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Palestine - 1 janvier 2001
Par OLP
Extrait de "Med Intelligence", un webzine bi-mensuel très pertinent sur la géopolitique et l'économie de la Méditerranée, du Maghreb et du Machrek sur http://medintelligence.free.fr.
Les négociateurs palestiniens et israéliens se sont rencontrés la semaine dernière àWashington DC pour poursuivre les efforts destinés àétablir un accord de paix complet.
A l'issue de cette semaine, le président Clinton a présenté un certain nombre de propositions afin de définir les paramètres qui devraient conduire àun accord définitif. Nous tenons àremercier les Etats-Unis pour leur contribution exceptionnelle pour aboutir àla paix et considérons avec faveur leur implication dans les négociations futures.
Nous sommes particulièrement reconnaissants au président Clinton pour les efforts extraordinaires qu'il a accompli pour promouvoir une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Il faut en effet mettre àson crédit le fait que chacune des parties ont réussi àse rapprocher durant les sept années écoulées.
Mais l'action du président Clinton ne doit cependant pas faire perdre du vue qu'une paix permanente ne saurait s'imposer que si les préoccupations des deux parties sont prises en considération, afin que Palestiniens, Arabes ou musulmans, tout comme Israël obtiennent satisfaction sur les bases de négociations, c'est àdire dans le cadre des résolutions 242 et 338 du conseil de sécurité.
Nous tenons àexpliquer pourquoi les dernières propositions américaines dont la clarté n'est pas évidente, ne satisfont pas les conditions qui doivent présider àune paix permanente. Dans sa version actuelle, le plan américain conduit à:
1) La division de l'Etat palestinien en trois cantons striés de routes uniquement israéliennes et reliés entre eux par des routes àusage palestinien, ce qui met en péril la viabilité du futur Etat.
2) Le morcèlement de la Jérusalem palestinienne en plusieurs îlots séparés et isolés du reste de la Palestine
3) Au renoncement forcé de la partie palestinienne au droit au retour des réfugiés.
Les propositions américaines omettent d'évoquer aussi les arrangements de sécurité entre la Palestine et Israël, et laissent de coté d'autres questions importantes pour le peuple palestinien. Le plan américain semble endosser les revendications israéliennes en négligeant la nécessité de base pour les Palestiniens : un Etat viable.
Les propositions américaines sont présentées en termes généraux qui excluent les détails et exigent des clarifications. Davantage qu'un projet d'accord permanent, elles constituent un instrument de travail qui ne tient pas compte des détails, des modalités et du calendrier d'achèvement du conflit palestino-israélien.
Pour qu'un tel accord devienne effectif, il doit recevoir des garanties internationales réelles et sans équivoque. Nous considérons qu'un accord général et vagueàce stade avancé du processus de paix serait contre-productif. Nous tenons cette conviction de notre expérience passée où les accords vagues n'ont pas été honorés par Israël.
Le statut permanent doit être véritablement un accord final et non des termes àencore négocier.
Le plan américain examine quatre problèmes majeurs : le territoire, Jérusalem, les réfugié et la sécurité.
Le territoire de l'Etat palestinien
Sur la question du territoires, les Etats-Unis proposent qu'Israël annexe 4 à6 % de la rive occidentale. Cette annexion serait compensée par un "échange de terres" de 1 à3 % ; les parties devraient aussi considérer l'idée d'échanges de terres louées.
Les Etats-Unis préconisent l'établissement d'une carte finale de telle sorte que 80 % des colonies juives soient regroupées dans des blocs d'implantation afin de ne pas gêner la continuité territoriale de l'Etat palestinien, de réduire les annexions et de minimiser le nombre de Palestiniens affectés.
Cette proposition pose nombre de problèmes sérieux. N'étant accompagnée d'aucune carte et alors que la base territoriale sur laquelle les calculs sont effectués n'est pas connue, il est difficile d'imaginer le pourcentage qui permettra d'établir une continuité territoriale. C'est particulièrement révélateur dès lors qu'Israël, que les Etats-Unis n'ont jamais interrogé sur ces points, continue àdéfinir Jérusalem comme no man's land et exclue la mer Morte du calcul des pourcentages.
