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Palestine - 25 février 2008
Par Khaled Amayreh
La 6ème conférence générale du Fatah, maintes fois annoncée, tant attendue et maintes fois reportée, prévue pour mars, est victime des contradictions internes chroniques du Fatah.
Selon des sources bien informées au plus haut niveau du mouvement, la conférence a été repoussée "jusqu'à nouvel ordre". Dans le langage Fatah, cela veut probablement dire "jamais".
Beaucoup des jeunes dirigeants et militants du Fatah ont espéré, et probablement espèrent toujours, que l'organisation de la conférence fournisse enfin l'occasion de remettre de l'ordre dans la maison Fatah et d'introduire des réformes démocratiques hautement nécessaires à un mouvement qui souffre de plus en plus de toute une série de maux, dont la corruption, l'esprit de discorde et de démoralisation rampant.
Cependant, les dirigeants anciens du Fatah, en particulier au niveau national, résistent et se sont en fait opposés à des élections internes à cause de la situation impossible sur tous les fronts, à savoir la scission durable entre le Fatah et le Hamas, la précarité du "processus de paix" avec Israël et le malaise largement répandu en Palestine et dans l'ensemble de la région. Pourtant, la désunion interne du Fatah reste le facteur le plus sérieux qui empêche en ce moment la convocation de la conférence.
Certains vieux dirigeants du Fatah en Cisjordanie , comme Qaddura Fares et Jebril Rajoub, craignent que la tenue de la conférence dans les circonstances actuelles cause une implosion au sein du mouvement. "Nous ne pouvons pas convoquer la 6ème Conférence maintenant, avec toutes ses divergences internes. Parce qu'au lieu de faire l'unité, cela consolidera la désunion et le Fatah sortira de la conférence en bien plus mauvais état", dit Fares.
Il a souligné que le Fatah arriverait bien mieux à "rafistoler" ses divergences par la voie de la réconciliation que par celle des élections. Mais une réconciliation selon quels critères ? C'est là toute la question, pour laquelle personne ne semble avoir de réponse satisfaisante.
Aucun de ces discours ne semble acceptable aux plus jeunes dirigeants du Fatah, qui accusent les dirigeants actuels de vouloir se maintenir à leurs postes pour toujours. "Ce sont tous menteurs et compagnie, quel que soit le mouvement ou le parti politique. Un directeur ne reste pas à son poste pendant 20 ans. Comment pouvons-nous en finir avec le Hamas si nos dirigeants gardent leurs sièges jusqu'à ce qu'ils soient séniles ou morts ", demande Jamal Qawasmeh, leader du Fatah dans la région d'Hébron. "Le Fatah a beaucoup souffert de l'autoritarisme, et s'il persiste, cela pourrait bien conduire à sa disparition."
L'un des problèmes les plus inquiétants et potentiellement destructeurs auquel le Fatah doit faire face en ce moment est l'ainsi nommé "camp en guerre". C'est un phénomène nouveau au sein du Fatah, qui est souvent décrit comme un supermarché d'idées et d'orientations politiques. Il y a à l'intérieur du mouvement toutes sortes de tendances politiques et idéologiques, allant de l'extrême gauche à l'extrême droite. Il y a aussi au sein du Fatah des loyautés aux pouvoirs régionaux, et même étrangers, pour tout dire il y a des lobbies jordaniens, égyptiens, américains, et même selon certains, israéliens.
Longtemps la forte personnalité de Yasser Arafat et sa prédominance incontestée au sein du Fatah ont maintenu cette cacophonie de contradictions sous contrôle. Arafat tenait toutes les rênes, prenait toutes les décisions et contrôlait tout l'argent, et aucun dirigeant du Fatah n'aurait pu le contester.
Maintenant, sans leader charismatique – nul ne pourrait comparer l'actuel chef de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas à Arafat – et en l'absence de véritables traditions démocratiques sur lesquelles le mouvement pourrait se reposer pour résoudre et réconcilier les divergences internes, le Fatah fait face à l'une des crises les plus difficiles de son histoire.
Au cours des dernières semaines, la récrimination s'est déversée dans les médias, entre Hakam Balawi, conseiller d'Abbas, et Mohammed Dahlan, l'ancien homme fort du Fatah à Gaza, dont les forces ont été défaites par le Hamas en juin 2006, qui se sont engagés dans une débauche d'insultes verbales.
Balawi a accusé Dahlan de chercher à renverser Abbas par tous les moyens possibles, et de le remplacer à la présidence de l'Autorité Palestinienne, en coordination avec des pouvoirs extérieurs non nommés, une possible allusion aux Etats-Unis et probablement aussi à Israël. "Dahlan est un opportuniste qui sème le chaos, les illusions et le poison", a déclaré Balawi dans une déclaration faite au nom du comité central du Fatah. "Ses actions et déclarations sont depuis longtemps basées sur l'intimidation, la menace et les ultimata."
Auparavant, Balawi avait accusé Dahlan "d'avoir perdu Gaza au profit du Hamas et d'avoir fui la queue entre les jambes". En réponse, Dahlan a traité la direction actuelle du Fatah de "direction ratée", disant qu'Abbas et la direction toute entière du Fatah étaient responsables de la défaite du Fatah dans la Bande de Gaza. Dahlan a été jusqu'à accuser Balawi d'être un traître travaillant et espionnant pour le compte d'Israël. "C'est toi qui a installé des espions israéliens dans le bureau d'Abu Mazen à Tunis", a dit Dahlan lors d'une déclaration aux médias cette semaine, faisant référence à Adnan Yassin, l'agent du Mossad qui avait infiltré le quartier général de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Tunis dans les années 1980.
Il y a quelques semaines, Abu Ali Shahin, un autre responsable du Fatah à Gaza, qui a fui en Cisjordanie à la suite du contrecoup du Hamas à Gaza, s'en est pris à Abbas, le traitant de dirigeant minable incapable de prendre la bonne décision au bon moment. Certains dirigeants Fatah craignent que l'affrontement virulent entre Balawi et Dahlan n'évolue vers une sorte de scission Gaza / Cisjordanie . Balawi vient du nord de la Cisjordanie et Dahlan de Khan Younis, dans la Bande de Gaza.
Comme d'habitude, les pourparlers de paix avec Israël ne mènent nulle part à cause de l'intransigeance israélienne et de son refus d'abandonner les butins de la guerre de 1967. Les problèmes internes au Fatah empirent donc plutôt qu'ils ne diminuent, et l'avenir politique du mouvement et sa cohésion interne sont véritablement en jeu.
Entre ces deux maux le Fatah doit choisir le moindre : tenir la 6ème conférence cette année, ou ne pas la tenir du tout. Les deux sont la recette pour un désastre. Un dirigeant Fatah, Ikrema Thabet, croit que ce n'est pas le moment de récolter des profits mais plutôt celui de limiter les pertes. "Si nos discussions et querelles à l'extérieur de la conférence sont telles, alors quel espoir réel avons-nous de réussir l'unité en interne ?", demande Thabet dans un article paru sur Maan News cette semaine. Il a ajouté : "Ce dont nous avons besoin, c'est d'une conférence pour unifier nos rangs, et non d'une conférence qui rendrait la situation pire qu'elle ne l'est déjà."
Source : Al-Ahram
Traduction : MR pour ISM
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