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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Ce que voient, font et subissent les médecins ; sans censure

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Le 31 décembre, vers 2h du matin, deux personnels médicaux des services d’urgence ont été visés par un missile israélien alors qu’ils essayaient d’atteindre des blessés dans la région de Jabaliya, au nord de Gaza. Le premier est mort sur le coup, le second peu après des suites de complications de blessures internes.

Ce que voient, font et subissent les médecins ; sans censure

Deux jours plus tard, deux autres médecins ont été blessés à l’est de Gaza, encore une fois en service, encore une fois en essayant de secourir des blessés.

Selon les Conventions de Genève, Israël est obligé d’autoriser et d’assurer un passage sécurisé au personnel médical qui rejoint les blessés. A la place de cela, Israël les vise systématiquement. Au poste de la Société du Croissant Rouge Palestinien de Jabaliya, l’équipe sur place me raconte leurs blessures. La moitié, disent-ils, des médecins urgentistes et des chauffeurs à Gaza ont été blessés par Israël alors qu’ils essayaient d’accomplir leurs devoirs.

L’un d’entre eux me montre la cicatrice d’une blessure de tir à son bras (photo ci-dessus). Un autre me dit qu’il a été blessé deux fois : une fois à l’estomac, une autre fois au bras. Les trous des balles dans les ambulances parlent d’eux-mêmes.

Les internationaux de l’ISM et du Free Gaza Movement ont décidé de se joindre au personnel des équipes d’urgence dans leur travail autour de Gaza.

Je commence à Jabaliya, au nord, à la frontière est, où je rencontre une équipe de professionnels.

Après avoir accouché une femme enceinte à l’hôpital, un premier appel nous demande de récupérer les corps de deux combattants de la résistance tués par des bombes. La vue de celui qui est dans notre ambulance est affreuse, son visage a explosé. L’histoire de sa vie et de sa mort est plus affreuse encore : il est né dans une vie d’occupation, et il a choisi de résister, comme on le fait quand on est envahi. L’aspect le plus terrible réside dans le fait qu’il était sans aucun doute un père, un mari, un homme qui avait certainement mis toutes sortes de photos sur son téléphone portable : une belle femme, des enfants adorables, des chats, un combattant avec un fusil, des photos de sa famille, de belles images de nature prises au hasard, et les clips vidéo marrants communes à ceux qui ont des portables high-tech. C’était un gars normal, ça j’en suis sûre, précipité dans un rôle insupportable, mortel. Le bon côté des choses, c’est qu’au moins, il n’a plus à vivre l’enfer sur terre.

L’appel suivant, peu après 4h du matin, est pour récupérer un blessé et un mort à l’école américaine de Beit Lahia, au nord ouest de la Bande. Nous devons conduire sur des routes pleine de nids de poules, détruite par le temps et le manque de matériaux de construction à cause du siège et, plus récemment, par les missiles des F16. Ne trouvant que le blessé, nous le transportons à l’hôpital et revenons à la tombée de la nuit chercher le cadavre.

Au lever du soleil, nous repartons vers le nord ouest, passons devant une vache morte sur le bord de la route. Pendant le trajet, près de l’école bombardée, un pneu de la voiture crève. A partir de là, nous marchons, nous déplaçant rapidement tandis que les drones et les F16 font leurs cercles. Je vois ce qui fut un grand bâtiment, une école supérieure de qualité où un ami a étudié. Ce qui reste du corps a été trouvé et porté sur le terrain de jeu.

(Un peu plus tard dans la matinée, je suis revenue à cet endroit avec une équipe de film, pour raconter l’histoire. J’ai remarqué la mer à côté, je ne l’avais pas vue dans la lumière faible du petit matin. J’ai remarqué les dégâts du terrain de jeu, et les éclats d’obus couvrant le sol. Pendant que nous filmions, 2 missiles sont tombés dans le voisinage. Difficile de ne pas se sentir comme une proie dans cet aire ouverte, clairement visible.)

Je ne vois pas tout de suite le cadavre découvert, mais je suspecte qu’il n’est pas entier. Le mort, un surveillant de nuit de 24 ans, n’a reçu aucun avertissement des au moins 2 missiles qui ont détruit l’école et l’ont déchiqueté.

Les médecins chargent le corps, après avoir remplacé le pneu crevé. Travaillant comme des forcenés, toujours dans la crainte de frappes potentielles, ils chargent l’ambulance, surélève l’ambulance, remplace le pneu. Un missile tome à 50 mètres. Il ne fait absolument aucun doute que ces avions de guerre au-dessus de nous, à cause des inscriptions sur l’ambulance, des habits des médecins, des photos que leurs drones peuvent prendre, savent que nous sommes des civils et des médecins. Pourtant, ils tirent.

Les médecins changent le pneu, charge le cadavre et nous partons, aussi vite que le permettent l’ambulance fatiguée et les routes pathétiques. Nous arrivons directement derrière l’hôpital, à la morgue, lorsque les hommes veillant le dernier mort avant le nôtre sont poussés dehors, on leur ordonne de faire de la place pour le nouveau cadavre. Dans la pièce glaciale, pendant que le corps est placé dans un tiroir de la morgue, la couverture tombe. Le morceau de chair brûlée, qui n’a plus rien d’humain, s’avère être une moitié de corps, la tête pendant à ce qui reste du cou.

Je le vois, comme j’ai vu le mort dans l’ambulance. Et je l’écris, parce que chacun doit le voir comme je l’ai vu. Les enfants de Gaza voient ces images, ou sont eux-mêmes ces images, aussi n’avons-nous pas le droit de censurer de telles morts horribles.

Mais je pleure, aussi, devant le jeune corps défiguré, et de savoir qu’il est l’un des si nombreux (plus de 470 maintenant) tués au cours de la semaine dernière.

Les médecins ont vu des choses atroces, et m’exhortent à rester, à continuer à travailler. Ils le doivent, et moi aussi.

Nous revenons au centre. Je les quitte, avec l’intention de revenir le lendemain, pour passer la journée à mon rapport. En définitive, je reviens à la station des ambulances une demi-journée plus tard, parce qu’Israël poursuit son massacre.

Source : Palsolidarity

Traduction : MR pour ISM

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