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Israël - 25 janvier 2005
Par Ran HaCohen
Attendez-vous donc à une vaste opération dans Gaza, bientôt.
L'excuse immédiate – des attaques de missiles sur Israel – n’a pas vraiment d’importance : Abu Mazen n'arrête pas les missiles, nous sommes donc forcés d’envoyer l'armée pour les arrêter;
en même temps, l'armée elle-même admet qu'il n'a aucun moyen d'arrêter les missiles.
Ainsi nous envoyons l'armée pour faire ce qu'il ne peut pas faire, parce qu'Abu Mazen ne le fait pas non plus.
Après tout, l’occupation n’a rien à voir avec la logique : il s’agit de briser les os.
Comme l’a dit, un jour, Oscar Wilde, il y a seulement deux tragédies dans la vie : l’une est de ne pas obtenir ce que l’on veut, et l’autre est de l’obtenir. Israël doit maintenant affronter à cette dernière tragédie.
Pendant des années, nous savions ce que nous voulions : nous voulions la mort d'Arafat.
Pas seulement rester là et l’attendre :
nous avons sans cesse travaillé à la préparation de l'opinion publique mondiale pour son élimination;
nous avons même approuvé une décision de gouvernement pour nous débarasser de lui,
et nous avons retenu prisonnier le vieil homme dans son quartier général dans des conditions qui auraient tué plus tôt que prévue n’importe quel vieil homme en bonne santé (les Palestiniens ont manqué un point positif en propageant la légende qu'Arafat a été empoisonné, comme si son incarcération par Israël n'était pas suffisante pour le tuer).
Quoi qu'il en soit, Arafat est maintenant mort, nous avons obtenu ce que nous voulions, et nous ne sommes pas contents.
Au contraire. Avec Arafat, Israël a enterré sa meilleure excuse pour perpétuer l’occupation. Combien de temps pouvez-vous blâmer les morts du terrorisme?
Combien de temps pouvez-vous refuser de négocier avec la mort, la rencontrer face à face?
Pas très longtemps.
Plus deux mois après la mort d'Arafat, même l'Europe anémique comprend : "L’excuse d'Arafat n'existe plus" (Jean Asselborn, président du Conseil des Ministres de l’Union Européenne, Ha'aretz, 18 janv. 2005).
Et ce qui est le pire : les Palestiniens ont maintenant un nouveau leader qui a été élu démocratiquement (au revoir le "dictateur impitoyable"), et, en plus de tout cela, un leader qui, constamment et ouvertement - en anglais et en arabe - renonce à la lutte armée contre l’occupation.
D'autre part, Abu Mazen exige toujours le retrait israélien complet de toutes les terres palestiniennes, et un Etat palestinien indépendant. Cela, naturellement, est en concordance totale avec le droit international, avec les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, même avec la Feuille de route du Président de Bush : en bref, il est totalement inacceptable pour Israël.
Marionnette ou épouvantail
Israël peut vivre seulement avec deux sortes de leaders palestiniens.
Il peut vivre avec une marionnette :
qui accepte la souveraineté d'Israël sur les Territoires Palestiniens (nous pourrions lui donner quelque "autonomie" en retour),
qui est prête à renoncer à 60 % de la Cisjordanie pour les colonies israéliennes et les Murs de Ségrégation (nous pourrions enlever temporairement un ou deux checkpoints en retour),
qui est disposé à oublier les réfugiés palestiniens (nous pourrions ne pas insister sur sa conversion au judaisme en retour).
Israël a fait plusieurs tentatives pour trouver ou apprivoiser un tel caniche palestinien, mais a jusque là échoué.
D’un autre côté, Israël peut vivre avec un fanatique, un épouvantail de terroriste palestinien, avec un intransigeant cruel et intransigeant.
Les colons le disent souvent à haute voix : nous préférons le Jihad islamique, qui veut nous jeter tous à la mer. Il est très facile de s’arranger d’un tel leader, nationalement et internationalement.
Nous ne pouvons pas vivre avec un leader palestinien modéré et raisonnable qui veut la paix en échange des terres, des droits, et de la liberté de son peuple.
Un leader qui s’exprime en bon anglais et ne s'habille pas comme Ben Laden, qui ne veut pas nous jeter à la mer mais qui insiste sur le fait que Jérusalem est également une ville palestinienne.
Un tel leader expose le rejectionisme d'Israël, et c’est là qu’Abu Mazen représente un grand danger.
Nous ne pouvons pas convaincre le monde que nous sommes des victimes éternelles amoureuses de la Paix quand une majorité (54 %) de Palestiniens vivant dans les Territoires Occupés, comme le montrent les scrutins, soutiennent une solution de deux Etats sur la base des frontières de 1967, avec des corrections de frontière et aucun retour massif des réfugiés (Ha'aretz, 18 janv. 2005).
Parce que si c'est le cas, il devient évident que le seul obstacle à la paix est le rejectionisme d'Israël, son refus de faire la paix le long de ces lignes internationalement admises.
Démoniser Abu Mazen
Aussi que peut faire Israël contre cette menace ?
