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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

La prophétie d’Oded Yinon : Les USA font-ils les guerres d’Israël à sa place ?

Par

Linda S. Heard est une spécialiste britannique du Moyen-Orient. Elle réside au Caire. Vous pouvez la contacter à l’adresse e-mail suivante : sierra12th@yahoo.co.uk

Enormément de gens, dans l’ensemble du monde musulman, et aussi ailleurs, se posent cette question : "Quelles sont les raisons réelles, derrière l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et aussi, derrière leur désir de renverser les gouvernements de la Syrie et de l’Iran ?"
En dépit de leurs gesticulations grandioses, en réalité, l’Irak, la Syrie et l’Iran n’ont jamais représenté une menace directe pour les Etats-Unis proprement dits.

Tout simplement : ces pays sont trop loin de l’Amérique !

Alors : pourquoi les Etats-Unis insistent-ils comme ils le font à sacrifier autant de vies humaines et tant d’argent à seule fin de changer dans ces pays des régimes politiques qui n’ont pas l’heur de leur plaire ?


Les théories abondent. En tête de liste, il y a la soif de pétrole de l’Amérique, ce pétrole qui est, comme on sait, une ressource en voie d’épuisement et non-renouvelable. Mais en réalité, les Etats-Unis reçoivent qu’une infime partie de leur pétrole du Moyen-Orient et du Golfe arabo-persique : la plus grande partie de leur consommation importée provient d’Amérique du Sud et d’Afrique…


Une autre théorie en circulation tourne autour du monopole du pétrodollar que tant l’Irak que l’Iran ont cherché à casser en négociant leur pétrole en Euros. Il y a peut-être quelque chose de vrai dans cette tentative d’explication, mais cela n’explique toujours pas pourquoi la Syrie est, elle aussi, en ligne de mire…


Les Etats-Unis disent qu’ils désirent exporter "la démocratie" dans cette région du monde… Mais leur réaction face à l’élection d’un gouvernement chiite en Irak, conduit par le Parti Da’wa, qui entretient des relations étroites avec l’Iran, et la manière dont le nouveau gouvernement démocratiquement élu à direction Hamas en Palestine a été isolé sont loin de donner des gages en la matière…
La démocratie n’amènera pas au pouvoir dans ces pays des gouvernements américano-compatibles. Or, c’est bien là ce que l’administration Bush recherche, en réalité…


Un axiome auquel beaucoup de gens, dans le monde arabe, ont tendance à croire doit être, lui aussi, disséqué : les Etats-Unis ne seraient-ils pas en train de remodeler et de manipuler la région à seule fin qu’Israël demeure la seule superpuissance régionale et ce, à perpétuité ?

Cela n’est pas aussi fantaisiste que cela pourrait paraître à première vue.

Lisez, ci-après, l’extrait étrangement prophétique d’un article publié en 1982 par la revue Kivunim, publication de l’Organisation Sioniste Mondiale [World Zionist Organisation] sous la plume d’Oded Yinon, un journaliste israélien très lié au ministère israélien des Affaires étrangères :

[La stratégie de Yinon était fondée sur cette même hypothèse : pour survivre, Israël doit devenir une superpuissance impériale régionale et il doit aussi s’assurer de l’éclatement de tous les pays arabes, afin que la région puisse être dépecée en petits pays impuissants et incapable de faire face à la puissance militaire israélienne.]

Voici ce que Yinon avait à nous dire, à propos de l’Irak :

"La dissolution de la Syrie et de l’Irak en zones ethniques et religieuses monocolores, comme au Liban, est notre premier objectif sur le front oriental : l’Irak, riche en pétrole, d’une part, et déchiré intérieurement, d’autre part, est un candidat idéal pour être pris pour cible par Israël.

Sa dissolution est même plus importante pour nous [= les sionistes…, ndt] que celle de la Syrie.

L’Irak est [en effet] un pays plus puissant que la Syrie. A court terme, c’est le pouvoir irakien qui représente la plus grande menace, pour Israël.


Une guerre irako-iranienne fera éclater l’Irak et causera sa chute, intérieurement, avant même qu’il soit à même d’organiser une lutte à grande échelle contre nous.

