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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Mais si : c’est bien le Lobby, qui est responsable ! - Une réponse au Professeur Joseph Massad

Par

> jblankfort@earthlink.net

Jeffrey Blankfort est l’ancien rédacteur en chef du Middle East Labor Bulletin. Il a longtemps pratiqué la photographie et il a écrit beaucoup d’articles sur le conflit israélo-palestinien. On peut le contacter à l’adresse e-mail suivante : jblankfort@earthlink.net

La parution le mois dernier dans la London Review Of Books d’un article d’analyse critique intitulé "Le lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis" des Professeurs John Mearsheimer (de l’Université de Chicago) et Steven Walt (Doyen du Centre Kennedy de l’Université Harvard) - deux personnalités académiques au curriculum impeccable - a introduit dans les médias consensuels une question qui était confinée depuis fort longtemps dans les marges du débat politique non seulement par les efforts du lobby lui-même mais aussi par ces gens qui, à gauche, préfèrent considérer que la politique étrangère américaine serait déterminée uniquement par les élites des affaires, lesquelles sont dans une très large mesure insensibles à l’agenda de ce qu’un Noam Chomsky, principal défenseur de cette théorie, s’est plu à qualifier de "simple lobby ethnique, comme il y en a tant d’autres".

Le fait que les deux auteurs aient sans ambages tenu l’influence du Lobby israélien responsable de la politique américaine au Moyen-Orient et de la guerre en Irak a suscité les réactions prévisibles de ces deux camps.

Les chiens de garde du Lobby, sous la direction d’Alan Dershowitz et de Camera, ont traîné dans la boue cet article – qui était une version abrégée d’une monographie plus développée publiée par Harvard – en le qualifiant de version remise au goût du jour des "Protocoles des Sages de Sion" basée sur des sources tirées de sites ouèbes "néonazis" et, bien entendu, d’"antisémite"…


Du côté du camp de la gauche, le Professeur Chomsky n’a pas tardé à produire une descente en flammes de l’étude des deux prestigieux universitaires sur le site ouèbe ZNet et dans le cadre de l’émission Democracy Now ! diffusée par la station Pacifica Radio.

Après une introduction pleine de componction pour les deux professeurs, qu’il félicite d’avoir soulevé cette question, il écrit : "Nous n’en continuons pas moins à nous poser la question de savoir à quel point leur thèse est convaincante ? Pas terriblement, à mon humble avis…"

Ses commentaires, de manière prévisible, furent repris et cités avec approbation par la presse juive et par la presse consensuelle. Ce qui a surpris le scripteur de ces lignes, toutefois, fut le fait que la toute première attaque émanant de la gauche provînt de quelqu’un qui avait été lui-même victime du Lobby, à savoir : le Professeur Joseph Massad, de l’Université Columbia.

Voici trois ans de cela, M. Massad fut pris pour cible par le David Project, entré depuis relativement peu de temps dans les rangs du lobby, qui mena une véritable chasse aux sorcières contre lui, fondée sur des déclarations qu’il aurait soi-disant faites à des étudiants juifs et pour avoir soi-disant créé dans sa salle de cours une atmosphère désagréable pour des étudiants juifs (aucune de ces accusations n’ayant pu être étayée).

L’article de M. Massad "Le lobby [sioniste] mis en accusation" a été publié pour la première fois dans le numéro daté 23-29 mars de l’hebdomadaire égyptien de langue anglaise Al-Ahram et il a été repris par la suite sur le site ouèbe CounterPunch.

Pour moi, ce qu’il y avait d’extrêmement dérangeant, c’était non seulement le fait que Massad se soit précipité pour défendre le lobby, mais aussi le fait qu’il ait été incapable de répondre aux points soulevés par Mearsheimer et Walt et qu’il ait produit, en lieu et place, ce qu’on ne saurait qualifier autrement que de défense et illustration de la position de Chomsky.
Pour ceux qui ne seraient pas familiarisés avec le sujet, et notamment pas avec les questions épineuses soulevées par le document Mearsheimer-Walt, la plaidoirie de Massad n’a certainement pas manqué d’être malencontreusement "convaincante".

C’est la raison pour laquelle, plutôt que d’y apporter une réponse générale, j’ai décidé de procéder à l’examen critique de son article et de le réfuter, point par point.

Jeffrey Blankfort




Joseph Massad (JM) : Tout au long des vingt-cinq années écoulées, beaucoup de Palestiniens et d’autres Arabes, aux Etats-Unis et dans le monde arabe, étaient tellement écrasés par la puissance du lobby pro-israélien aux Etats-Unis que toute étude, tout livre, tout article de presse dénonçant les manœuvres souterraines, l’influence substantielle et le pouvoir financier et politique de ce lobby étaient accueillis par des soupirs extatiques de soulagement à l’idée que les Américains pouvaient enfin, désormais, ouvrir les yeux sur la "vérité" et donc sur "l’erreur" de leur comportement.


Jeffrey Blankfort (JB) : En réalité, il y a eu très peu de livres ou d’articles, dans les médias tant consensuels qu’alternatifs, qui aient tenté d’exposer les agissements subreptices du lobby pro-israélien.
Et quand de tels textes ont émergé, ils ont été largement ignorés par la gauche états-unienne. Les rares fois où ils ont été signalés, ce fut la plupart du temps pour les réfuter.
De plus, cette question ne figure jamais au programme des conférences pro-palestiniennes et nulle allusion n’y est faite au cours des meetings anti-guerre, même lorsqu’ils appellent à la fin de l’occupation israélienne.



JM : L’argumentation sous-jacente était très simple, et elle avait été répétée, toujours et encore, par les alliés du régime de Washington dans le monde arabe, les intellectuels arabes libéraux et pro-américains, les intellectuels et anciens hommes politiques américains conservateurs et libéraux et même des militants arabes et américains de gauche, qui soutiennent les droits des Palestiniens : à savoir que, sans le lobby pro-israélien, l’Amérique, au pire, cesserait de contribuer à l’oppression d’Arabes et de Palestiniens et, au mieux, elle serait leur meilleure alliée et amie.


JB : Ici, Massad assimile en toute mauvaise fois aux alliés corrompus de Washington dans le monde arabe tous ceux qui ont émis des critiques sérieuses et factuelles du rôle qu’a joué le lobby pro-israélien dans le gauchissement de la politique américaine au Moyen-Orient.

Aucun de ceux-ci n’ont jamais formulé la supposition qu’en absence de ce lobby, l’Amérique pourrait, au mieux, être "la meilleure alliée et amie des Arabes et des Palestiniens".

S’il peut s’agir là, en l’occurrence, d’une hypothèse formulée par quelques anciens fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, elle n’a jamais le fait des détracteurs de gauche du lobby.

Ceux-ci ne nourrissent aucune illusion au sujet des exactions de l’impérialisme américain, qui ont existé et vont continuer à le faire, lobby ou pas, bien que le lobby ait apporté une contribution non négligeable à l’avancement du programme politique des Etats-Unis, ailleurs dans le monde.



JM : Qu’est-ce donc qui rend cet argument persuasif et efficace, auprès des Arabes ?
De fait, pourquoi ces affirmations sont-elles constamment brandies par les amis arabes de l’Amérique devant des publics arabes et américains, en guise d’argument se voulant persuasif ?

Je mets en doute l’idée que la séduction de cet argument soit telle qu’il exonérerait le gouvernement des Etats-Unis de toute responsabilité et de toute la culpabilité qu’il endosse en raison de sa politique dans le monde arabe et j’affirme qu’il donne de faux espoirs à beaucoup d’Arabes et de Palestiniens, qui aimeraient bien que l’Amérique soit de leur côté, plutôt que dans le camp de leurs ennemis.


