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Palestine - 30 novembre 2009
Par Khaled Amayreh
Abu Yasser est un vieux paysan palestinien qui vit au sud de la Cisjordanie. Ces jours-ci, il a les yeux sont rivés sur la chaîne tv Al-Jazeera pour suivre les dernières nouvelles des pourparlers entre Israël et le Hamas sur un possible accord d’échange de prisonniers, pour lequel l’Allemagne sert de médiateur. Il espère que son fils, Ahmed, fera partie des centaines d’activistes politiques et résistants palestiniens qu’Israël libèrera si un accord est conclu.
L’accord imminent verrait la libération d’un soldat israélien capturé par les combattants islamiques de la liberté à Gaza il y a plus de trois ans, en échange de la libération des geôles et camps de détention israéliens de centaines de prisonniers palestiniens, dont beaucoup ont été condamnés à de très longues peines pour avoir résister à l’occupation israélienne.
Cette semaine, les discussions ont atteint une phase décisive puisque les fonctionnaires des deux bords ont admis qu’un progrès tangible avait été fait et qu’un accord était plus proche que jamais.
Ces déclarations suscitent l’espoir que quelques-uns des prisonniers palestiniens qui ont passé le plus clair de leur vie dans les prisons et camps de détention israéliens voient enfin la lumière du jour.
« J’espère que cette fois, ce sera pour de vrai, » dit Abu Yasser, sur un ton mêlé d’espoir et de doutes. « Je veux revoir mon fils avant de mourir. »
« On ne nous a dit à plusieurs reprises qu’un accord était imminent que pour nous confronter à une autre déception, lorsque les discussions ont échoué. Mais j’espère vraiment que cette fois, ça sera différent. »
Abu Yasser et sa femme, Um Yasser, critique la réticence israélienne à libérer leur fils et des centaines d’autres palestiniens emprisonnés pour leur résistance politique ou militaire à l’occupation israélienne.
« Mon fils n’a pas attaqué de civils, comme les pilotes israéliens qui ont fait pleuvoir la mort sur les civils à Gaza. Les traiter de « terroristes » et de qualificatifs similaires est un abus de langage scandaleux, » dit Um Yasser, ce qui veut dire « mère de Yasser ».
« En outre, » ajoute-t-elle, « toutes les lois de Dieu et des hommes autorisent une population soumise à une occupation militaire étrangère à résister à ses bourreaux ».
« Alors je veux demander à ces hommes politiques et ces soi-disant dirigeants en pleine banqueroute morale. Résisteriez-vous, ou non, si votre pays était envahi et votre peuple réprimé et dépouillé de ses droits, de son honneur et de sa dignité par une armée étrangère d’occupation ? »
Abu Yasser acquiesce sans hésitation. Cependant, il affirme que les Israéliens savent, au fond de leur cœur, qu’ils sont des criminels et que les Palestiniens sont des victimes. « Mais, tu sais, Israël est un Etat sans foi ni loi, il se comporte comme une brute. »
Difficultés
Alors que le médiateur allemand Ernst Urlau, à qui revient le mérite des progrès récents, semble déterminé à conclure l’accord d’échange le plus vite possible, Israël rechigne toujours à accepter la libération de quelques « prisonniers vétérans » qu’il appelle « les têtes », comme par exemple des dirigeants comme Ibrahim Hamed et Abdullah al-Barghouthi et d’autres qui ont été impliqués dans des attaques de représailles contre Israël pendant l’Intifada al-Aqsa.
C’est à ce moment-là que le niveau de terrorisme d’Etat israélien contre les civils palestiniens a atteint des proportions scandaleuses, forçant le Hamas et d’autres groupes palestiniens résistants à mener des contre-attaques pour dissuader Israël de continuer à assassiner les civils palestiniens, dont des enfants et des enfants.
L’armée israélienne et le Shin Beth, service de contre-espionnage et de la sécurité intérieure d’Israël, s’est acharné à localiser le soldat capturé Shalit pour tenter une opération de sauvetage qui le libèrerait de la garde du Hamas. L’appareil du renseignement israélien dans la Bande de Gaza au grand complet, qui comprend nombre d’informateurs, s’est mobilisé à un niveau maximum dans l’espoir d’obtenir la moindre information qui conduirait à trouver l’endroit où Shalit est détenu.
Dans ce contexte, des millions de dollars ont été offerts en récompense à quiconque fournirait une information qui mènerait à la libération de Shalit, sans succès.