De plus, l'idée américaine d'un échange de terres louées ne sert pas les intérêts des Palestiniens qui n'ont nul besoin de terres présentement israélienne, àl'exception du corridor qui doit joindre la bande de Gaza àla rive occidentale et qui doit faire l'objet d'un "échange de terres".
Confrontée aux cartes présentées par la partie israélienne lors des derniers rounds de négociations, cette proposition donne àIsraël le contrêle de larges parties du territoire, rendant l'Etat palestinien non viable et sans accès aux frontières internationales.
Sans une carte éliminant ces ambiguités, les Etats-Unis n'effacent pas la proposition israélienne faite àCamp David d'annexer 10 % de la Cisjordanie , et d'en maintenir 10 % supplémentaires sous contrêle au titre d'arrangements de sécurité mal définis. Il est important de garder en mémoire que l'ensemble des implantations israéliennes sur la rive occidentale occupée représente approximativement 2 % de ce territoire.
Dans ce contexte, la partie palestinienne rejette le principe de "blocs d'implantation" en tant que base de négociation proposée par les Etats-Unis.
L'utilisation de ce critère subordonnerait les intérêts palestiniens, notamment la continuité territoriale et la maîtrise des ressources naturelles, aux intérêts des Israéliens d'assurer la continuité territoriale de leurs colonies, au demeurant reconnues illégales par la communauté internationale.
La proposition est de plus contraire àla position américaine qui préconise la minimum d'annexion et la minimisation du nombre de Palestiniens affectés. En définitive, la partie palestinienne a besoin de savoir exactement quelles colonies l'Etat hébreu entend annexer.
En tout état de cause, il est imposible d'accepter une proposition qui punit les Palestiniens, alors que la colonisation israélienne est illégale. Un marché qui impliquerait l'annexion de 4 à6 % (sans parler de 10 %) du territoire, causerait un inévitable dommage aux intérêts vitaux des Palestiniens. Il conduirait Israël àannexer un certain nombre de villages palestiniens dont les habitants iraient grossir la masse déjàimportante des personnes déplacées.
Par surcroît comme le démontre la carte produite, une grande quantité de terres non-colonisées dans des zones de développement tels que Jérusalem ou Bethléem, seraient également annexées, interdisant la continuité territoriale de l'Etat palestinien. Compromettant la liberté de déplacement des Palestiniens dans leur propre Etat, un tel projet nuirait au développement du pays et causerait un préjudice irrémédiable sur les droits des Palestiniens sur leurs eaux.
De même que pour "l'échange de terres", les Etats-Unis n'identifient pas les territoires qui compenseront les annexions israéliennes. La partie palestinienne insiste pour qu'àchaque espace annexé, corresponde une superficie équivalente en taille et en potentiel. Jusqu'àprésent, aucun argument n'a été avancé pour justifier que ce ne soit pas le cas. Aujourd'hui, les propositions américaines rejettent explicitement le principe d'une compensation égalitaire et demeurent silencieuses sur l'emplacement et la qualité des terres devant faire l'objet d'échanges.
Toutes les précédentes offres américaines ou israéliennes ont fait référence àdes zones proches de la bande de Gaza en compensation de terres de grande valeur sur la rive occidentale. Or, outre qu'elles sont situées en zone désertique, les terres proposées servent actuellement àIsraël de décharge àproduits toxiques. Il est bien évident que nous ne saurions accepter l'échange de terrains productifs pour des poubelles àproduits toxiques.
Jérusalem
Sur la question de Jérusalem, le président Clinton a avancé le principe général que les zones arabes seraient palestiniennes et les zones juives seraient israéliennes, tout en incitant les parties àtravailler sur carte pour créer le maximum de continuité de part et d'autre.
Deux propositions conjointes ont été présentées qui donnent la souveraineté sur la Haram al-Sharif aux Palestiniens et celle sur le Mur occidental aux Israéliens. Les deux formulations excluent des travaux sous le Haram ou devant le Mur.