Toute confrontation interarabe, quelle qu’en soit la forme, nous aidera dans le court terme et raccourcira le chemin vers notre but fondamental, à savoir : l’éclatement de l’Irak entre de multiples communautés ethnico-religieuses, comme en Syrie et au Liban.

En Irak, une division suivant des lignes de séparation ethnico-religieuses, héritées de l’époque ottomane (comme en Syrie), est tout à fait réalisable. Aussi, trois Etats (voire plus) existeront autour des trois principales métropoles : Basra, Bagdad et Mossoul. De plus, des régions chiites, dans le Sud du pays, se sépareront des régions sunnites et kurdes, dans le Nord."



Cela ne vous rappelle rien ?

Bien. Maintenant, concentrons-nous sur la réalité, vingt-quatre ans après.
La guerre irano-irakienne, huit années durant (elle a pris fin en 1988), a causé plus d’un million de morts. Néanmoins, elle n’a pas entraîné l’éclatement tellement désiré par Yinon… L’Irak était demeuré une entité homogène et puissante.

L’Irak, toutefois, fut sévèrement affaibli en 1991, à la suite de la guerre du Golfe causée par l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. Néanmoins, là encore, le pays demeura uni.

Il a fallu l’invasion de l’Irak en 2003, sous houlette américaine, et l’occupation qui s’en est ensuivie, pour déstabiliser l’Irak et partager le pays selon des frontières sectaires.

De fait, sa nouvelle constitution a été rédigée autour de l’idée d’une fédération très lâche, avec une autonomie partielle pour les Kurdes, au Nord, et les Chiites, au Sud. Et le pays est aujourd’hui en proie aux guerres intestines, sectaires, religieuses et ethniques. D’aucuns évoquent une "guerre civile".


Prenons maintenant le cas de la Syrie.

Jusqu’à l’invasion de l’Irak, en mars 2003, la Syrie, sous la direction du Président Bashar al-Asad, a joui de relations relativement bonnes avec l’Occident. Nous devons aussi nous rappeler que la Syrie a combattu du côté des forces alliées sous direction américaine durant la guerre du Golfe.

La Syrie a aussi voté, fût-ce à son corps défendant, la résolution de l’Onu qui donnait l’onction à l’invasion et elle était un puissant partenaire dans la soi-disant « Guerre contre le Terrorisme ».


Et puis, oh, miracle : la Syrie s’est mise à avoir tout faux ! Soudain, elle a été accusée de tous les "crimes" possibles et imaginables, depuis la dissimulation de mythiques armes irakiennes de destruction massive, en passant par le havre accordé à des insurgés et à des terroristes, jusqu’au libre passage accordé vers l’Irak à des combattants et à des armes !

On mit alors une pression maxi sur Damas pour qu’il mette un terme à son occupation de facto du Liban, après l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri. Et aujourd’hui, le gouvernement syrien, accusé d’implication dans cet assassinat [sans aucune preuve, ndt] doit répondre aux enquêteurs de l’Onu.

Aujourd’hui, les Etats-Unis sont activement engagés dans l’affaiblissement du gouvernement al-Asad et ils soutiennent des partis syriens d’opposition. S’ils réussissent, prédisent beaucoup d’experts, la Syrie – à l’instar de l’Irak – sera la victime de guerres sectaires et intestines.

Le Liban, qui se remettait lentement d’une longue guerre civile doublée d’une interminable occupation israélienne et qui était sur le point de trouver un semblant d’unité, est lui aussi en danger de déstabilisation, des factions se rangeant dans deux confédérations : pro-syrienne et anti-syrienne.

Yinon avait donné du monde arabo-musulman la description d’un château de cartes précaire, monté par des puissances étrangères et arbitrairement divisé en Etats, tous faits de bric et de broc, de combinaisons de minorités et de groupes ethniques qui ne peuvent pas se voir mutuellement, fût-ce en peinture.

Ensuite, il grommelait, désapprouvant la restitution du Sinaï à l’Egypte par Israël, en vertu du traité de Camp David, parce que – pas de bol… – cette région s’avère détenir d’importantes réserves de pétrole, de gaz et d’autres ressources naturelles…

"La reconquête de la péninsule du Sinaï est, par conséquent, une priorité politique, à laquelle Camp David fait obstacle", écrit-il. "Et nous devrons agir afin de faire retourner la région au statu quo qui existait au Sinaï avant la visite de Sadate [à Jérusalem, en 1978] et les accords de paix calamiteux signés avec lui, en mars 1979."


