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USA - 29 octobre 2007
Par John Dugard
Déclaration du Prof. John Dugard, Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l'Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés lors de la 62ème session de l'Assemblée Générale le 24 octobre 2007 - Troisième Commission - Article 70 (c)
Si le Secrétaire général n'est pas en mesure de persuader le Quartet d'adopter une approche équitable et impartiale dans la dispute Israël/Palestine et une qui tienne compte des droits de l'homme des Palestiniens, je suggère que le Secrétaire général devrait envisager de retirer l'Organisation des Nations Unies du Quartet.
Je me suis rendu dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) fin septembre 2007. Bien que le Gouvernement israélien refuse de parler avec moi car il ne reconnaît pas mon mandat, il a, comme lors de mes précédentes visites, facilité mes déplacements dans les Territoires Palestiniens Occupés. Je lui en suis très reconnaissant.
La situation dans les Territoires Palestiniens Occupés décrite dans mon rapport A/62/275 du 17 août 2007 ne s'est pas améliorée. Au contraire, elle a empiré.
Gaza demeure une société emprisonnée du fait de la fermeture totale des principales voies de passage à Rafah (pour les personnes vers l'Egypte) et Karni (pour l'importation et l'exportation des marchandises via Israël). Israël refuse de reconnaître Gaza en tant que territoire occupé, ce qu'il est clairement en vertu du droit international, et a déclaré Gaza "entité ennemie".
L'une des conséquences de cette déclaration est que les banques israéliennes ont interrompu leurs relations avec les banques à Gaza - ce qui a de graves conséquences pour Gaza qui utilise le shekel israélien comme monnaie.
La crise humanitaire se poursuit et plus de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté officiel.
Les incursions des Forces d'Occupation Israélienne surviennent fréquemment pour les assassinats ciblés de militants palestiniens.
En effet, 12 Palestiniens ont été tués par les FOI le jour où je me suis rendu à Gaza.
Israël justifie ses actions comme étant des opérations défensives en réponse aux tirs des roquettes Qassam depuis Gaza sur Israël. Même si ces tirs de roquettes sont condamnables, la réponse d'Israël est disproportionnée et ne permet pas de distinguer clairement les cibles civiles des cibles militaires.
Il ya eu quelques améliorations en Cisjordanie depuis la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza : la libération de près de 350 prisonniers, le paiement d'une partie des sommes dues à l'Autorité palestinienne sur les recettes fiscales, l'assouplissement des restrictions aux déplacements dans la Vallée du Jourdain et l'octroi de permis de résidence en Cisjordanie à 3.500 Palestiniens.
Ces améliorations sont toutefois contrebalancées par :
• L'augmentation du nombre de checkpoints et des barrages routiers (aujourd'hui 571),
• L'augmentation du nombre des arrestations et des incursions militaires,
• La poursuite de la construction du Mur, avec les conséquences néfastes pour les personnes vivant à proximité du Mur,
• L'expansion continue des colonies de peuplement (la semaine dernière, Israël a annoncé qu'il confisquait des terres palestiniennes dans les villages d'Abu Dis, de Sawahreh, de Nabi Mousa et d'Al Khan al-Ahmar dans le gouvernorat de Jérusalem pour la construction d'une route afin de faciliter l'expansion de la colonisation à Jérusalem-Est, près de la colonie de Ma'aleh Adumim),
• La crise humanitaire actuelle.
Il y a près de 11.000 Palestiniens dans les prisons israéliennes. Une réelle volonté d'entrer en pourparlers de paix sérieux est généralement accompagnée d'une libération des prisonniers. Le fait qu'Israël ne libère pas les prisonniers à une échelle significative donne à penser qu'il n'est pas prêt pour un règlement des questions de statut final.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder trois questions :
1. L'autodétermination
2. Les conséquences d'une occupation prolongée
3. Le röle des Nations Unies dans la promotion des droits de l'homme dans les TPO.
1. Autodétermination
Le droit des Palestiniens à l’autodétermination est gravement menacé par la dispute entre le Fatah et le Hamas. Tout doit être fait pour rétablir l'unité palestinienne afin que le droit à l'autodétermination des Palestiniens dans son ensemble puisse être exercé.
L'ONU devrait jouer un rôle dans le processus de réconciliation palestinien en cherchant à rétablir un gouvernement d'unité nationale pour représenter le peuple dans son ensemble. Malheureusement, le Quartet, dont l'ONU est membre, a, en donnant son soutien à une faction contre l'autre, divisé davantage les Palestiniens.
2. Occupation Prolongée
Cette année a vu le quarantième anniversaire de l'occupation par Israël de la Cisjordanie , de Gaza et de Jérusalem-Est.
Les conséquences d'une telle occupation prolongée ne sont pas claires, en particulier lorsque l'occupation est accompagnée par le colonialisme (il ya près d'un demi million de colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est) et contient des éléments d'apartheid (il existe une multitude de lois et de pratiques discriminatoires à l'égard des Palestiniens au profit des colons).
Nous suggérons de demander à la Cour Internationale de Justice un Avis Consultatif sur les conséquences juridiques pour Israël, pour les Palestiniens occupés et pour les États tiers résultant de cette occupation prolongée.
