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Israël - 1 juin 2006
Par Tanya Reinhart
Il faut reconnaître le gouvernement Hamas. Non seulement parce que la reconnaissance du Hamas serait bonne pour Israël, comme l'a illustré récemment l'ancien chef du Mossad Ephraim Halevy [1], mais parce que ce serait une initiative appropriée, conformément à tous les critères de la justice et du droit international.
En dépit de l'opposition d'Israël, les Etats-Unis et l'Europe ont décidé de permettre au peuple palestinien d'organiser des élections démocratiques.
D'après le rapport de Jimmy Carter publié dans "The Herald Tribune", ces élections ont été "honnêtes, équitables, fortement disputées, mais sans violence, et les résultats ont été acceptés tant par les perdants que par les gagnants. Parmi les soixante-deux scrutins qui ont été supervisés par. le Centre Carter, ces élections palestiniennes se rangent parmi les plus représentatives de la volonté populaire." [2]
Dans un monde juste et bien organisé, il serait impensable qu'un gouvernement élu de si belle manière soit disqualifié simplement parce que le choix opéré par l'électorat en question n'a pas l'heur d'agréer à Israël !
Mais dans un monde où les Etats-Unis gouvernent tout, où la force incarne le droit et où le droit peut définir la démocratie à sa guise, il en va tout autrement.
Il a été ainsi annoncé que le résultat des élections palestiniennes ne serait pas reconnu, tant que les trois "mantras" n'auraient pas été respectés : le Hamas doit renoncer à la terreur, il doit honorer les accords signés par ses prédécesseurs et il doit reconnaître l'Etat d'Israël.
En attendant, le peuple palestinien serait puni et réduit à la famine par un boycott économique, dans l'espoir que cela entraîne l'effondrement du gouvernement élu.
En janvier 2005, le Hamas a annoncé sa résolution de substituer le combat politique à la lutte armée, et il a concédé une trêve unilatérale [le 'calme ', la 'hudna']. Au cours des dix-sept mois qui suivirent, le Hamas n'a pas perpétré le moindre attentat.
D'après des sources des services de sécurité, depuis les élections, le Hamas n'a même pas participé au lancement de la moindre roquette Qassam depuis Gaza, dont les lancements sont, pour la plupart, dus à l'initiative du Fatah [3].
Qu'attend-on exactement du Hamas, quand on exige de lui qu'il "renonce au terrorisme" ?
En ce qui concerne les accords antérieurs, le Premier ministre Hamas, Ismaïl Haniyyéh, a expliqué qu'aux termes des accords d'Oslo (signés en 1993), après une période intérimaire de cinq ans, un Etat palestinien aurait dû être créé.
Mais Israël a violé toutes les clauses de ces accords, sans aucune exception, et qu'il a continué à coloniser et à déposséder les Palestiniens de leurs terres. Dorénavant, a-t-il dit, son gouvernement n'honorera que les seuls accords qui apporteraient quelque chose au peuple palestinien.
Depuis Oslo, nous, les Israéliens, nous nous sommes habitués à l'idée que les négociations avec l'Autorité palestinienne ne tourneraient jamais qu'autour de la seule question de savoir ce qui est bon pour Israël : dans quelle mesure les Palestiniens sont-ils prêts à reconnaître son existence en tant qu'Etat juif et à prendre soin de sa sécurité.
Soudain, Israël est confronté à un gouvernement palestinien élu qui refuse de continuer à jouer à ce petit jeu.
Haniyyéh dit au gouvernement d'Israël : "Dorénavant, vous représenterez les positions d'Israël, dans les négociations, et nous, nous représenterons la position des Palestiniens".
Lors du congrès du Conseil National Palestinien, à Alger, en 1988, le peuple palestinien a pris l'initiative de reconnaître la partition du pays et de se contenter d'un Etat à l'intérieur des frontières de 1967.
Israël n'a absolument rien fait depuis lors afin d'apporter la preuve qu'il est prêt à accepter un compromis tel celui-là. Les Palestiniens ne reconnaîtront le droit à l'existence d'Israël que si, et seulement si, Israël apportera la preuve qu'il est prêt à reconnaître le droit à l'existence du peuple palestinien.
Mais il s'agit là, précisément, de ce que les gouvernements et l'armée d'Israël n'ont jamais accepté. Jusqu'à présent, aucun dirigeant palestinien n'a été considéré comme un partenaire de paix acceptable, mais une direction qui proclame représenter uniquement le peuple palestinien est, à leurs yeux, un véritable ennemi, qui doit être détruit.
Olmert a peut-être réussi à convaincre une majorité, au Congrès des Etats-Unis, à voter en faveur d'un boycott du gouvernement Hamas. Mais, dans la société israélienne elle-même, il ne dispose d'aucune majorité.
D'après un sondage réalisé par le Truman Institute, en mars de cette année, 62 % des Israéliens sont favorables à des négociations avec le Hamas [4].
Mais, depuis pas mal de temps, la majorité, en Israël n'a pas son mot à dire. Pour l'instant, la seule chose qui reste à espérer, c'est que l'Europe reprendra ses esprits et aussi qu'elle influencera les Etats-Unis afin de les amener à accepter le choix démocratique du peuple palestinien.
NOTES :
[1] : Interview in Yediot Aharonot, supplément du dimanche, 26 mai 2006.
Voir également : Associated Press, 27 mai 2006 : Un ancien dirigeant du Mossad en appelle à des négociations avec le Hamas, sur le long terme ['Former Mossad chief calls for long-term deal with Hamas'].
[2] : Jimmy Carter, 'Punishing the innocent is a crime' [Punir des innocents est criminel], International Herald Tribune, 7 mai 2006.
[3] : Amos Harel, 'IDF and Qassams / Zero tolerance', [Forces de défense d'Israël et Qassams : tolérance zéro ! », in Ha'arezt, 7 avril 2006 ; Amos Harel et Arnon Regular, 'IDF: Hamas about to rein in Qassams' [L'armée israélienne est sur le point de faire reculer les tirs de Qassams], in Ha'aretz, 10 avril 2006.
[4] : Sondage effectué du 16 au 21 mars 2006, conjointement par l'Institut Harry S. Truman pour la Promotion de la Paix, de l'Université hébraïque de Jérusalem, et par le Centre Palestinien de Recherches et Enquêtes politiques, de Ramallah,
http://truman.huji.ac.il/upload/PressRelease-15-240306English.doc
Source : http://www.tau.ac.il/~reinhart
Traduction : de l'hébreu en anglais par Mark Marshall, et retraduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier
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