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Gaza - 4 janvier 2009
Par Eva Bartlett
Les autorités israéliennes ont annoncé avec bienveillance qu’aujourd’hui, 2 janvier, 7ème jour des attaques aériennes sur Gaza, les internationaux seraient autorisés à partir par le passage d’Erez. Au moment où j’écris, la radio rapporte la dernière attaque : une roquette tirée par un drone vise une zone proche de l’Université ouverte d’Al-Quds, à Khan Younis, tue trois fillettes entre 10 et 13 ans de la même famille, les al-Astal.
La 4ème armée du monde contre un peuple qui n'a même pas suffisamment d'ambulances pour transporter ses blessés à l'hôpital
13h30
J’écris depuis la salle du personnel d’urgence de l’hôpital Al-Shifa, où je viens juste de voir un autre malade de 13 ans qui vient de mourir : « Il est mort des suites de différentes blessures : hémorragie internet, et la plus importante, un traumatisme crânien », me dit le Docteur Rami. « Il s’est arrêté, nous lui avons fait une réanimation cardiorespiratoire pendant 30 minutes, mais pas de réponse. »
Dans le lit à côté, une femme d’une trentaine d’années, inconsciente, blessée le premier jour des attaques alors qu’elle allait travailler.
Dans un autre lit, Mohammed, 15 ans, blessé hier après-midi dans le bombardement de la mosquée al-Farooq et de la maison d’un homme politique, Abu Narr : « Le jeune rentrait chez lui. Il a été blessé à la tête : traumatisme crânien, blessure massive, un éclat dans le pied, dans le dos. La blessure la plus grave est celle à la tête. Il est inconscient, sous sédatif, relié à un respirateur. Son état est trop grave, trop grave. »
14h40
« Un autre enfant vient de mourir en salle d’opération », me dit une infirmière. Mohammed Abu Aju, 13 ans, avec des blessures d’explosifs, à Shejaiee. « Il était dans la rue. Il a été touché vers 13h. Il avait un traumatisme crânien, plus de 100 blessures par éclats d’obus, l’amputation d’une jambe ».
Nous discutons de la situation insondable ici, combien il est incroyable que ça soit allé aussi loin, que ça ait pu commencer.
« Mon frère est policier, ni Hamas, ni Fatah, juste un policier. Il travaillait comme policier avant que le Hamas ait été élu, et il a continué. Heureusement, il n’était pas à côté d’un des nombreux postes de police visés samedi, il est vivant », me dit un des infirmiers du service d’urgence.
D’après ce que m’ont dit des journalistes, environ 435 internationaux sont partis, mais je n’ai aucune intention d’en faire autant.
En voilà quelques-unes des raisons :
Israël ne contrôle pas seulement qui peut quitter Gaza, mais aussi qui peut entrer à Gaza. Depuis le 4 novembre, Israël a interdit aux journalistes étrangers d’entrer, faisant une petite exception, pendant quelques jours, début décembre. Maintenant, avec plus de 420 morts, plus de 2.100 blessés et tellement de maisons et de bâtiments détruits, il y a besoin urgent de journalistes étrangers.
J’ai vu les maisons, les mosquées, les universités, les canalisations d’eau détruites. J’ai vu les nouveaux sans-abri, se demandant où ils allaient vivre maintenant que leur maison était en ruines, maintenant que le froid de l’hiver s’accompagne de pluie, maintenant qu’il y a continuellement des drones, des hélicoptères et des F16 au-dessus de nos têtes.
J’ai entendu les comptes-rendus sur les derniers tués : les 5 filles qui vivaient à côté de la mosquée de Jabaliya ciblée ; les 2 garçons qui ramassaient du bois ; la mère de mes amis, qui avait 55 ans ; les 2 fillettes de 9 et 12 ans qui se sont arrêtées dans une épicerie après l’école et qui ont été tuées par un missile qui visant le poste de police, de l’autre côté de la rue (« Une des fillettes étaient couvertes de blessures d’éclats de missile, son agonie a été longue à cause des hémorragies internes », me dit un médecin des urgences - « L’autre, dit-il, a perdu la moitié de la tête et une épaule » dans l’explosion, juste après 11h, l’heure où beaucoup de civils sont dans les rues), et le père d’un malade dans un hôpital voisin, mort lui aussi ; la famille essayant de travailler au ramassage de ferraille, même en dépit du siège, en dépit de l’invasion aérienne, réduites en morceaux et brûlée.
J’ai ressentie l’impact terrifiant des missiles atterrissant à 30 mètres depuis une pièce aux murs minces en rez-de-chaussée d’où j’ai entendu les cris des familles terrorisés piégées dans leurs maisons, à 50 mètres depuis une chambre dans un appartement, à 100 mètres depuis les bâtiments d’un hôpital aux vitres brisées. Je suis réveillée nuit après nuit, si je me suis endormie, par les explosions des missiles depuis tous les bâtiments, dans tous les quartiers où je suis allée : Gaza ville, Jabaliya, derrière le port… J’évite la route côtière où la marine israélienne continue à tirer sur Gaza, mais je marche sous les drones bourdonnant chaque nuit et chaque jour, sous les avions de combat, qui vous font vraiment ressentir que vous êtes une cible, où que vous soyez.
J’ai entendu encore et encore et encore : « Ils nous traitent de terroristes, pourtant ce sont nos gamins, nos femmes, nos mères, nos frères qui meurent. Que pouvons-nous faire ? C’est notre vie », de la part de Palestiniens, même avant les attaques, lorsque le siège israélien sur Gaza était le problème le plus urgent. Aujourd’hui l’urgence est amplifiée au-delà de ce qu’on peut imaginer par les attaques incessantes.
1,5 million de Palestiniens dans la Bande de Gaza sont dans l’impossibilité de partir, de fuir ces attaques illégales. Ma vie, les vies des internationaux ne sont pas plus importantes que celles des Palestiniens. Nous resterons pendant qu’ils souffrent, en solidarité, et pour témoigner des actions illégales commises par Israël, les crimes de guerre qu’Israël ne veut pas que le monde voit, comprenne, et qu’il empêche les journalistes de chroniquer. Voir et comprendre signifierait arrêter le bombardement israélien de Gaza, sa violation des lois humanitaires et internationales.
In Gaza, le blog d'Eva Bartlett
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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Résistances
Eva Bartlett
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