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USA - 20 avril 2006
Par Ira Glunts
Ira Glunts a visité le Moyen-Orient pour la première fois en 1972, et il a enseigné l’anglais et l’éducation physique dans une petite village en Israël. Il a été volontaire dans les Forces de Défense Israéliennes en 1992. Il vit à Madison, New-York, où il tient une boutique de livres rares et d’occasion
Deux éminents journalistes israéliens ont écrit que Colin Powell connaissait et craignait le pouvoir du lobby.
Dans un éditorial critique à l’égard de ses collègues d’Harvard ridiculement intitulé "Il n’y a pas de 'lobby' israélien", le consultant politique bien connu David Gergen proclame : "Au cours de mes quatre visites à la Maison Blanche, pas une seule fois je n'ai été témoin d'une décision prise dans le bureau ovale infléchissant la politique étrangère US. en faveur d'Israël aux dépens des intérêts américains." (1)
Le soutien financier massif américain à l’expansion territoriale d’Israël en Cisjordanie est tout à fait contraire à ses propres intérêts, répondraient ses deux collègues.
Le déni global de Gergen est l’une des déclarations les plus absurdes, parmi les articles actuels qui récusent les analyses de Stephen Walt et John Mearsheimer, les deux professeurs qui ont récemment publié "Le lobby israélien".
Leur essai décrit ce que les auteurs voient comme les nombreux effets délétères des militants pro-israéliens sur la formulation de la politique étrangère américaine. (2)
Dans sa critique de l’ouvrage, Gergen affiche un niveau de culot qui stupéfierait même le plus aveugle des partisans loyaux de la cause israélienne, lorsqu’il vilipende Walt et Mearsheimer qui "mettent en doute les services inestimables rendus à la sécurité nationale américaine par des personnages publics comme Dennis Ross, Martin Yndik…"
En réalité, Ross et Indyk sont les deux responsables du gouvernement qui illustrent le mieux la présence des partisans pro-israéliens dans le gouvernement US.
Denis Ross, qui a été le chef négociateur des pourparlers de paix à Camp David, a été publiquement critiqué pour son manque d’objectivité par son propre député Aaron Miller.
Miller, dans un éditorial du Washington Post intitulé "L’avocat d’Israël", a écrit qu’au cours des négociations, Ross et son équipe, au lieu de faciliter un compromis, dans le meilleur intérêt de l’Amérique, a choisi d’agir comme un avocat des israéliens. (3)
Ross est actuellement directeur de l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient (WINEP - Washington Institute for Near East Policy), un groupe d’experts pro-israélien qui a été créé par le Comité des Affaires Publiques Américano-Israéliennes (AIPAC – American Israël Public Affairs Committee).
Martin Indyk, fondateur du WINEP dont il a été le premier directeur administratif, fut ensuite à la fois Ambassadeur des Etats-Unis en Israël et adjoint au Secrétaire d’Etat pour les Affaires proche-orientales. Il est, depuis longtemps, un soutien inconditionnel à la politique gouvernementale israélienne.
Dans leur récent ouvrage : "Boomerang : l’échec de direction dans la deuxième Intifada", disponible actuellement en hébreu, Raviv Drucker et Ofer Shelah, deux journalistes israéliens respectés, racontent une réunion entre le Secrétaire d’Etat de l’époque, Colin Powell, que le lobby considère comme étant "le maillon faible" dans la chaîne des fonctionnaires les plus pro-israéliens de l’administration Bush, et Abraham Foxman, directeur de la Ligue anti-diffamation de B’nai Brith, membre éminent de ce qui est appelé en Israël "le lobby juif".
La relation de cette réunion montre d’une façon dramatique que la vision de Gergen sur l’influence du lobby israélien n’est pas forcément partagée par tous les ex-responsables du gouvernement.
Au Département d’Etat de Colin Powell, on avait une conscience aiguë de la force du lobby juif. Les secrétaires d’Etat ne rencontraient pas souvent les lobbyistes, mais les responsables juifs et les juifs qui ne représentaient pas officiellement de groupes spécifiques, de Abe Foxman de la Ligue anti-diffamation jusqu’à Ronald Lauder, pouvaient rencontrer Powell dans un délai assez court.
Au Département d’Etat, Foxman bénéficiait d’une aura de toute-puissance. On considère qu’il est à l’origine de la nomination d’Indyk comme sous-secrétaire d’Etat sous l’administration Clinton, et qu’il a joué un rôle dans la nomination des secrétaires d’Etat Christopher et Albright.
Foxman était quelqu’un devant qui Powell devait capituler. Une fois, Foxman a dit à un des députés que Powell était le maillon faible. Lorsque le Secrétaire d’Etat a eu connaissance de cette remarque, il a commencé à s’inquiéter.
Il savait qu’à Washington, une confrontation avec le lobby juif pouvait lui rendre la vie difficile.
Une autre fois, il a organisé une rencontre avec Foxman, mais ce dernier, peu disponible, différa trois fois le rendez-vous.
Lorsqu’ils purent finalement se voir, le chef de la Ligue anti-diffamation s’excusa auprès du Secrétaire d’Etat (pour les reports) : "Vous appelez, nous arrivons", répliqua Powell, paraphrasant le slogan publicitaire bien connu d’une compagnie de fret. Cette déclaration a bien plus de sens qu’une simple réponse humoristique. (4)
Malheureusement, la presse américaine a été très largement complice des attaques gratuites contre les deux professeurs qui ont écrit un essai globalement bien argumenté sur les écueils des relations américano-israéliennes actuelles.
La plupart des articles de presse mettent en exergue la critique négative, mais ont tendance à ignorer ou minimiser les commentaires positifs.
Dans le climat politique actuel, ce n’est pas surprenant que les deux érudits assiégés ne rencontrent pas un large mouvement. Abe Foxman a qualifié l’essai d’"analyse classique de conspirateur antisémite invoquant les canards du pouvoir et du contrôle juif" (5).
En tant que juif, je suis d’accord avec l’éditeur juif, Mary-Kay Wilmers, qui a publié le document. Elle pense, comme cela est rapporté dans The Observer, "que les dénonciations d’antisémitisme les plus violentes peuvent en fait, à long terme, encourager l’antisémitisme, à force de vouloir censurer toute critique d’Israël" (6).
Les médias américains ne rendent pas service aux nombreux juifs américains et aux israéliens qui critiquent l’expansionnisme auto-destructeur d’Israël et sa négation du droit des Palestiniens à l’auto-détermination. Le lobby israélien, aux Etats-Unis, ne représente pas l’opinion de tous les juifs américains.
La pression qu’il exerce sur les responsables gouvernementaux pour qu’ils soutiennent aveuglément et inconditionnellement la politique actuelle israélienne, n’aidera, au bout du compte, ni les Etats-Unis ni Israël lui-même.
NOTES :
(1) http://www.nydailynews.com
(2) http://www.lrb.co.uk
(3) http://www.washingtonpost.com
(4) Drucker, Raviv and Shelah, Ofer, Boomerang..., Keter, 2005, pps. 132-133. Translation and text emphasized or enclosed in brackets, mine.
(5) http://www.chicagotribune.com
(6) http://observer.guardian.co.uk
Source : http://www.selvesandothers.org
Traduction : MR pour ISM
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