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Israël - 8 juin 2004
Par Tanya Reinhart
Article paru dans Yediot Aharonot, 08.06.2004 (traduit de l’hébreu par Edeet Ravel)
Par quelle magistrale conjuration Sharon est-il soudain devenu la coqueluche du camp de la paix israélien ?
Haaretz, supposé être le journal des peaceniks libéraux, dit jour après jour à ses lecteurs que ce qui importe avant tout, aujourd’hui, c’est de sauver le précieux Sharon, qui veut tellement ardemment se tirer de Gaza…
[Le contexte : lundi 7 juin, deux motions de censure ont été mises aux voix au Parlement israélien. L’une d’entre elles avait été déposée conjointement par le parti Yahad (de Yossi Beilin) et les partis arabes. Le Parti socialiste a apporté son soutien au gouvernement, accordant ainsi à Sharon la majorité dont il avait besoin pour survivre politiquement.]
Sharon est le pire Premier ministre que nous ayons jamais eu. Personne n’a réussi comme lui à détruire autant de choses en aussi peu de temps.
Dans les territoires occupés, Sharon est en train de mener à bien, avec une efficacité effrayante, sa vision de toujours, consistant à évincer de leurs terres le plus grand nombre possible de Palestiniens.
Nous sommes devenus un pays de murailles, de barrières et de checkpoints.
Partout : à Rafah, à Jérusalem, en Cisjordanie .
Et désormais, les Arabes israéliens habitant la ville de Lydda sont, eux aussi, emprisonnés derrière un mur. Nous avons une armée qui se comporte d’une manière impensable. Lire le journal vous remplit de honte ; à l’étranger, lorsqu’on est Israélien, on a envie de se cacher.
Même chose sur le plan intérieur : là encore, c’est le règne de la dévastation : des gens qui, jusqu’ici, menaient une vie digne font la queue devant les soupes populaires. Les employés municipaux vont venir les y rejoindre sous peu. Les personnes âgées sont délaissées, les travailleurs étrangers sont traités comme des esclaves, l’environnement est en cours de destruction et les universités sont prises à la gorge.
A l’instar de notre société et de notre Etat, la dernière planche de salut que représentait pour nous l’état de droit se dégrade, très rapidement. Dans une société normale, un Premier ministre dont le nom a été compromis dans des affaires de corruption et des scandales de pots-de-vin doit présenter sa démission avant que l’affaire soit jugée. Ici, en Israël, l’Avocat général du gouvernement usurpe l’autorité des tribunaux.
En fait, cela fait des mois que le procès Sharon se déroule,. Mais c’est dans les recoins les plus cachés du crâne de l’Avocat général Mazuz que ce procès a lieu…
En fin de compte, ce n’est qu’au cas où le procureur Mazuz parviendrait à convaincre le juge Mazuz que la mise en examen de Sharon est fondée, que l’avocat général Mazuz déciderait de l’inculper… Voilà pourquoi le Premier ministre israélien reste au-dessus des lois…
Nous avons eu notre lot de dirigeants médiocre, par le passé. Netanyahu, lui aussi, a bradé des biens appartenant à l’Etat, violé des accords passés avec les Palestiniens. Lui aussi, il a été accusé de corruption. Mais aucun n’a jamais atteint le niveau de Sharon dans l’odieux.
Et pourtant, quand enfin une opportunité de le dézinguer se présente, le Parti travailliste vole à son secours. Peu importe ce que Sharon fait ou fera – expliquent les porte-parole travaillistes – il faut lui laisser les mains libres, parce qu’il a promis de nous sortir de Gaza, d’ici dix-huit mois.
En fait, Sharon a cédé à toutes les exigences des ministres dissidents, et la décision d’évacuer les colonies a été repoussée à mars 2005. La construction et l’agrandissement de colonies se poursuivront à Gaza, avec l’autorisation d’un comité Théodule « ad hoc ». Apparemment, il en faudrait beaucoup plus pour dissuader le Parti travailliste de soutenir Sharon…
Dans ses écrits, Noam Chomsky demande constamment comment il se fait, dans une société démocratique, un petit groupe de gens puissants puisse imposer à la majorité des citoyens un ordre social qui est l’exact opposé des désirs et des intérêts de ladite majorité ?
Dans les dictatures de style soviétique, la question ne se pose pas : dès lors qu’il n’y a qu’un seul candidat aux élections ; dès lors que le Parti décide et que la Pravda édicte, la majorité n’a pas son mot à dire. Dans une démocratie, un des processus susceptibles d’aboutir au même résultat consiste à vider le système politique de toute signification et à éliminer toute opposition authentique.
Aux dernière sélections, beaucoup d’électeurs qui en avaient marre de Sharon ont voté pour le candidat travailliste Amram Mitznah. Mais voilà qu’aujourd’hui les représentants qu’ils ont élus maintiennent Sharon à flot !
Une fois élus, les députés font partie du système, en échange de quelques miettes de pouvoir, au lieu de représenter les électeurs qui les ont élus et de s’opposer au gouvernement. La disparition de l’opposition est approuvée par des médias consentants.
Haaretz, supposé être le journal des peaceniks libéraux, dit jour après jour à ses lecteurs que ce qui importe avant tout, aujourd’hui, c’est de sauver le précieux Sharon, qui veut tellement ardemment se tirer de Gaza…
Mais la vertu de la démocratie, c’est qu’en dépit de ces phénomènes, les électeurs peuvent encore imposer leur volonté à leurs représentants élus. L’adresse où protester, ces prochaines semaines, c’est le siège du Parti travailliste.
Sharon doit partir. Pas de filet de sécurité pour Sharon !
Source : Yediot Aharonot
Traduction : Marcel Charbonnier
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