JB : Là encore, Massad fabrique un leurre en tombant à bras raccourcis sur les amis arabes de Washington, car cela lui fournit une base pour tenter de discréditer Mearsheimer et Walt.
Il est des gens, dont votre serviteur, qui sont tout à la fois depuis fort longtemps des opposants conséquents à la politique impérialiste des Etats-Unis, de manière générale, et des détracteurs sérieux de lobby israélien, et qui n’exonèrent en aucune manière les Etats-Unis de la responsabilité de leurs agissements.
Dans la vision exposée par Massad, cette dernière catégorie de personnes semble inexistante…



JM : Permettez-moi, voulez-vous, de commencer par la prémisse de l’argumentation, à savoir la tendance à faire retomber le blâme de la politique étrangère des Etats-Unis non pas sur les Etats-Unis, mais uniquement sur Israël et le lobby pro-israélien aux Etats-Unis.

Selon une telle logique, ce ne sont pas les Etats-Unis qui doivent être tenus directement responsables de leur politique impériale dans le monde arabe et le Moyen-Orient, de manière générale, depuis la Seconde guerre mondiale, mais bien plutôt Israël et son lobby, qui auraient poussé les Etats-Unis dans des politiques contraires à leurs propres intérêts nationaux et bénéficiaires uniquement pour Israël.


JB : Les auteurs du rapport n’absolvent absolument pas les Etats-Unis de leurs responsabilités, mais ils s’efforcent d’expliquer de quelle manière la politique moyen-orientale américaine peut bien être décidée.
Ils ne disent pas qu’en l’absence d’interférence israélienne et du lobby pro-israélien, les Etats-Unis ne poursuivraient pas la réalisation de leurs objectifs impérialistes dans le monde arabe et dans le Moyen-Orient en général, mais bien qu’ils le feraient sans générer les problèmes que le soutien américain à Israël a engendrés, et qui se sont avérés si terriblement coûteux, tant en vies humaines perdues qu’économiquement.



JM : En installant et en soutenant les dictatures arabes et autres au Moyen-Orient, en armant et en entraînant leurs forces armées, en mettant sur pied leurs services secrets et en entraînant leurs forces de police à des méthodes de torture et de répression des insurrections particulièrement efficaces, voilà ce dont tout le tort, d’après la logique développée par ces études, devrait retomber sur Israël et son lobby aux Etats-Unis.


JB : Derechef, Massad fabrique un épouvantail. Les deux auteurs ne rejettent pas la responsabilité de l’entièreté de la politique américaine ni sur Israël, ni sur le lobby pro-israélien, mais ils traitent de problèmes spécifiques, dans lesquels le soutien américain à Israël a eu des effets négatifs tant pour la région que pour les relations entre les Etats-Unis et cette même région.



JM : Le fait de bloquer tout soutien onusien et international aux droits des Palestiniens, d’armer et de financer Israël en guerre contre une population civile, de protéger Israël contre la colère de la communauté internationale : voilà ce dont les Etats-Unis ne devraient pas être tenus pour responsables, indique l’étude avec insistance, mais bien Israël et son lobby.


JB : Les deux auteurs du rapport ont absolument raison. Tout président américain, depuis Richard Nixon, avec son Plan Rogers, en 1969, ont tenté d’inciter Israël à se retirer des territoires qu’il avait occupés en 1967, non pas par amour pour les Palestiniens, mais parce que la poursuite par Israël de l’occupation de ces territoires, du Sinaï aux plateaux du Golan, créait des problèmes bien superfétatoires dans une région où la stabilisation des ressources pétrolières était – et demeure – une nécessité. Chacun de ces différents plans a été dûment sapé par le lobby.

Ainsi, en 1975, Gerald Ford, furieux du refus d’Israël de se retirer des zones qu’il avait conquises sur le Sinaï au cours de la guerre d’octobre 1973, suspendit l’aide à Israël et fit savoir publiquement qu’il avait l’intention de prononcer un discours historique, qui aurait appelé à une réduction des relations américano-israéliennes et exigé d’Israël qu’il se retire jusqu’aux frontières de 1967.

Trois semaines après, l’Aipac présenta à Ford une lettre signée par soixante-seize Sénateurs, allant des démocrates aux républicains d’extrême droite, qui le mettait en garde contre la prise de toute mesure susceptible de mettre en danger la sécurité d’Israël. Ford ne prononça jamais son discours historique…

Son successeur, Jimmy Carter, fut à plusieurs reprises en conflit tant avec Israël qu’avec le lobby. Il n’avait jamais été très chaud pour le traité de Camp David, mais il le fit adopter, bien qu’il ait dû graisser la patte de Begin à hauteur de plusieurs milliards de dollars pour le convaincre.

En 1978, avant l’entrée en vigueur du traité, Begin envahit le Liban, espérant, spéculèrent certains observateurs, que l’Egypte réagirait et que le traité serait rendu sans effet. En effet, Israël ne voulait pas rendre le Sinaï à ce pays. Trois mois plus tard, Carter mit à nouveau Israël et le lobby dans une rage folle, en exigeant de Begin qu’il retirât les troupes israéliennes du Liban.

Ayant demandé publiquement à Begin de stopper la construction des colonies, le Premier ministre israélien répliqua en annonçant le lancement de dix nouvelles colonies, tandis que le lobby étrillait Carter pour avoir osé soulever cette épineuse question.

Quand l’ambassadeur américain Andrew Young viola une exigence israélienne, devenue une loi imposée par le lobby, interdisant aux responsables américains de rencontrer des membres de l’OLP (loi qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à la proscription, de nos jours, de toute rencontre entre des officiels américains et des responsables du Hamas), il fut contraint à démissionner.

Carter, qui envisageait, à l’instar de Ford, de faire un discours télévisé, en 1979, au cours duquel il avait prévu de souligner la divergence des intérêts entre les Etats-Unis et Israël et aussi de dénoncer l’intransigeance israélienne en ce qui concerne la question palestinienne, il fut mis en garde par le lobby, comme l’a rapporté un dirigeant juif, contre le fait qu’il deviendrait "le premier président américain à "prendre le risque d’ouvrir grand les portes à l’antisémitisme en Amérique."
Et Carter renonça à son discours.

Massad soulève la question des votes à l’Onu. Il y a eu une exception à tous ces veto américains, du temps de l’administration Carter.
En mars 1980, le successeur de Young, Donald McHenry, lui aussi un Afro-Américain, vota la censure contre Israël en raison de sa politique de colonisation, notamment à Jérusalem.
Le lobby était fou de rage et Carter se vit contraint à présenter des excuses.
La goutte qui fit déborder le vase, pour le lobby, ce fut l’appel lancé par Carter à une conférence internationale, à Genève, destinée à résoudre la question israélo-palestinienne – conférence à laquelle l’URSS aurait participé.
Il fut obligé de s’excuser pour cela aussi. Mais en pure perte : en 1980, il ne bénéficia que de 48 % des votes juifs, ce qui est le score le plus minable jamais enregistré par un candidat du parti démocrate, depuis que ce parti a commencé à comptabiliser ce genre de choses…

Lors de l’invasion du Liban par Israël, en juin 1982, les deux chambres du Congrès poussèrent des hourras d’approbation. Après tout, pourquoi se gêner : n’était-on pas en année électorale ?