Finalement, l’ancien gouvernement israélien d’Ehud Olmert en est arrivé à la conclusion que même si Shalit était localisé, il y avait 99% de probabilités que toute opération de sauvetage se termine par la mort de Shalit.
L’incapacité à retrouver sa trace, et encore moins à le récupérer, a mis Israël dans une position difficile pour un marchandage, en particulier face à la pression grandissante de sa famille pour le ramener à la maison à n’importe quel prix.
Israël a eu et a toujours une politique de récupération des soldats capturés par l’ennemi. Toutefois, le long emprisonnement de Shalit couplé avec le refus obstiné du Hamas de faire des concessions sur cette question en dépit de la férocité et de la criminalité sans précédent de l’attaque israélienne contre Gaza l’année dernière, semblent avoir convaincu une grande partie de l’opinion publique israélienne, comme l’institution militaire, qu’un accord avec le Hamas, pour amer et inconfortable qu’il soit pour les Israéliens, était inévitable.
De plus, la gestion du Hamas de l’affaire Shalit s’est avérée hautement réussie. Depuis le tout début, le Hamas a refusé d’agir sous la pression et n’a prêté que peu d’attention à la campagne psychologique lancée par les médias israéliens et par les dirigeants de Ramallah.
Bien au contraire, le Hamas a joué la carte de la pression psychologique lorsqu’il a diffusé un clip vidéo montrant Shalit en bonne santé. Cependant, le mouvement a refusé catégoriquement de laisser les délégués de la Croix-Rouge internationale voir Shalit, craignant qu’Israël ne profite d’une telle visite pour glisser certains gadgets électroniques qui permettraient aux services secrets israéliens de localiser Shalit. Un dirigeant du Fatah à Hébron a salué la gestion du Hamas de l’affaire Shalit. « Si Shalit avait été détenu par le Fatah, Israël l’aurait localisé dès le premier jour, » a-t-il fait valoir.
Gagnant
Il ne fait aucun doute que le groupe islamique de libération Hamas serait le grand gagnant de tout éventuel accord d’échange de prisonniers avec Israël. Plus de 10.000 activistes palestiniens politiques et résistants languissent dans les camps de détention israéliens. De plus, tous les efforts pour obtenir d’Israël leur libération ont échoué, principalement parce qu’Israël veut s’en servir comme monnaie d’échange pour extorquer des concessions politiques à l’Autorité Palestinienne.
Israël et le Fatah seraient les perdants. Israël perdrait un peu de son pouvoir de dissuasion vis-à-vis des Palestiniens. La libération de centaines de prisonniers palestiniens des geôles israéliennes encouragerait les Palestiniens à faire des prisonniers israéliens et à les utiliser comme monnaie d’échange pour obliger Israël à libérer davantage de détenus palestiniens.
En outre, un accord d’échange réussi du point de vue palestinien montrerait à l’opinion publique palestinienne que le sort des milliers de Palestiniens dans les prisons israéliennes ne doit pas dépendre de la magnanimité israélienne.
Pour ce qui concerne le Fatah, le groupe s’inquiète du fait que la libération de tant de prisonniers palestiniens ne dope l’image publique du Hamas. Ce qui explique la guerre de propagande venimeuse que le Fatah a lancée contre le Hamas ces derniers jours, telle la répétition de l’affirmation manifestement fausse que le Hamas avait eu des discussions secrètes avec Israël à Genève. Et bien sûr, l’une des principales raisons du refus de l’ancien gouvernement Olmert à traiter avec le Hamas sur l’affaire Shalit vient de l’inquiétude que la libération de centaines de prisonniers palestiniens affaiblirait le leader de l’AP soutenu par l’Occident, Mahmoud Abbas.
Selon certains bulletins d’information de Washington, l’administration Obama a déjà demandé à Israël de libérer un millier de prisonniers Fatah pour neutraliser tout gain éventuel de popularité du Hamas qui résulterait d’un accord d’échange de prisonniers avec Israël.
L’administration Obama courtise Abbas pour qu’il reprenne les pourparlers au point mort avec Israël en dépit du refus de ce dernier de geler l’expansion des colonies juives, en particulier à Jérusalem Est.
C’est pourquoi la tactique américaine doit être vue, au moins en partie, comme une sorte d’astuce ou même de pot-de-vin visant à encourager Abbas à reprendre le processus de paix en faillite.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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