Yinon prédit ensuite que, pour peu que l’Egypte soit divisée et déchirée, d’autres pays arabes cesseront d’exister sous leur forme actuelle. Pour lui, la fondation d’un Etat chrétien copte en Haute Egypte est une quasi-certitude. Actuellement, on constate des problèmes croissants entre les musulmans et les coptes d’Egypte, ces derniers étant perçus par certains musulmans égyptiens fondamentalistes comme plus loyaux envers les Etats-Unis qu’envers leur propre pays. Ceci a abouti à des affrontements ouverts avec, hélas, souvent des morts.


Mis à part les dissensions islamo-coptes, Yinon s’est gouré dans ses calculs concernant l’Egypte. Il pensait que Le Caire résilierait le traité de paix avec Israël, donnant ainsi l’occasion aux Israéliens de ramener leurs tanks tout droit dans le Sinaï et dans d’autres régions convoitées.

Toutefois, le gouvernement égyptien, sous la direction de ce pragmatique de tous les instants qu’est le Président Hosni Moubarak, s’en est tenu à la lettre du traité… Et il est même devenu un important allié des Etats-Unis, durant toute cette période.


La solution proposée par Yinon au problème israélo-palestinien toujours pas réglé consistait à cornaquer les Palestiniens au-delà du Jourdain et de changer les panneaux indicateurs « Jordanie » en panneaux indicateurs "Etat palestinien". [Simple, non ?]

Il rejetait le principe "les territoires contre la paix", disant :
"Il n’est pas possible de continuer à vivre, comme ça, dans ce pays, dans la situation actuelle, sans séparer les deux nations : les Arabes en Jordanie et les juifs dans les territoires situés à l’Ouest du Jourdain.
Une authentique coexistence règnera sur cette région seulement quand les Arabes auront compris que sans un pouvoir juif entre le Jourdain et la Méditerranée, ils n’auront ni existence, ni sécurité. Une nation, et une sécurité bien à eux : cela ne sera possible qu’en Jordanie !"



Encore une fois, Yinon et ses acolytes doivent être fort déçus.

La Jordanie a renoncé à toute idée de panarabisme, bien avant la démission du Roi Hussein, et son fils, le roi Abdullah, est aujourd’hui le plus fidèle allié arabe des Etats-Unis dans la région. Les Palestiniens représentant les deux tiers de sa population, Abdullah a choisi l’auto-conservation en s’accrochant aux basques des Etats-Unis…

L’idée d’envoyer paître 4,5 millions de Palestiniens de l’autre côté du Jourdain n’est désormais plus évoquée ouvertement, bien que cette option ait été encore sur la table en 2002, d’après un article du Professeur van Creveld publié par le quotidien britannique Daily Telegraph.

A l’époque, un sondage Gallup avait montré que 44 % des juifs israéliens étaient en faveur de l’expulsion des Palestiniens au-delà du Jourdain.

Le Professeur Creveld pensait qu’Ariel Sharon y était personnellement favorable. Sharon était cité, dans l’article mentionné : il mettait l’accent sur la majorité palestinienne de la population jordanienne, et il parlait de la Jordanie comme s’il s’était agi de l’Etat palestinien. "La déduction qu’il fallait envoyer les Palestiniens là-bas était évidente", écrivit Creveld.

Si vous pensez que l’idée que les Etats-Unis sont prêts à s’exposer au danger pour les beaux yeux d’Israël est tirée par les cheveux, alors il vaut la peine de vous remémorer les propos du Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin, qui affirma dans un de ses livres que le gouvernement israélien était, de facto, responsable de la détermination de la politique américaine au Moyen-Orient, et ce depuis la guerre dite "des Six Jours", en 1967.

L’essai de Yinon ne se focalise pas sur l’Iran. Mais examinons des déclarations relativement récentes provenant d’Israël, à ce sujet.

Au cours d’une visite à Washington, en novembre 2003 – soit deux ans avant que les Etats-Unis ne tournent leurs canons vers l’Iran – le ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz dit à des officiels américains qu’ « en aucune circonstance, Israël ne saurait admettre que l’Iran entre en possession d’armes nucléaires.