Les informations sur le siège de Beyrouth devenant trop graves pour qu’on pût continuer à faire semblant de les ignorer, Reagan demanda à Sharon de décréter une trêve.
La réponse de Sharon ne se fit pas attendre. Elle consista à bombarder la capitale libanaise précisément à 2 : 42 et à 3 : 38, l’après-midi du lendemain, ces heures correspondant, par un effet du plus pur hasard, sans doute, à la numérotation des deux résolutions de l’Onu stipulant qu’Israël devait se retirer des territoires occupés.

Quand Reagan, à l’instar de Carter, appela lui aussi publiquement Begin à arrêter la construction de colonies, le Premier ministre israélien annonça la construction de nouvelles colonies et il envoya au président américain une missive commençant par "Mon cher Ronnie", afin de lui rappeler qui décidait de quoi, en la matière…

Durant son second mandat, Reagan, tenta, lui aussi, de résoudre le conflit israélo-palestinien, au moyen de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom du Plan Shultz, portant le nom de son Secrétaire d’Etat, George Shultz. Ce plan appelait à la réunion d’une conférence internationale afin de résoudre ce conflit.

Le Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, qui succédait à Begin, ne voulait pas en entendre parler. Une caricature de l’époque représenta Shamir assis sur une chaise, affairé à faire du découpage, sous le regard de Reagan et de Shultz. "N’est-il pas mignon, ainsi occupé à faire des bonhommes de papier" ? demandait Reagan à Shultz, lequel lui répondait : "Ce qu’il découpe, ce ne sont pas "des bonhommes'; c’est notre plan de paix !"
Une autre caricature montrait Reagan et Shamir assis dans des fauteuils, l’un face à l’autre, Shamir tenant à la main un flingot au canon fumant, tandis qu’une colombe tombait du ciel. Reagan : "Vous n’auriez pas dû faire ça…"
L’intransigeance de Shamir finit par amener trente Sénateurs, dont certains des champions d’Israël, à lui envoyer une lettre lui demandant de se montrer plus coopératif.
Ils ne se doutaient sans doute pas qu’ils allaient attirer sur leur propre personne les foudres du lobby, qui les amenèrent tous à venir lui présenter leurs excuses, à genoux.
C’est ainsi que le Plan Shultz fut dûment enterré.

George H. W. Bush ayant succédé à Reagan, il fit savoir très clairement, lui aussi, qu’il voulait une pause dans la colonisation et qu’Israël se retire des territoires occupés.
Il organisa la tenue de la Conférence de paix de Madrid, envers et contre les objections de Shamir, têtu comme jamais, mais fit néanmoins énormément de concessions en ce qui concerne la composition de la délégation palestinienne, afin d’apaiser tant Israël que le lobby.

Cette conférence n’était-elle qu’une mascarade, comme celle convoquée par Carter, et celle convoquée par Reagan ?
Avant la tenue de la conférence, Shamir demanda aux Etats-Unis dix milliards de prêts garantis. Bush en convint, à condition qu’Israël accepte de s’abstenir de construire la moindre colonie, de n’installer aucun immigrant russe en Cisjordanie occupée et d’attendre cent vingt jours afin de vérifier si les deux premières requêtes avaient bien été mises à exécution.
C’est un Shamir furieux qui décida de se rendre au Congrès (sous contrôle sioniste) en passant par-dessus la tête de Bush père.

Après avoir reçu une lettre signée par 242 membres du Congrès, le pressant de faire adopter les garanties de prêts demandées par Israël, Bush prit conscience du fait que le lobby disposait de suffisamment de voix pour débouter le veto qu’il menaçait d’opposer à cette requête.

Ceci l’amena à prendre l’initiative (absolument sans aucun précédent) de réunir une conférence de presse nationale, le jour même où un millier d’activistes du lobby juif, a-t-on estimé, se trouvaient sur la Colline du Capitole afin de réclamer une adoption express de la requête israélienne.
Lors de cette conférence de presse, Bush père dénonça l’arrogance du lobby, et il dit au peuple américain quel montant d’aide recevait chaque homme adulte, chaque femme et chaque enfant israélien de la part du Trésor américain.
Le lendemain, des sondages indiquaient que 85 % des Américains le soutenaient et qu’un mois et demi après, 44 % seulement des Américains restaient favorables à l’attribution d’une quelconque aide à Israël, alors que 70 % étaient favorable à l’allocation d’une aide américaine à l’ex-Union soviétique.

Face à l’offensive de Bush, l’Aipac battit en retraite. Mais il lança très rapidement une campagne impitoyable contre lui, qui commença a trouver un écho dans les media américains, dans lesquels même d’anciens amis comme l’éditorialiste du New York Times William Safire allaient finir, en fin de compte, par le laisser tomber, en faveur de Bill Clinton. Soumis à de terribles pressions et les élections se rapprochant, Bush finit par consentir à accorder ces garanties de prêts, mais c’était déjà trop tard.
Le lobby l’accusa d’être responsable de la défaite de Shamir face à Rabin. Dès lors, Bush père était cuit.



JM : De plus, et toujours selon cette même logique, le fait de contrôler les économies et les finances arabes, de dominer les investissements clés au Moyen-Orient et d’imposer des politiques d’ajustement structurel via le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale – politiques qui appauvrissent les peuples arabes – : voilà, également, qui devrait être mis au compte d’Israël, et non des Etats-Unis…


JB : Il serait intéressant de savoir quelles économies arabes les Etats-Unis pourraient bien contrôler, de nos jours ? Massad ne le dit pas. Et pour cause.
A nouveau, il est de mauvaise foi, toutefois, quand il refuse de réfuter ce que Mearsheimer et Walt ont effectivement écrit, mais qu’il les accuse de formuler des allégations qui n’ont que très peu à voir, sinon rien du tout, avec la question israélo-palestinienne ou la guerre en Irak.
Il n’est pourtant nullement secret que les neocons pro-israéliens ont été lourdement impliqués dans la mise en place des politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International.
Tiens, d’ailleurs, Paul Wolfowitz, un des architectes de la guerre du Golfe, est aujourd’hui à la tête de la Banque Mondiale… c’est drôle, non ?



JM : Enfin, affamer, puis envahir l’Irak, menacer d’envahir la Syrie, bombarder puis sanctionner la Libye, puis l’Iran, assiéger les Palestiniens et leurs dirigeants : voilà qui devrait être imputé au lobby israélien, et non au gouvernement des Etats-Unis.


JB : On ne peut que poser la question : où était donc passé le Professeur Massad ?
Si il était peu connu – bien que ce ne fût pas un secret – que le lobby avait joué un rôle clé en obtenant les votes nécessaires au déclenchement de la première guerre du Golfe, les reportages publiés à ce sujet par le journaliste Larry Cohler, du Washington Jewish Week, sur l’injonction de Steve Rosen, grand initié de l’Aipac, l’orchestration de la guerre actuelle (en Irak, ndt) par une poignée de neocons juifs aux accointances Likoud, avec le soutien du lobby pro-israélien, a été largement évoquée dans la presse consensuelle.
Si jamais une question s’est posée en ce qui concerne l’identité du chef d’orchestre, c’est celle de la difficulté du choix entre Richard Perle, Paul Wolfowitz, Douglas Feith et Scooter Libby…

Massad est certainement au courant du document "Une rupture franche" ("Clean Break") que Perle, Feith et Meyrav Wurmser ont rédigé pour Netanyahu en 1996, prônant des changements de régimes en Irak, en Syrie et en Iran, et que Mearsheimer et Walt mentionnent dans leur étude.

