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Palestine - 21 septembre 2008
Par Khaled Amayreh
Intriguant pour une position publique avantageuse vis-à-vis du Hamas, le mouvement Fatah a appelé à l'organisation d'élections présidentielles et parlementaires en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
La proposition nous est servie comme étant la seule voie pour résoudre la crise continue entre le Fatah et le Hamas, à la suite du contre-coup d'Etat de ce dernier à Gaza en juin de l'année dernière.
La proposition semble toutefois être plus un stratagème de propagande qu'un effort sincère visant à parvenir à une réconciliation inter-palestinienne.
Et elle ne suggère pas que le Fatah, maintenant solidement soutenu et financé par les Etats-Unis, ait entrepris une véritable transformation démocratique.
Bien sûr, le Fatah aujourd'hui reste le même Fatah qui a accepté, seulement avec réticence et sous la pression américaine, de permettre que des élections générales aient lieu en 2006 – et seulement parce que les dirigeants du Fatah semblaient sûrs de gagner.
Toutefois, lorsque le Hamas a remporté les élections haut la main, le Fatah n'a pu avaler l'amère pilule et a décidé de s'embarquer dans chaque acte concevable de sabotage, pour casser le Hamas et déstabiliser son gouvernement. Certains observateurs croient que le Fatah a pris, en secret, la décision de renverser le gouvernement Hamas en devenir dès que les résultats des élections ont été annoncés.
Il est vrai que quelques responsables du Fatah ont publiquement accepté les résultats des élections. Cependant, en réalité, ils ont cherché à restreindre les horizons du Hamas en rejoignant, effectivement et activement, la guerre ouverte menée par les Américains contre lui, une guerre qui n'est pas encore terminée.
Il y a quelques années, je me souviens d'avoir écouté la bande audio d'une réunion d'information secrète de Mohammad Dahlan avec ses partisans, à la radio Al Hurriya, à Gaza. Lors de cette réunion infâme, Dahlan jurait de faire regretter au Hamas le jour où il avait décidé de prendre part aux élections.
"Je leur ferai manger … (juron), et si un quelconque gars du Fatah ose participer au gouvernement Hamas, je saurai comment m'occuper de lui."
Dahlan avait ajouté : "J'enverrai quelques jeeps ici et là, pour donner l'impression que Gaza est en feu."
Dahlan fit d'autres remarques épouvantables, qu'on ne peut mentionner pour maintenir la dignité du langage.
Ensuite, le Fatah, ou plus exactement le camp à qui les Américains ont donné du pouvoir au sein du mouvement, a collaboré activement avec la CIA et Israël "pour faire échouer l'expérience Hamas", de peur qu'elle ne se répète ailleurs au Moyen Orient et dans le reste du monde musulman.
L'idée était très simple : imposer un étranglement économique et financier draconien sur les Palestiniens ordinaires, pour leur faire non seulement regretter leur décision de voter pour le Hamas, mais aussi pour qu'ils se retournent contre le mouvement islamique, de manière analogue à tous les coups d'Etat fomentés par la CIA en Amérique Latine et Centrale.
Au début de l'année, le magazine américain "Vanity Fair" a publié un rapport d'investigation très complet intitulé "Comment l'Administration Bush a menti au Congrès et a armé le Fatah pour provoquer une guerre civile palestinienne dans le but de renverser le Hamas."
Le rapport soulignait que la Maison Blanche avait essayé d'organiser le renversement du gouvernement dirigé par le Hamas après qu'il ait remporté les élections palestiniennes en 2006.
Selon le rapport, l'administration Bush a menti au Congrès et a accru son soutien militaire à la faction palestinienne rivale Fatah, dans le but de provoquer une guerre civile palestinienne, dont ils pensaient que le Hamas la perdrait.
Vanity Fair rappelait l'épisode "Iran Contra 2.0" – en référence aux fonds versés par l'administration Reagan aux Contras nicaraguayens en vendant secrètement des armes à l'Iran. (1)
Un ancien responsable haut placé de l'administration Bush a dit qu'il pensait que la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza l'année dernière était vraisemblablement une mesure préemptive pour devancer le coup d'Etat soutenu par les USA.
