien n'était qu'une question de temps.
"Il faut davantage de discussions et de délibérations. Les désaccords sont naturels, mais ils ne sont pas le bout du chemin," a dit Ismail Haniyeh, Premier ministre du gouvernement Hamas à Gaza.
Toutefois, le Hamas a officiellement rejeté les affirmations d'Abbas selon lesquelles il aurait une prérogative dans le choix du Premier ministre qui formera ensuite un gouvernement d'indépendants ou de technocrates. Dans un entretien avec une chaîne de télévision libanaise, Abbas a dit : "Nous voulons un gouvernement qui nous fera aller de l'avant, pas qui nous ramènera en arrière."
"Le prochain gouvernement ne devra pas être celui du Hamas ou du Fatah, et s'il échoue dans sa mission, ce sera moi, et non Khaled Meshaal, le responsable de l'échec."
Pendant cet entretien, Abbas a admis que certains partisans du Hamas étaient arrêtés en Cisjordanie , mais il a ajouté que les arrestations n'étaient pas politiques.
Le dirigeant palestinien a aussi précisé que dans le cas où son projet de reconnaissance d'un Etat palestinien auprès des Nations Unies en septembre échouerait, peut-être à cause de l'intervention américaine, les Palestiniens auraient recours à d'autres alternatives qu'il n'a pas souhaité évoquer.
"Je ne peux pas dire maintenant ce que nous ferons dans ce cas, mais nous n'aurons pas recours à la lutte armée, parce que la lutte armée nous a détruit," a-t-il dit.
Le porte-parole du Hamas à Gaza, Sami Abu Zuhri, a critiqué ce qu'il a qualifié d'unilatéralisme d'Abbas, disant que sa conduite vis-à-vis de la formation d'un nouveau gouvernement était incompatible tant avec la lettre qu'avec l'esprit de l'accord de réconciliation conclu entre le Fatah et le Hamas.
"Le Président Abbas dit qu'il choisira le prochain premier ministre et que le gouvernement ne rendra de comptes qu'à lui, mais ce n'est pas dans la ligne de l'accord de réconciliation," a dit Zuhri.
Selon des sources palestiniennes, Abbas fait l'objet d'intenses pressions et menaces venant du gouvernement israélien et également de l'administration Obama pour qu'il suspende ou du moins minimise le rapprochement avec le Hamas.
Les menaces israéliennes comprendraient le retrait du statut de VIP aux dirigeants de l'AP, dont Abbas lui-même, le gel des versements mensuels des recettes de taxes douanières - qu'Israël collecte pour le compte des Palestiniens - et une réimposition de restrictions drastiques sur la mobilité palestinienne.
Israël a également menacé de prendre des mesures encore plus draconiennes contre l'AP au cas où cette dernière chercherait une reconnaissance internationale à l'ONU, et le ministre extrémiste israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a déclaré que l'Etat juif s'absoudrait de tous ses engagements découlant des Accords d'Oslo.
Pour sa part, l'administration Obama a conseillé à Abbas "de veiller à ce que le rapprochement avec le Hamas n'aille pas trop loin."
Selon des sources du Front démocratique de Libération de la Palestine (FDLP), membre de l'Organisation de Libération de la Palestine, Abbas a récemment laissé entendre aux services secrets égyptiens, principal sponsor du processus de réconciliation palestinienne, que Washington lui avait demandé de choisir entre Fayyad comme Premier ministre ou perdre le soutien financier et politique américain.
Dans son discours devant le puissant lobby israélien AIPAC (American Israël Public Affairs Committee) à Washington il y a quelques semaines, le président Obama avait affirmé : "L'accord récent entre le Fatah et le Hamas est un énorme obstacle à la paix."
Toutefois, le président US, dont nombre d'observateurs pensent qu'il essayait surtout de s'attirer la faveur des lobbyistes pro-Israël, n'a pas exigé l'abrogation pure et simple du pacte de réconciliation.
Certains cercles pro-Israël à Washington ont essayé de convaincre la garde rapprochée des conseillers d'Obama que ses chances de remporter un second mandat dépendrait dans une large mesure de son allégeance aux desiderata israéliens, en particulier sur les deux questions principales : empêcher l'AP de demander la reconnaissance d'un Etat palestinien putatif, et contrecarrer les efforts de réconciliation palestinienne.
Les responsables israéliens et pro-israéliens dans l'arène US redoutent que l'influence du Hamas, en lui permettant d'avoir son mot à dire dans le processus décisionnel palestinien, radicalise la direction de l'AP et l'oblige à s'abstenir de faire d'importantes concessions à Israël, en particulier sur des questions fondamentales comme Jérusalem et le sort des réfugiés palestiniens.
Israël craint aussi que la "réhabilitation" du Hamas ne lui fasse perdre une carte-clé de propagande qui saperait son statut international.
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Khaled Amayreh
24 juin 2011