N’est-il pas également au courant du "Projet pour un nouveau siècle (nécessairement) américain", autre document rédigé par des neocons juifs pro-israéliens ?
Et le Bureau des Plans spéciaux, créé par Feith et dirigé par un autre juif neocon, Abe Shulsky, qui fut incité à fournir les faux renseignements qui allaient servir à justifier l’invasion de l’Irak, alors que le chef de la CIA ne partageait absolument pas cet avis, il ne connaît pas non plus ?

Ne sait-il pas que Philip Zelikow, directeur exécutif de la commission sur les attentat du 11 septembre (2001), a reconnu que la guerre contre l’Irak avait pour objectif "la sécurité d’Israël" ? : reconnaissons que c’était là quelque chose de bien "difficile à vendre" au peuple américain ? !
Et, en ce qui concerne l’imposition et la perpétuation des sanctions envers l’Irak, la persuasion du lobby était tout aussi évidente.



JM : De fait, depuis des années, beaucoup de dictateurs arabes pro-américains ont laissé filtrer, officiellement ou non, des informations selon lesquelles leurs amis diplomates américains leur auraient dit, à de multiples reprises, à quel point eux et l’"Amérique" soutiendraient le monde arabe et les Palestiniens, n’eût été l’influence du lobby pro-israélien (parfois qualifié par les diplomates américains en des termes plus explicites et beaucoup plus "ethniques").


JB : Ces diplomates disaient probablement la vérité telle qu’ils la percevaient, comme les déclarations faites par beaucoup d’entre eux, après avoir pris leur retraite des Affaires étrangères, le montrent. Quant à l’utilisation de termes ethniques : en Israël, le lobby est qualifié de "lobby juif" !
Est-ce ce à quoi Massad fait allusion ? Cela implique-t-il que lorsque c’est un non-juif qui utilise ce qualificatif, cela devient automatiquement un qualificatif "antisémite" ?



JM : Si beaucoup des études publiées par le lobby pro-israélien sont plausibles et pleines de détails très bien documentés faisant froid dans le dos au sujet de la puissance formidable à la disposition de groupes tel l’AIPAC [American Israël Public Affairs Committee] et ses alliés, le problème de la plupart desdites études, c’est ce qu’elles ne disent pas.
Par exemple : quand, et dans quel contexte, le gouvernement américain aurait-il jamais soutenu un quelconque mouvement de libération nationale, quelque part, dans le tiers-monde ?

Les Etats-Unis sont tristement célèbres pour être un ennemi implacable de tous les mouvements de libération nationale du tiers-monde, y compris les mouvements européens, de la Grèce jusqu’à l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie, à de rares exceptions près, dont on fait des gorges chaudes, comme la guerre des fondamentalistes afghans contre l’URSS et le soutien américain aux principaux alliés terroristes de l’Afrique du Sud en Angola et au Mozambique [l’UNITA et la RENAMO] contre leurs gouvernements anti-colonialistes respectifs.

Pour quelle raison, dès lors, pourrait-on imaginer que les Etats-Unis soutiendraient les mouvements de libération arabes, si le lobby pro-israélien n’existait pas : voilà quelque chose que ces études n’expliquent jamais, et pour cause.


JB : Encore un leurre… La question n’est pas le soutien à une lutte nationale de libération, mais bien la détermination d’une politique globale dans la région du Moyen-Orient, en général. Il aurait dû être clair qu’un mini-Etat palestinien géré par Yasser Arafat ou l’un quelconque de ses adulateurs n’aurait absolument pas représenté une quelconque menace pour les Etats-Unis.

De fait, cela leur aurait même été utile, dès lors que leurs politiques réactionnaires auraient eu un effet terrible non seulement sur les Palestiniens eux-mêmes, mais aussi sur tous ceux qui, au Moyen-Orient et dans le monde entier, soutiennent la lutte des Palestiniens depuis tant d’années.

De plus, cet Etat aurait été dépendant tant d’Israël que des pays arabes réactionnaires voisins.

Il était clair que les Etats-Unis avaient l’intention d’utiliser le mini-Etat pour des raisons qui leur étaient particulières au moment où ils construisirent le bureau de la sécurité de l’Autorité palestinienne à Ramallah (un bâtiment de quatre étages ayant été édifié spécialement pour l’abriter), que Sharon détruisit durant l’Intifada d’Al-Aqçâ, et où ils formèrent des agents des services de sécurité de l’Autorité palestinienne au siège de la CIA, à Langley, en Virginie, dont beaucoup furent assassinés par l’armée israélienne lors des premiers jours de la seconde Intifada.
Sharon, à l’évidence, ne voulait pas d’un rival marchant à quatre pattes, qui aurait pu s’avérer utile, un jour, aux Américains.



JM : Les Etats-Unis ont eu une politique constante, depuis la Seconde guerre mondiale, consistant à combattre tous les régimes du tiers-monde qui voulaient (et qui veulent) contrôler leurs richesses nationales, qu’il s’agisse de territoires, de pétrole, ou d’autres minéraux précieux.
Ceci est valable, depuis l’Iran de 1953, jusqu’au Guatemala de 1954 et toute l’Amérique latine, jusqu’au Venezuela, de nos jours.


JB : Les Etats-Unis ont adopté un modus vivendi avec les principaux gisements pétroliers dans le monde, sans que cela n’ait requis une prise de contrôle par les armes, jusqu’à la guerre actuelle.
Les Palestiniens, qui ne disposent d’aucune ressource de cette nature, pourraient, dans le meilleur des cas, recouvrer leurs nappes phréatiques d’eau douce qui sont contrôlées actuellement par Israël, mais dans lesquelles les Etats-Unis n’ont aucun intérêt direct, si bien que l’argument de Massad est sans objet.

De plus, la situation des Palestiniens est unique, entre toutes les luttes de libération, en ceci que sa "direction", sous Arafat et jusqu’à la victoire du Hamas, bien loin de combattre les Etats-Unis, a toujours recherché activement leur parrainage.



JM : L’Afrique a connu bien pire, depuis quarante ans, ainsi que beaucoup de pays d’Asie.
Pourquoi les Etats-Unis soutiendraient-ils des régimes nationalistes dans le monde arabe, qui nationaliseraient des ressources naturelles et s’opposeraient au pillage de leurs richesses par le capital américain, au cas où le lobby pro-israélien n’existerait pas : voilà qui demeure un mystère non-expliqué par ces études.

Enfin, le gouvernement des Etats-Unis a contré, renversé ou tenté de renverser tous les régimes qui recherchaient une indépendance réelle et tangible dans le tiers-monde, et ils sont particulièrement offusqués par ceux, parmi ces régimes, qui poursuivent des politiques de cette nature au moyen d’élections démocratiques.

Le renversement des régimes depuis Arbenz jusqu’à Goulart en passant par Mossadegh et Allende, et les tentatives actuelles de renverser Chavez sont des exemples bien connus, de même que l’éviction de régimes nationalistes comme ceux de Sukarno et de Nkrumah.

La terreur déchaînée contre des populations qui ont relevé le défi de régimes pro-américains installés par les Etats-Unis, du Salvador et du Nicaragua au Zaïre et au Chili, en passant par l’Indonésie, ont entraîné le massacre de centaines de milliers, voire de millions d’opposants par des polices et des armées répressives entraînées à cette tâche primordiale par les Etats-Unis.

Cela, en plus d’invasions directes des Etats-Unis dans des pays du sud-est asiatique et d’Amérique centrale, qui ont massacré un nombre inconnu de millions de civils, durant des décennies.