Contre le danger qu'il pourrait être blamé pour ce qu'il devrait être blâmé, à savoir, qu’il désire beaucoup moins la Paix qu'il désire les terres occupées et l'eau palestiniennes?
Il y a des moyens, heureusement. Évidemment, Abu Mazen devrait être poussé vers l'une ou l'autre des deux options désirées pour un leader palestinien : s'il ne peut pas être transformé en sous-traitant d'Israël, il devrait être présenté comme terroriste. Les tentatives sont déjà en cours.
Les médias israéliens étaient "consternés" quand, pendant sa campagne électorale, Abu Mazen a fait référence à Israël en tant que "ennemi sioniste."
Épouvantable, en effet : après tout, on permet seulement aux Israéliens d'appeler les Palestiniens "l'ennemi" - on s'attend à ce que les Palestiniens nous appellent leur bien aimé frère - et coller à Israël l’étiquette de Sioniste est même une bien pire insulte.
Le contexte des mots de colère d'Abu Mazen n'a pas été pris en compte.
Abu Mazen a utilisé ces mots en entendant les informations de Beth Lahia (Bande de Gaza), où un tank israélien avait juste tiré sur ce que l'armée israélienne a, sans scrupule, décrit comme "des activistes du Hamas," tuant Mahmoud Raban (12 ans), son frère Bissam (17 ans), leurs cousins Rajah (10 ans), Jabir (16 ans), Mohammed (22 ans), et Hani (17 ans), ainsi que leur ami Jibril Kassih (16 ans),
et laissant Mohammed Raban (17 ans) sous un respirateur artificiel avec à peine une jambe et un bras, Issa Relia (13 ans) avec ses deux jambes amputées au niveau du genou, et les deux cousins Imad Al-Kaseeh (16 ans) et Ibrahim al-Kaseeh (14 ans) tous les deux avec une amputation des deux jambes (Gideon Levy, Ha'aretz, 14 janv. 2005).
Ce n'est pas épouvantable : c'est "une exception" peut-être, bien que l'armée n'ait jamais pris la peine d'exprimer sa peine, ni des excuses ou des regrets.
Mais appeler Israël "l'ennemi sioniste" au lendemain du bain de sang - maintenant c’est épouvantable.
Parlons de Gaza
Représenter Abu Mazen en tant que terroriste va pourtant prendre un certain temps,; mais Israël est impatient, il veut agir maintenant.
Les dangers de la paix sont mieux affrontés par l'armée : Israël a déjà fait cela à plusieurs reprises, en utilisant l'armée pour mettre à feu au moment même où un cessez-le-feu était à portée de main, le plus notable fut quand elle a réoccupé la Cisjordanie par "l’opération Bouclier Défensif " (2002), la plus grande opération militaire dans les territoires depuis 1967, juste un jour après que la Ligue Arabe ait adopté l'initiative de Paix saoudienne, reconnaissant le droit d'Israël à vivre en paix une fois qu'il mettrait un terme à l’occupation.
Nous sommes maintenant dans une situation analogue.
Une grande opération militaire peut détourner l'attention "de la nouvelle ère," de la pression au cessez-le-feu; elle peut unifier les masses derrière nos soldats courageux, et, surtout, aider Sharon à reporter indéfiniment ses vagues promesses de démantelement des colonies de Gaza - un "Plan", comme l’argumente de façon convaincante Tanya Reinhart, qu’il a peu l'intention d’effectuer.
Attendez-vous donc à une vaste opération dans Gaza, bientôt.
L'excuse immédiate – des attaques de missiles sur Israël – n’a pas vraiment d’importance : Abu Mazen n'arrête pas les missiles, nous sommes donc forcés d’envoyer l'armée pour les arrêter;
en même temps, l'armée elle-même admet qu'il n'a aucun moyen d'arrêter les missiles.
Ainsi nous envoyons l'armée pour faire ce qu'il ne peut pas faire, parce qu'Abu Mazen ne le fait pas non plus.
Après tout, l’occupation n’a rien à voir avec la logique : il s’agit de briser les os.
Un Libéral demande des Crimes De Guerre
Il n'y a pas de meilleur sismographe concernant les intentions d'Israël que le chroniqueur "libéral" Yoel Marcus du quotidien intellectuel Ha'aretz:
"Notre patience bout depuis longtemps (...) il y a un point de rupture et un moment où le gouvernement doit enlever ses gants et donner un ultimatum: Pour chaque tir aveugle sur une cible civile, nous exercerons des représailles sur la ville palestinienne la plus proche et la plus peuplée. Nous nous vengerons. Oeil pour Oeil." ("Oeil pour Oeil, "Ha'aretz, 18 janv. 2005)
Quand Marcus recourt au style des propagandistes des dictatures les plus noires du 20ème siècle, quand il invite ouvertement le gouvernement à se venger sur des civils palestiniens innocents, préparant ses lecteurs à des crimes de guerre à grande échelle, vous pouvez être sûrs que l'armée ne traînera pas derrière.
Source : http://www.antiwar.com/hacohen/
Traduction : MG pour ISM-France
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Plan de Désengagement
Ran HaCohen
25 janvier 2005