Le même mois, Meir Dagan, directeur du Mossad, déclarait devant une commission parlementaire que l’Iran représentait une « menace existentielle » pour Israël, assurant aux parlementaires qu’Israël serait capable de faire face à cette menace.

L’an dernier, la rhétorique en provenance d’Israël monta d’un cran, le ministre israélien des Affaires étrangères Silvan Shalom déclarant à la presse que "l’idée que cette tyrannie qui gouverne l’Iran puisse détenir une arme nucléaire est un cauchemar, pas seulement pour nous, mais pour le monde entier."


Le Premier ministre israélien désigné, Ehud Olmert, continue la tradition consistant à faire monter en mayonnaise la menace iranienne, fortement aidé en cela, il faut bien le dire, par la rhétorique débridée du dirigeant casse-cou de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad.

Le Daily Telegraph du 18 février titrait : "L’Amérique soutiendrait une attaque israélienne contre l’Iran", indiquant clairement que c’est Israël qui dirige l’assaut contre l’Iran.

L’article rapporte des propos de George W. Bush :
"A l’évidence, si j’étais le leader d’Israël et que j’entende certaines des déclarations des ayatollahs iraniens concernant la sécurité de mon pays, je serais moi aussi très préoccupé à l’idée que l’Iran puisse détenir une arme nucléaire. Israël est notre allié, et c’est pourquoi nous avons fait une déclaration très forte pour le soutenir : nous soutiendrons Israël si sa sécurité est menacée."


Un an après, le gouvernement américain ne présente plus les ambitions nucléaires prêtées à l’Iran comme une menace pour Israël : il s’agit désormais d’une menace directement pour les Etats-Unis… De cette manière, les accusations contre l’Iran et les éventuelles répercussions qu’elles pourraient avoir sont susceptibles d’être vendues au peuple américain.

Soudain, les préoccupation d’Israël sont devenues ses propres préoccupations.

Il est intéressant de noter que plus de 55 % des Américains disent qu’ils soutiendraient des frappes contre les installations nucléaires de l’Iran, d’après un sondage récent.

Comme l’écrit l’éditorialiste Doug Ireland dans un de ses articles : "La véritable histoire de l’espion de l’Aipac : tout tournait autour de l’Iran" : "Le lapsus de Bush, qui a révélé ses véritables intentions, a fait la une du Monde et des autres quotidiens européens, mais il n’a pratiquement pas retenu l’attention des principaux médias outre-Atlantique…"

En septembre de l’an dernier, Justin Raimondo écrivait :

"Cette affaire a fait l’objet de très peu de publicité, en dépit de son importance. Il ne s’agit pas seulement du fait que, pour la première fois dans la mémoire contemporaine, le puissant lobby pro-israélien ait été humilié. Ce qui est en train de se passer, en l’occurrence, c’est la mise au grand jour de l’armée souterraine d’Israël dans les légions états-uniennes clandestines de propagandistes et carrément d’espions, dont le job consiste non seulement à faire la propagande d’Israël, mais même de distordre la politique américaine jusqu’à ce qu’elle corresponde aux besoins de ce pays, et qui, par la même occasion, sont mis au jus des secrets les mieux gardés des Etats-Unis…"

Revenons à la question de savoir si les Etats-Unis sont effectivement en train de mener des guerres pour les beaux yeux d’Israël.

En bref, nous ne pouvons pas en être absolument certains, et nous ne le saurons peut-être jamais nous-mêmes, étant donné que la Maison Blanche, à l’instigation de Bush, a mis sous scellés ses enregistrements et ses archives papier privées pour une durée de cent ans…

Mais il y a une chose que nous savons. Le "Plan sioniste pour le Moyen-Orient", rédigé en 1982 par Oded Yinon, est en train de prendre forme sous nos yeux, dans une large mesure.

Est-ce là une pure coïncidence ?

Yinon était-il un cinglé surdoué ?

Peut-être !

Mais quoi qu’il en soit, nous autres, les Occidentaux, nous sommes les victimes d’un agenda remontant loin dans le temps, que nous n’avons pas contribué à fixer.

Et qui, à n’en pas douter, n’est absolument pas dans notre intérêt.



Note :

Une version de cet article a été publié pour la première fois dans le magazine Al-Shindagah, publié à Dubai.

Source : CounterPunch

Traduction : Marcel Charbonnier

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