Pourquoi les Etats-Unis et leurs agences gouvernementales de répression cesseraient-ils d’envahir des pays arabes ou de soutenir les forces de police répressives des régimes dictatoriaux arabes, et pourquoi les Etats-Unis cesseraient-ils d’installer des gouvernements de l’ombre dans leurs ambassades dans les pays arabes afin de gérer les affaires de ces pays (dans certains cas, les gouvernements américains de l’ombre gèrent le pays arabe en question jusque dans les moindres détails, le gouvernement arabe en question étant réduit à exécuter leurs ordres), au cas où le lobby pro-israélien n’existerait pas : voilà une question qui n’est jamais abordée, ni a fortiori explicitée par ces études.


JB : Massad retrace une longue histoire des déprédations des Etats-Unis dans les pays du tiers-monde, qui n’ont rien avoir avec le problème qui nous préoccupe. Mearsheimer et Walt n’affirment ni ne sous-entendent qu’en l’absence du lobby israélien, les Etats-Unis soutiendraient les régimes nationalistes de la région.

En 1958, le président Eisenhower a envoyé les Marines au Liban afin de prévenir ce qu’on pensait être un mouvement nationaliste radical contre le statu quo, mais les Etats-Unis n’ont envahi des pays arabes qu’à deux reprises : au Koweït, en 1991, pour mettre les Irakiens dehors, et en Irak, en 2003.

Comme je l’ai indiqué plus haut, le Koweït a requis l’assistance du lobby israélien, en se servant de l’histoire bidon des couveuses, qui a été orchestrée par le Républicain Tom Lantos, auteur ou co-sponsor de nombreux projets de lois et règlement en faveur de sanctions à l’encontre de l’Irak et de la Syrie et de toute une législation anti-palestinienne (d’après le Jerusalem Post, Lantos représente Israël dans des pays qui ne le reconnaissent pas diplomatiquement).

Israël et le lobby avaient anticipé que Bush père évinceraient Saddam, comme ils l’avaient préconisé dans Clean Break [Rupture Franche], et comme Bush père ne l’a pas fait, ils se mirent à le critiquer et à planifier une nouvelle administration qui finirait le boulot. Tous les documents sont formels, à ce sujet.

L’Aipac s’est chargé de la rédaction de la législation anti-syrienne qui a abouti au retrait du Liban des forces syriennes relativement peu nombreuses qui y étaient stationnées et, plus récemment, le lobby a été le seul secteur de la société américaine à réclamer ce qui est, à n’en pas douter, une confrontation militaire avec l’Iran.



JM : L’argument qu’elles mettent en avant aurait été plus convaincant si le lobby israélien contraignait le gouvernement des Etats-Unis à mener au Moyen-Orient des politiques qui différeraient du tout au tout des politiques qu’il mène ailleurs dans le monde.
Ceci, toutefois, est très éloigné de ce qui se passe réellement.

Les politiques des Etats-Unis au Moyen-Orient sont souvent une forme exacerbée de leurs politiques anti-démocratiques et répressives ailleurs dans le monde, mais elles n’en diffèrent qu’en intensité.
On pourrait aisément opposer l’argument que c’est justement la puissance du lobby pro-israélien qui est à l’origine de cette exacerbation, mais même cette objection n’est pas totalement persuasive.


JB : De la fin de la guerre au Vietnam au début de la première guerre du Golfe, les profits des industries de l’armement ont continué à enfler, démontrant qu’une véritable guerre, avec des tirs, n’était absolument pas nécessaire pour que les fabricants d’armes fassent des profits époustouflants et pour que le système capitaliste survive.

Etant donné que les deux grands partis politiques américains sont voués à ce qu’on qualifie par euphémisme de "défense nationale", il n’y a aucun débat, au Congrès, sur la taille du budget militaire. Par conséquent, à l’exception du Moyen-Orient, ce que les Etats-Unis recherchent politiquement, c’est depuis très longtemps la stabilité, plus exactement le type de stabilité qui assure une source permanente de matières premières et un débouché constant pour les produits américains.

Ces produits comportent, bien entendu, les armes américaines, dont certaines peuvent être utilisées afin d’écraser des rébellions internes et d’autres, comme les avions d’attaque, pour la fierté nationale et les pots de vin dont bénéficient les deux contractants.
Ce n’est qu’au Moyen-Orient qu’un environnement stable est requis afin de garantir le pétrole qui alimente la quasi totalité des économies dans le monde, dont la nôtre, et où il y a une instabilité permanente.

C’est pourquoi Mearsheimer et Walt avancent, à juste titre, que cette instabilité est le fait d’Israël et du lobby pro-israélien.



JM : On pourrait avancer l’argument (c’est d’ailleurs ce que j’ai fait, dans d’autres colonnes) que c’est en réalité, précisément, la centralité d’Israël dans la stratégie états-unienne au Moyen-Orient qui explique, pour partie, la force du lobby pro-israélien, et non pas l’inverse.

De fait, la plupart des études récentes mettent en lumière le rôle des membres pro-likoud de l’administration Bush (et même de l’administration Clinton), en tant que preuves du pouvoir effrayant du lobby, alors qu’on pourrait aisément arguer du fait que ce sont précisément ces mêmes hommes politiques américains qui avaient poussé le Likoud et le parti travailliste (israélien) à plus d’intransigeance, dans les années 1990, et qui sont en train de les pousser à de nouvelles conquêtes, maintenant qu’ils sont au sommet du pouvoir aux Etats-Unis.

Ceci ne veut pas dire, toutefois, que les dirigeants du lobby pro-israélien ne se vanteraient pas régulièrement de leur influence cruciale sur les services de politique étrangère du Congrès des Etats-Unis et de la Maison Blanche.

C’est ce qu’ils ne cessent de faire, régulièrement, depuis la fin des années 1970.
Mais si le lobby est puissant aux Etats-Unis, c’est parce que ses principaux buts avoués sont de promouvoir les intérêts des Etats-Unis et leur soutien à Israël, dans le cadre de son soutien à l’ensemble de la stratégie américaine au Moyen-Orient.


JB : Ici, Massad semble blâmer le lobby de l’intransigeance d’Israël, tout en en déniant l’effet sur la politique américaine, ce qui est une curieuse distorsion de la pensée. Massad fait allusion à ce qu’il a écrit par ailleurs au sujet de la "centralité" d’Israël pour la stratégie moyen-orientale des Etats-Unis, mais il en aurait bien besoin dans le présent article, pour tenter de réfuter Mearsheimer et Walt.

Cela serait bien plus utile que de réciter l’histoire archi-connue de l’impérialisme américain ailleurs dans le monde, qui n’a pas grand-chose à voir avec ce débat.

Il doit, tant à Mearsheimer et Walt, qu’à ses lecteurs, d’expliciter ce qu’il pense être la "stratégie globale des Etats-Unis au Moyen-Orient" et de quelle manière Israël sert cette stratégie, au point de justifier les milliards de dollars d’aide et la couverture politique que les Etats-Unis lui fournissent dans l’arène internationale.



JM : Le lobby pro-israélien joue le même rôle que le lobby chinois, dans les années 1950 et que le lobby cubain, encore de nos jours.
Le fait qu’il soit beaucoup plus puissant que n’importe quel autre lobby étranger sur la Colline du Capitole atteste de l’importance d’Israël dans la stratégie des Etats-Unis et non pas de je ne sais trop quel pouvoir fantastique dont il disposerait indépendamment et à l’extérieur des "intérêts nationaux" américains.

Le lobby pro-israélien ne pourrait pas vendre son message, il n’aurait pas une telle influence, si Israël était un pays communiste ou anti-impérialiste, ou bien si Israël s’opposait à la politique des Etats-Unis, où que ce soit, ailleurs dans le monde…


JB : Comparer le lobby israélien au lobby chinois de jadis, c’est comme comparer les Yankees de New York, quand ils gagnent, à une équipe semi-professionnelle.