Cet officiel, David Wurmser, fut le conseiller pour le Moyen Orient du Vice-président Cheney jusqu'à ce qu'il démissionne en juillet 2007, un mois après la prise de pouvoir du Hamas. Wurmser a dit : "Il y a une rupture stupéfiante entre la revendication du Président pour la démocratie au Moyen Orient et sa politique. Elle la contredit directement."
Nettement embarrassé, le Fatah, comme prévu, a minimisé la crédibilité du rapport, le qualifiant de "grossièrement inexact".
Le Fatah demande donc maintenant des élections anticipées, oubliant complètement toute une série de questions importantes en rapport avec les élections. En voici quelques-unes :
Tout d'abord, Israël et l'administration américaine, qui considèrent le Hamas comme une "organisation terroriste" (non pas pour la violence mais parce qu'il insiste sur les droits palestiniens, en particulier le droit au retour des réfugiés palestiniens) autoriseront-ils que des élections libres et transparentes aient lieu, à la lumière de "l'expérience désastreuse" de 2006 ?
Les dirigeants du Fatah peuvent arguer, uniquement par provocation, que les élections sont une affaire palestinienne interne. Oui, c'est vrai, mais nous savons tous que l'Autorité Palestinienne n'est pas un Etat, et encore moins un Etat souverain. Nous savons aussi que l'Autorité Palestinienne est à 150% subordonnée aux USA, qui sont en retour subordonnés à Israël. Alors, pourquoi parler au sous-fifre plutôt qu'au responsable ?
En deux, admettons que le Hamas gagne les élections, le Fatah acceptera-t-il cette fois le résultat ? Les dizaines de milliers de soldats anti-Hamas entraînés et payés par les Américains en Cisjordanie accepteront-ils l'autorité du nouveau gouvernement dirigé par le Hamas ?
En fait, il serait plus que naïf de penser qu'ils le feraient. Nous parlons de forces de sécurité dont la raison d'être est de combattre et d'annihiler le Hamas, comme le prouve la campagne vindicative contre les Palestiniens suspectés d'appartenir au Hamas et les institutions islamiques actuellement menée dans toute la Cisjordanie .
Troisièmement, imaginons que le Fatah accepte les résultats, même si ceux-ci ne lui plaisent pas. Israël le fera-t-il ? Y a-t-il des garanties que l'armée israélienne d'occupation, qui contrôle chaque recoin et chaque rue de Cisjordanie , ne rafle pas les "mauvais candidats" et les "mauvais gagnants", et ne les jette pas dans les geôles et camps de concentration israéliens partout en Palestine occupée, comme il l'a fait la dernière fois que des élections ont eu lieu ?
Israël, pour ceux qui l'aurait oublié, continue de détenir pour la troisième année consécutive des centaines de personnalités palestiniennes élues, dont des maires, des membres de conseils locaux et, en particulier, pas moins de 40 députés élus et anciens ministres.
Le principal "crime" commis par ces responsables élus, des gens comme le Professeur Aziz Duweik, le Président du Parlement palestinien, est d'avoir participé à une "élection illégale" ! Quel énorme mensonge, quand on sait que les élections palestiniennes de 2006 ont été agréées tant par Israël et son premier ministre Ariel Sharon que par l'administration Bush.
Cette conduite de gangster scandaleuse par un état qui s'autoproclame la seule démocratie du Moyen Orient est une preuve flagrante qu'une démocratie sous occupation militaire étrangère est une grande farce.
C'est un message que toutes les factions palestiniennes, en particulier le Fatah et le Hamas, devrait comprendre et intérioriser.
Ne pas le faire ferait de nous la risée du monde.
(1) Affaire Iran-Contra : dans les années 1980, plusieurs membres de l'administration Reagan ont vendu illégalement des armes à l'Iran, qui était un ennemi avoué des États-Unis, et ont utilisé les profits pour financer secrètement, et malgré l'opposition du Congrès, les Contras, un mouvement contre-révolutionnaire nicaraguayen de lutte armée regroupant les opposants au gouvernement marxiste-léniniste de Daniel Ortega.
Source : Exposing Israel
Traduction : MR pour ISM
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Khaled Amayreh
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