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Palestine - 3 juillet 2005
Par Abdel Nasser Awni Farwaneh
Abdel Nasser Ferwana est un ancien prisonnier, qui milite pour les droits des prisonniers et détenus, et qui est directeur du département des statistiques au ministère des prisonniers et libérés
Il est important que nous entendions et que nous fassions entendre au monde entier leurs cris et leurs histoires.
Il est important que nous expliquions la situation de nos prisonniers et les conditions de leur détention et de leur situation dramatique...
Leurs histoires sont enflammées comme le sont les flammes du soleil de juillet sur le Naqab et sur Nafha.
Leur situation est aussi amère que le sont les cellules de Ascalan et de Moskobiyya, leur vie est aussi terrible que le sont les cellules d'isolement de Beer Saba' et de Ramleh.
L'écho de leurs souffrances s'élève des tentes de Ofer et Megiddo.
Nos prisonniers sont soumis à une torture physique et psychologique à chaque instant et les diverses méthodes de torture commencent à être connues, mais la politique d'isolement ne l'est pas encore assez.
Elle n'est pas appliquée à tous les détenus, et elle n'est pas liée à une période déterminée. Mais elle a été pratiquée et exécutée tout au long des années de détention, dans les prisons israéliennes, comme une méthode systématique, à l'encontre d'un nombre limité de prisonniers.
Au début, elle a été appliquée pour quelques jours ou quelques semaines, puis elle s'est étendue pour englober plusieurs dizaines de prisonniers et certaines prisonnières, pour atteindre quelques mois et même quelques années.
Actuellement ce sont des années d'isolement pour des prisonniers comme Ahmad Shukri, isolé depuis près de 15 ans, le prisonnier Uwayda Kallab, isolé depuis près de 10 ans, le prisonnier Mousa Doudin, isolé depuis 9 ans, que sa famille n'a pu visiter qu'il y a deux mois, par une intervention personnelle du ministre palestinien des prisonniers et libérés, Sufyan Abu Zayd.
La situation des prisonniers isolés est telle que leur rêve n'est plus d'être libres mais seulement de retourner vers leurs camarades et frères, dans les cellules des prisons.
Le plus grave est que la direction des prisons ne s'est pas contentée des cellules d'isolement qui se trouvaient à l'origine dans les prisons, mais elle a fait construire d'autres sections, plus féroces, comme celles de Beer Saba', et notamment la section 9, la section d'Ayalon à Ramleh et aussi Nitsan, qui est située sous terre.
Dans cette section, l'humidité élevée est proche de la moisissure, les cellules sont alignées sur deux rangées séparées par un muret élevé dont le plafond est parcouru par des canalisations venant des étages supérieurs desquelles se dégagent les odeurs nauséabondes, en permanence.
L'isolement est une chose entièrement différente des autres prisons, et peut être considéré comme une des formes de torture la plus terrible à laquelle a recours la direction des prisons contre les prisonniers palestiniens et arabes.
Ses sections sont des boites pour assassiner lentement, corporellement et psychologiquement, le prisonnier.
Il y est enfermé, individuellement, pendant de longues périodes pouvant dépasser plusieurs années, dans des petites cellules connues sous le nom de X.
Ces cellules sont fermées par une porte en fer épais, elles sont sombres, mal aérées, jamais exposées aux rayons du soleil, et étroites. Elles sont sales, et l'odeur de la moisissure se dégage du matelas et des couvertures.
Aucun moyen de contact avec le monde extérieur n'est autorisé : la télévision, la radio et les journaux sont interdits, même la montre pouvant indiquer l'heure est interdite. Il est interdit de parler à haute voix, et de ce fait, chanter ou déclamer.
Tout comme il est interdit au prisonnier de rencontrer, pendant la période d'isolement, les autres prisonniers ou ses parents. Dans les rares cas où les prisonniers isolés peuvent rencontrer les parents en visite, ces rencontres sont accompagnées de contraintes, de provocations, d'humiliations.
Si le prisonnier est malade, il n'est pas soigné, et si la maladie s'aggrave, il peut être emmené à l'infirmerie, mais enchaîné, ce qui aggrave ses maux.
En réalité, il est très difficile de décrire la terrible condition des prisonniers mis dans ces sections et le traitement sauvage qu'ils y subissent, tout comme il est impossible de pouvoir exprimer la souffrance des prisonniers et de ses parents.
Les buts de l'isolement sont nombreux, comme l'affaiblissement du mouvement des prisonniers, par l'isolement des responsables politiques et de ceux qui ont une expérience dans les prisons, afin de limiter leur influence sur les autres et d'instaurer un état permanent d'instabilité favorisant la politique répressive.
L'isolement est aussi une politique de punition et de vengeance envers quelques prisonniers ayant mené des opérations armées distinguées ayant conduit à la mort d'Israéliens, ou envers des prisonniers qui ont résisté en prison en frappant un geôlier ou en ayant des objets interdits.
Parfois, il suffit d'une simple dispute verbale entre le prisonnier et le geôlier, lors du comptage, des fouilles des cellules ou des promenades, et même lors des visites, pour que le prisonnier soit puni par l'isolement. En réalité, les raisons les plus futiles peuvent être invoquées pour isoler un prisonnier, le but essentiel étant d e l'humilier, de démolir son moral de façon systématique et programmée, de lui porter des préjudices moraux, psychologiques et corporels, de porter préjudice à ses parents qui sont privés des visites et qui restent inquiets.
L'isolement fait partie de la politique répressive inhumaine que les autorités des prisons israéliennes appliquent de plus en plus à l'encontre de nos prisonniers pour les démolir moralement et psychologiquement, pour briser leur détermination et leur imposer un état de fait.
A mon avis, tout prisonnier ayant subi l'isolement a été secoué et ébranlé, tant au niveau de sa santé corporelle que de sa santé psychologique.
Les prisonniers ont réalisé la gravité de la politique d'isolement depuis de nombreuses années, et ont mené des grèves pour la faire cesser, ou pour réclamer le retour parmi eux de tel ou tel prisonnier isolé.
Cette revendication fut l'une de celles avancées lors de la grève illimitée déclarée par les prisonniers le 15 août 2004 et qui a duré 20 jours. Les prisonniers avaient revendiqué lors de cette grève la fin de la politique de l'isolement. Lorsque la direction des prisons a promis d'étudier les revendications, elle n'a pas pris en compte celle concernant l'isolement, et n'a pas tenu ses engagements.
Les prisonniers isolés et même les autres ont lancé alors des appels et envoyé des lettres à diverses parties leur demandant d'intervenir et de mettre fin à leur isolement. Ils ont de même mis en garde la direction des prisons contre la poursuite de cette politique mortelle, mais ces appels et ces lettres n'ont rien changé...
C'est pourquoi les prisonniers ont décidé de mener une grève de la faim en solidarité avec les prisonniers isolés et pour revendiquer la fin de la politique d'isolement.
Si la politique d'isolement se poursuit, si aucune des revendications des prisonniers n'est prise en compte, la situation risque d'exploser dans les prisons, à tout moment. Il est important que l'ensemble des institutions juridiques, humaines, locales, arabes et internationales agissent rapidement pour faire cesser cette situation.
Il y a près d'une semaine, l'ONU a célébré la journée internationale de solidarité avec les victimes de la torture.
Va-t-elle envoyer à présent ses délégués et ses équipes pour visiter les prisons et les centres de détention israéliens, et notamment les sections d'isolement, pour mener sa propre enquête sur la situation dramatique et l'ampleur de la torture qui y sévit ?
Source : www.palestinebehindbars.org
Traduction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
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Abdel Nasser Awni Farwaneh
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