Le lobby chinois n’avait pas plusieurs dizaines de membres chinois au Congrès, ni des centaines d’organisations, ni des milliers d’institutions religieuses, ni des milliards de dollars de contributions à sa disposition. Il ne possédait ni ne contrôlait aucun segment des médias américains, ni il n’avait, en-dehors de la poignée de Chinatowns et de John Birch Societies clairsemés dans l’ensemble du pays, une armée d’activistes de base.

Le lobby cubain, qu’il serait en réalité plus exact d’appeler le lobby anti-cubain, entretient de fortes relations de travail – ce qui n’est sans doute pas un hasard – avec l’Aipac, à leur profit mutuel, mais il n’arrive pas à la cheville du lobby pro-israélien, du point de vue de la puissance, bien qu’il ait réussi à faire en sorte que l’Etat de Floride reste dans le camp républicain !

Bien sûr, si Israël était un pays communiste ou un pays anti-impérialiste, les juifs des Etats-Unis, n’en doutons pas un seul instant, à l’instar des Cubains anti-castristes, exhorteraient les Etats-Unis à aller le "libérer"…



JM : D’aucuns auraient tendance à arguer du fait que quand bien même Israël tenterait de placer ses intérêts propres au-dessus de ceux des Etats-Unis, parce que son lobby induirait en erreur les décideurs politiques américains en détournant leur position d’une position consistant à procéder à une évaluation objective de ce qui est vraiment dans l’intérêt de l’Amérique, et de ce qui est vraiment dans l’intérêt d’Israël.

Voici cette argumentation : le soutien des Etats-Unis à Israël est la raison pour laquelle des groupes opposés à Israël en viennent à haïr les Etats-Unis et à les prendre pour cible de leurs attaques.
Cela coûte aussi aux Etats-Unis toute couverture médiatique favorable dans le monde arabe, affecte le potentiel d’investissements américains dans les pays arabes et leur fait perdre d’importants alliés dans la région, ou tout au moins affaiblit lesdits alliés. Mais rien de tout ceci n’est vrai.

Les Etats-Unis ont pu être le principal soutien et financeur d’Israël, son défenseur le plus inflexible et son fournisseur d’armes, tout en maintenant des alliances stratégiques avec la plupart des dictatures arabes (sinon toutes) et notamment avec l’Autorité palestinienne, tant sous la direction de Yasser Arafat que sous celle de Mahmoud Abbas…
De plus, les compagnies et les investissements américains ont la première place dans le monde arabe, tout particulièrement, mais pas exclusivement, dans le secteur pétrolier.


JB : Le soutien américain à Israël n’exposerait pas les Etats-Unis à des attaques ?
En voilà, une bonne nouvelle, pour les familles des Marines, des soldats et des marins tués lors de l’explosion de leur casernes à Beyrouth, en 1983, ainsi que pour celles de ces diplomates américains qui ont été pris pour cibles dans la région, au fil des années.

Si Israël n’avait pas envahi le Liban, ces soldats américains tués dans leurs casernements seraient peut-être toujours en vie, ainsi que les membres de la CIA qui ont été déchiquetés par une bombe placée, quelque temps auparavant, à l’ambassade des Etats-Unis à Beyrouth.

De plus, sans s’engager dans l’étude des sérieuses questions restées sans réponse après les attentats du 11 septembre 201, les gens qui admettent la version officielle ont reconnu que le soutien américain à Israël était une des raisons des attentats contre les tours jumelles du World Trade Center de New York et contre le Pentagone, à Washington.

Si les deux auteurs du rapport, et d’autres, dont votre serviteur, sont dans le vrai, alors une part significative de la responsabilité pour les morts et les blessés, dans les deux camps, en Irak, peut être attribuée à Israël et au lobby israélien, mais tout particulièrement à ce dernier.

Il est bien difficile de mesure l’effet sur le potentiel d’investissement et sur les ventes de produits américains sur les marchés du Moyen-Orient, mais affirmer qu’il n’est pas "vrai" qu’ils augmenteraient n’est pas réaliste.



JM : De plus, même sans les efforts pathétiques et inefficaces de la propagande américaine sous la forme de la chaîne de télévision Al-Hurra ou de radio Sawa et du magazine aujourd’hui disparu Hi, pour ne pas parler des journalistes et des journaux stipendiés par les Etats-Unis en Irak et ailleurs, toute une armée de journaux et de chaînes de télévision arabes, pour ne pas parler d’une myriade de télévisions satellitaires, célèbrent les Etats-Unis et leur culture, diffusent des émissions américaines, et tentent de vendre le point de vue américain, aussi efficacement que possible, handicapés qu’ils sont uniquement par les limitations imposées au sens commun par la politique américaine dans la région.

Même l’iconoclaste Al-Jazeera a reculé, afin de complaire au point de vue américain, mais elle est constamment contredite par les politiques américaines réelles dans la région.

Al-Jazeera, qui est en butte à des pressions et des menaces terribles de bombardement émanant des Etats-Unis, a par exemple cessé totalement de désigner les forces américaines d’occupation de l’Irak par l’expression "les forces d’occupation". Elle utilise désormais l’expression : "les forces de la coalition".

De plus, depuis quand les Etats-Unis chercheraient-ils à se livrer à un concours de popularité parmi les peuples du monde ?
Les Arabes n’aiment ni ne haïssent les Etats-Unis plus que les Latino-américains, les Africains, les Asiatiques, voire même – en particulier – les Européens.


JB : En tant que pays, les Etats-Unis ne sont ni aimés ni appréciés nulle part, sauf peut-être en Israël. Cela dépend, bien entendu, du degré de conscience politique des personnes, mais la plupart des peuples, dans le monde, ont une relation d’amour / répulsion avec les Etats-Unis : ils abhorrent et méprisent leur politique, mais ils sont colonisés par leur matérialisme.

La guerre en Irak et la réélection de Bush par les électeurs américains ont ajouté un poids supplémentaire dans la colonne "haine", et en Amérique latine, Bush s’avère le président le plus impopulaire jamais enregistré depuis que des sondages ont commencé à y être pratiqués.

Il n’est pas impossible, la guerre se prolongeant et les Américains continuant à brandir des menaces contre l’Iran, là encore sous la pression du lobby, que le degré d’agressivité envers les Etats-Unis et les produits américains soit appelé à croître encore.



JM : Enfin, nous en arrivons à l’argument financier, à savoir que les Etats-Unis donnent des sommes inconsidérées à Israël – coût par trop exorbitant, hors de proportion avec ce que les Etats-Unis reçoivent en retour.

De fait, les Etats-Unis dépensent plus d’argent pour leurs bases militaires dans le monde arabe, pour ne pas parler de leurs bases en Europe ou en Asie, qu’ils n’en dépensent pour Israël.

Israël a, de fait, été très efficace en matière de services rendus à ses maîtres américains pour un prix modique, qu’il s’agisse de faire passer illégalement des armes aux dictatures d’Amérique centrale, dans les années 1970 et 1980, d’aider des régimes parias comme Taiwan et l’Afrique du Sud de l’apartheid à la même époque, de soutenir des groupes pro-américains, y compris fascistes, à l’intérieur du monde arabe afin de saper des régimes arabes nationalistes, du Liban à l’Irak en passant par le Soudan, pour finir par l’aide apportée à des régimes arabes conservateurs et pro-américains quand ils étaient menacés, comme la Jordanie en 1970, ou encore d’attaquer directement des régimes arabes nationalistes, comme l’Egypte et la Syrie en 1967 et l’Irak en 1981, quand Israël détruisit le réacteur nucléaire de recherche de ce pays.