Les Avis consultatifs remplissent une fonction utile à la clarification de la loi et donnent une légitimité. Les quatre avis consultatifs demandés par l'ONU à l'égard de l'Afrique du Sud-Ouest/Namibie illustrent l'importance de cette procédure internationale.
3. Le Rôle des Nations Unies
Certains pensent que ce n'est pas la fonction d'un Rapporteur Spécial de soulever publiquement la question du rôle de l'ONU dans le processus de paix mené par le Quartet. Cette question est, toutefois, celle qui est débattue dans les territoires palestiniens occupés et au sein de l'ONU lui-même, mais essentiellement à huis clos.
A mon avis, il est de mon devoir d'aborder cette question directement au sein de la famille des Nations Unies - et la Troisième Commission fait certainement partie de la famille des Nations Unies.
Je respecte le point de vue de ceux qui pensent que cette question ne devrait pas être discutée publiquement, mais, en revanche, je suis en désaccord avec cette position en raison de mon statut indépendant en tant que Rapporteur Spécial.
L'Organisation des Nations Unies est l'ultime protecteur des droits de l'homme dans la communauté internationale. Dans les Territoires Palestiniens Occupés, les agences de l'ONU, telles que l'UNRWA, l'OCHA et le HCDH, promeuvent et protégent les droits de l'homme avec dévouement. De graves questions sont toutefois posées sur la compatibilité du rôle de l'ONU dans le Quartet de par son rôle de principal protecteur des droits de l'homme.
Le Quartet, qui fait rapport au Conseil de sécurité, n'a pas été établi par une résolution du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale. Malgré ses fondements juridiques douteux, il a assumé la principale responsabilité dans la gestion du processus de paix entre Israël et les Palestiniens
Le Quatuor, composé des États-Unis, de la Fédération de Russie, de l'Union européenne et de l'ONU, est dominé et guidé par la volonté politique de son membre le plus puissant, comme l'a récemment montré le "Rapport de Fin de Mission" de l'ancien envoyé spécial des Nations Unies au Quartet, M. Alvaro de Soto.
Malheureusement, le Quartet ne se préoccupe pas beaucoup des droits de l’homme des Palestiniens.
Régulièrement, des déclarations émises par le Quartet (par exemple la plus récente en date du 23 septembre) font peu mention, quand elles le font, de violations des droits de l'homme infligées aux Palestiniens : les incursions militaires, les arrestations, le mur, les checkpoints, les colonies et la crise humanitaire.
Le Quartet n'a même jamais reconnu l'avis consultatif de la Cour internationale en 2004 qui déclarait illégal le Mur construit en territoire palestinien.
Dans sa dernière déclaration, il se félicite des mesures prises par Israël pour "améliorer les conditions sur le terrain", sans aucune mention au fait que les violations des droits de l'homme s'étaient intensifiées ces derniers mois.
Le fait que l'ONU soit associée à ces déclarations et à l'imposition de sanctions contre les Palestiniens par le Quartet a mené à une grave perte de confiance envers les Nations Unies dans les territoires palestiniens occupés. Cela est particulièrement vrai dans la Bande de Gaza qui a été totalement abandonnée par le Quartet.
Dans ces conditions, la question doit être posée de savoir si les meilleurs intérêts de l'Organisation des Nations Unies sont desservis en restant dans le Quartet, ou est-elle utilisée pour légitimer la position pro-israélienne du Quartet ?
Dans mon rapport, j'ai suggéré que le Secrétaire Général devait veiller à ce que le Quatuor adopte une position plus proactive sur le front des droits de l'homme en signalant à Israël que ses violations des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés ne peuvent plus être tolérées et qu'il doit se conformer à l'Avis Consultatif de la Cour Internationale de Justice de 2004 statuant qu'Israël doit démanteler le mur construit en territoire palestinien.
Le Quartet doit aussi être persuadé de faire de son mieux pour parvenir à l'unité palestinienne dans le but de promouvoir l'exercice de l'autodétermination palestinienne et à s'abstenir de soutenir une faction contre une autre.
Si le Secrétaire général n'est pas en mesure de persuader le Quartet d'adopter une approche équitable et impartiale dans la dispute Israël/Palestine et une qui tienne compte des droits de l'homme des Palestiniens, je suggère que le Secrétaire général devrait envisager de retirer l'Organisation des Nations Unies du Quartet.
Ce n'est pas un appel à l'ONU à se retirer du Quartet. En revanche, c'est un appel au Secrétaire général et à ses collaborateurs pour qu'ils examinent le rôle de l'ONU dans le Quartet en prêtant une attention particulière à la situation des droits de l'homme.
Si le Secrétaire général et ses collaborateurs sont convaincus qu'une diplomatie discrète au sein du Quartet est plus susceptible de faire progresser les droits de l'homme que le retrait du Quartet, soit.
Ce que je demande vraiment, c'est un débat sérieux sur ce sujet entre toutes les parties prenantes des Nations Unies. Cette suggestion, je crois, reflète l'opinion de l'écrasante majorité des États aux Nations Unies.
Source : http://toibillboard.info/Dugart_oct.2007.rtf
Traduction : MG pour ISM
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John Dugard
29 octobre 2007