Si les Etats-Unis ont pu renverser Sukarno et Nkrumah, au moyen de coups d’état sanglants, Nasser resta dans ses tranchées, jusqu’à ce qu’Israël finisse par le neutraliser, lors de la guerre de 1967. C’est grâce à ce signalé service que les Etats-Unis augmentèrent exponentiellement leur soutien à Israël.


JB : Ici, on a l’impression que Massad nous sert du Noam Chomsky. Israël n’a jamais vu un maître, dans les Etats-Unis. Aucun soldat israélien n’a jamais versé la moindre goutte de sang pour les intérêts américains et, comme l’a déclaré Ariel Sharon à la radio de l’armée israélienne, voici quelques années, les Etats-Unis savent très bien que jamais aucun soldat israélien ne versera son sang pour eux.

A l’époque de l’agression israélienne contre l’Egypte, en 1967, la France était le principal fournisseur d’armes d’Israël et certains secteurs du gouvernement américain étaient engagés auprès de certains responsables de l’armée égyptienne.

Qualifier la défaite de Nasser de service éminent rendu par Israël au bénéfice des Etats-Unis, ce que le terme même de "service" implique à l’évidence, est peut-être expédient, pour Chomsky et Massad, mais c’est à la fois une simplification outrancière et une distorsion de l’histoire.

En réalité, ce n’est pas avant la guerre de 1973, où Israël, attaqué par l’Egypte et la Syrie, menaça d’utiliser ses armes atomiques à moins que les Etats-Unis ne viennent à son secours au moyen d’un pont aérien massif permettant de lui acheminer des armes, que le soutien américain à Israël décolla véritablement.

C’est ce que firent aussi les prix du pétrole, un boycott pétrolier arabe ayant été décrété, en représailles. La menace de recourir – excusez du peu – à l’arme nucléaire, dont l’utilisation aurait immédiatement entraîné l’URSS dans le conflit, était-elle dans l’intérêt des Etats-Unis ? Et l’embargo pétrolier arabe, aussi ? Laissez-moi rire…

Les ventes d’armes israéliennes à l’Amérique latine et à l’Afrique du Sud ont été réalisées au premier chef dans l’intérêt de l’industrie militaire israélienne, et si elles ont été utiles aux Etats-Unis, ce n’est que dans un deuxième temps.

Ce que le Lobby fut capable de faire, ce fut de dissuader des membres du Caucus des Noirs du Congrès, dont le notable Ron Dellums, de condamner publiquement les ventes d’armes par Israël à l’Afrique du Sud en violation des sanctions internationales, et de réduire au silence ces membres du Congrès qui étaient si prompts à condamner les agissements des Etats-Unis en Amérique centrale, mais qui avaient peur de faire la même chose dès lors que le malfaiteur était Israël.

La peur n’est pas moins prédominante, aujourd’hui, au Congrès, dont tout membre peut se lever pour critiquer George W. Bush, mais où personne n’ose critiquer le Premier ministre israélien, quelle que soit la personne qui assure cette fonction.

Le rôle joué par Israël dans le conflit jordano-palestinien en 1970 est rituellement soulevé par ceux qui en tiennent pour l’utilité d’Israël (pour les Etats-Unis).

On nous dit qu’Israël agissait au nom des Etats-Unis quand il brandit la menace d’intervenir au cas où des tanks syriens auraient fait mouvement vers le Sud pour aller défendre les Palestiniens assiégés par l’armée du Roi Hussein et que c’est cette menace qui aurait empêché l’éviction du régime hashémite pro-américain.

Voilà qui colle pile poil avec le scénario d’Israël – Etat client, sauf qu’il y manque un élément essentiel. Ce qui fut déterminant, dans cette situation, ce fut le refus de Hafez al-Asad, alors commandant de l’armée de l’air syrienne – pas particulièrement un ami des Palestiniens – d’assurer la couverture aérienne des tanks syriens qui avaient pénétré dans le Nord de la Jordanie.

Peu après, Al-Asad ourdissait un coup d’état contre le président syrien pro-palestinien Atassi, et il entreprenait de jeter en prison des centaines de Palestiniens et de Syriens pro-palestiniens et de dissoudre les milices palestiniennes armées et soutenues par la Syrie, telle Al-Sâ’iqah. Ce chapitre de l’histoire en a apparemment été expurgé.



JM : De plus, Israël a neutralisé l’OLP, en 1982, ce qui n’était pas rendre un mince service aux régimes arabe et à leur patron américain, qui n’avaient pas été capables de contrôler entièrement cette organisation jusqu’alors.


JB : Au début, cela a été apprécié par beaucoup de Libanais, en particulier, dans le Sud du pays, qui trouvaient que certains éléments de l’OLP avaient un comportement brutal et qui étaient fatigués de voir mener une guerre de libération sur leur territoire [et non pas en Palestine, ndt], jusqu’au jour où ils connurent eux-mêmes l’occupation israélienne, et où ils entrèrent eux aussi en résistance.

L’attaque israélienne violait un cessez-le-feu maintenu depuis onze mois, qui avait été négocié par l’ambassadeur Philippe Habib et que l’OLP avait scrupuleusement respecté. Bush père, alors vice-président, s’opposa à l’invasion israélienne et voulait qu’Israël soit sanctionné.
Mais il fut battu par Reagan et Alexander Haig.

Un an auparavant, Bush père avait été révulsé par l’attaque israélienne contre le réacteur nucléaire irakien Osirak, et il voulait qu’Israël soit censuré, à l’époque, mais il n’avait déjà pas été en mesure de l’obtenir.



JM : Aucune des bases militaires américaines pour lesquelles bien plus de milliards de dollars sont dépensés ne pourraient revendiquer un succès aussi éclatant.


JB : Un succès éclatant ? Quel succès éclatant ? Ce que Massad nous fait là n’est distinguable d’un communiqué de presse de l’Aipac justifiant l’augmentation de l’aide américaine que par sa critique de l’impérialisme américain, mais certainement pas par le ton…
Il évite soigneusement de répondre aux questions très précises soulevées par Mearsheimer et Walt, en se contentant de répéter ce que Chomsky a écrit dans une douzaine de ses bouquins et dit dans des centaines de discours, avec très peu de preuves à l’appui.



JM : Les critiques arguent du fait que, lorsque les Etats-Unis durent intervenir dans le Golfe, ils ne purent pas compter sur Israël pour faire ce boulot en raison du fait que l’inclure dans une telle coalition aurait embarrassé les alliés arabes, d’où le besoin d’une intervention américaine directe et l’inutilité d’Israël en tant qu’allié stratégique.
Même si cela est vrai, les Etats-Unis n’ont pas pu non plus se fier à l’une quelconque de leurs bases militaires et durent lancer les invasions tous seuls, en étant contraints d’acheminer des troupes par bateau, pour ce faire.
Les bases militaires dans le Golfe ont apporté un soutien important et nécessaire, mais c’est aussi ce que fit Israël.


JB : Israël a effectivement assuré l’entraînement de troupes américaines aux techniques utilisées pour occuper et réprimer une population arabe hostile, trop heureux de voir les Etats-Unis rejoindre leur club en tant que seuls occupants étrangers d’un territoire arabe, chose dont je suis persuadé qu’elle était l’une des raisons pour laquelle le gouvernement israélien (et, bien sûr, le lobby) tenaient tellement à ce que les Etats-Unis envahissent l’Irak.
Avec des Etats-Unis amenés à prendre les mêmes mesures impitoyables afin de réprimer les Irakiens, il y aurait vraisemblablement moins de plaintes au sujet du traitement infligé par Israël aux Palestiniens.
Et l’expérience montre que c’est exactement ce qui se passe. Israël a été qualifié par Chomsky de "flic en patrouille" de l’Amérique au Moyen-Orient, mais quand une intervention militaire américaine a été jugée nécessaire, ce sont toujours des soldats américains qui ont combattu.
De fait, des soldats américains ont même été envoyés en Israël, durant la première guerre du Golfe, pour servir les batteries de missiles Patriot assurant la défense des Israéliens.


JM : L’AIPAC est incontestablement puissant, tant qu’il promeut des politiques qui correspondent aux intérêts américains et sont en consonance avec l’idéologie impériale régnante des Etats-Unis. Le pouvoir du lobby pro-israélien, tant au Congrès que sur les campus, parmi les responsables des universités ou les décideurs politiques, n’est pas seulement basé sur ses compétences organisationnelles, ni sur son uniformité idéologique.

Dans une très large mesure, des attitudes antisémites, au Congrès (et encore plus, chez les responsables universitaires) jouent un rôle dans l’exagération du pouvoir du lobby (et de ses ennemis), qui les amène à dépasser la bande jaune.

Mais même si c’était vrai, on pourrait répondre que peu importe le fait que le lobby ait un pouvoir réel ou imaginaire.
Car, aussi longtemps que le Congrès et les décideurs politiques (ainsi que les administrateurs des universités) penseront que tel est bien le cas, ce lobby demeurera efficace et puissant. Bien entendu, je concède ce point.


JB : Ainsi, il serait "antisémite" de croire le lobby quand il se vante de son pouvoir ? Quelle affirmation extravagante ! Comment appellerait-il ceux qui disent que le lobby ment ?

Il est tout à fait évident que le cher professeur marche sur un terrain particulièrement instable, ici. A l’évidence, il n’a pas étudié son histoire et ce qu’il est advenu à ceux des hommes politiques qui ont osé défier le lobby et qui ont été pris pour cible et battus, à commencer par le Sénateur J. William Fulbright, qui chercha, au début des années 1960, à limiter le pouvoir croissant du lobby.
Il y a plusieurs ouvrages, écrits tant par des partisans que des détracteurs du lobby, qui démontrent brillamment son influence.

Et puis il y a, aussi, les récits d’anciens membres du Congrès, qui en furent les victimes. Ce qui est navrant, comme le montre cette affirmation, c’est que Massad n’a manifestement pas lu la littérature disponible sur la question et qu’il se croit, néanmoins, autorisé à critiquer l’analyse de Mearsheimer et Walt.



JM : Qu’est-ce qui aurait pu être différent, par conséquent, dans la politique américaine au Moyen-Orient, si Israël et son puissant lobby n’avaient pas existé ?
La réponse est brève. La voici : ce qui aurait été différent, ce sont les détails et l’intensité de cette politique, mais en aucun cas sa direction, son contenu ni son impact.


JB : En l’absence d’Israël, et par conséquent du lobby, il n’y aurait plus aucune raison de spéculer. Soulever cette question relève de la vue de l’esprit…



JM : Le lobby pro-israélien est-il (effectivement) extrêmement puissant, aux Etats-Unis ?
Etant quelqu’un qui a dû faire face de plein fouet à sa puissance, depuis trois ans, à travers leur formidable influence sur mon université et leurs tentatives de me faire virer, je réponds par un oui retentissant.
Ce lobby est-il le responsable premier des politiques américaines vis-à-vis des Palestiniens et du monde arabe ? Absolument pas !


JB : Massad, toute la puissance du lobby, de plein fouet ? Il a peut-être été exposé à une bonne partie de sa puissance, mais toute sa puissance, certainement pas. S’il avait pris la peine d’étudier l’histoire du lobby, il aurait une plus juste appréciation de sa puissance…
Mais, encore une fois, le Professeur Massad ne donne aucune raison pour laquelle les Etats-Unis ne pourraient soutenir un Etat croupion palestinien et pour laquelle les Etats-Unis soutiendraient la continuation de l’occupation des territoires palestiniens par Israël, en dépit des efforts déployés par chaque président, de Nixon à Clinton, pour qu’Israël, précisément, y renonce…



JM : Les Etats-Unis font face à une très forte opposition, dans le monde arabe, comme ailleurs, parce qu’ils ont poursuivi et continuent à poursuivre des politiques qui sont opposées aux intérêts de la plupart des gens, dans ces pays, qui ne bénéficient qu’à leurs propres intérêts et aux régimes minoritaires dans la région, qui servent lesdits intérêts américains, dont Israël.
Sans ces politiques, et sans le lobby pro-israélien qui les soutient, les Etats-Unis peuvent s’attendre à un changement d’attitude à leur égard, chez les Arabes.
Sinon, les Etats-Unis devront poursuivre leur politique, dans la région, politique qui a semé la désolation, et continue à la semer, sur la majorité des Arabes. Ne vous attendez pas à ce que les peuples arabes aiment les Etats-Unis, en retour !


JB : Tous les deux ans, on peut entendre ou lire, au sujet de quelque problème relatif à Israël, que "le président" ou le "Congrès" n’agira sans doute pas [à l’encontre d’Israël] en raison de considérations politiques intérieures, en particulier en année électorale.
Ce que Mearsheimer et Walt diagnostiquent, et que Massad ne voit pas, c’est à quel point le conflit israélo-palestinien est une question intérieure aux Etats-Unis.

Le fait que le mouvement de solidarité avec les Palestiniens, auquel le Professeur Massad appartient, ait ignoré cette donnée de fait est la principale raison pour laquelle ce mouvement, jusqu’ici, est un échec retentissant. Cela devrait représenter une cause d’embarras et de réflexion, mais, jusqu’ici, cela n’en donne aucun signe.
Il y a eu un autre professeur, à Columbia, qui avait une compréhension bien plus profonde de la situation, et qui nous manque terriblement, sans doute aujourd’hui plus que jamais. Je veux parler du regretté Edward Said.
Dans sa contribution à The New Intifada, judicieusement intitulée "Le dernier tabou de l’Amérique" [America’s Last Taboo], il ne mâchait pas ses mots :

"Qu’est-ce qui explique la situation présente ? La réponse se trouve dans la puissance des organisations sionistes sur la politique américaine, organisations dont le rôle, tout au long du 'processus de paix' n’a jamais été suffisamment analysé – une négligence qui est absolument stupéfiante, étant donné que la politique de l’OLP a consisté, essentiellement, à remettre notre sort, en tant que peuple, entre les mains des Etats-Unis, sans aucune conscience stratégique du degré auquel la politique américaine est dominée par une petite minorité, dont les visions concernant le Moyen-Orient sont, à bien des égards, plus extrémistes que celles du Likoud lui-même."

Et, au sujet de l’Aipac, Said écrivait :

"L’Aipac [American Israël Public Affairs Committee] est, depuis des années, le lobby le plus puissant à Washington. Se reposant sur une population juive bien organisée, jouissant de beaucoup de relations, hautement visible et riche, l’Aipac inspire une sainte trouille et le respect d’une extrémité à l’autre de l’éventail politique. Qui va tenir tête à ce Moloch, au service des Palestiniens, alors que ceux-ci n’ont rien à offrir, et que l’Aipac est

Source : http://www.dissidentvoice.org/

Traduction : Marcel Charbonnier

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