Les formulations américaines sur le Haram sont problématiques. D'abord, leurs termes semblent reconnaître implicitement àIsraël un droit sur le sous-sol du Haram puisqu'ils impliquent le renoncement àcreuser devant le Mur des lamentations, c'est àdire la zone située sous le Haram même.
Le Mur occidental s'étend en effet au delàde Wailing Wall, et inclue le tunnel ouvert en 1996 par l'ancien premier ministre Benyamin Netayahou, ce qui avait provoqué des émeutes importantes.
L'aspect territorial de Jérusalem des propositions américaines pose aussi problème et appelle des éclaircissements. Comme le montrent les cartes et en raison de la condamnation internationale de l'occupation de Jérusalem -Est, la formulation selon laquelle "les zones arabes sont Palestiniennes et les zones juives, Israéliennes" est incompatible avec le principe de la continuité territoriale des zones attribuées àchacune des parties.
Cette formulation entraînera inévitablement la formation d'îlots palestiniens isolés les uns des autres. Israël, en revanche, pourra maintenir la contiguité des zones qui lui reviennent. Ainsi l'offre de maintenir le maximum de contiguité pour tous se traduit en fait par un maximum de contiguité pour les Israéliens.
Les demandes israéliennes pour obtenir la souveraineté sur un certain nombre de lieux saints non-définis àJérusalem, ainsi que son refus de présenter des cartes claires qui établissent ses prétentions entretiennent les craintes palestiniennes. Pour être acceptable par les Palestiniens, toute formulation doit garantir la contiguité des zones arabes et la continuité de ces zones avec le reste de la Palestine.
L'élément clef de la position palestinienne sur Jérusalem, c'est son statut de ville ouverte offrant un libre accès àchacun. Ce statut est non seulement indispensable pour garantir l'accès et les services dans les lieux saints pour tous ceux qui estiment cette zone sacrée, mais aussi pour ménager la liberté de mouvement dans l'Etat de palestine. Les propositions américaines ne font malheureusement pas référence àce principe essentiel.
Les réfugiés palestiniens
Sur la question des réfugiés palestiniens, chassés de leurs foyers en conséquence de la proclamation de l'Etat d'Israël, les Etats-Unis proposent que chaque partie reconnaissent le droit au retour des Palestiniens dans la Palestine historique ou dans leur patrie, mais ajoutent que l'accord devra spécifier qu'il n'y a pas de droit au retour sur le territoire maintenant israélien.
Ils formulent en conséquences cinq options ou destinations possibles :
1) L'Etat palestinien ;
2) Les zones transférées àl'Etat palestinien àtitre d'échange ;
3) L'implantation dans le pays d'accueil ;
4) L'émigration dans un pays tiers ;
5) L'admission en Israël.
Tous les réfugiés auront le droit de retour dans l'Etat palestinien. En révanche, l'implantation dans le pays hête, l'émigration vers un pays tiers et l'admission en Israël dépendront des politiques adoptées par ces différents pays.
Les propositions américaines reflètent entièrement les positions israéliennes selon lesquelles le droit au retour est entièrement àla discrétion de l'Etat hébreu. Il est important àcet égard de rappeler que la résolution 194, depuis toujours considérée comme la base d'un juste règlement du problème des réfugiés, exige le retour dans leurs foyers des Palestiniens exilés et non le retour dans leur "patrie" ou la "Palestine historique".
Par essence, le droit au retour donne un choix : les Palestiniens doivent choisir l'endroit où ils veulent s'établir, y compris dans leur ancien foyer d'où ils ont été expulsés. Il n'existe pas de précédent historique d'un peuple abandonnant son droit fondamental de retrouver le domicile qu'il a été forcé de quitter ou d'où il a fui dans la peur. Nous ne serons pas le premier peuple àl'admettre. La fin du conflit est subordonnée àla reconnaissance du droit au retour et au choix des options par les réfugiés.
Les Palestiniens sont prêts àenvisager ce droit au retour de manière flexible et créative dans sa réalisation matérielle. Dans nombre de discussions avec Israël, les problèmes posés par la mise en oeuvre du droit au retour, tant en ce qui concerne les réfugiés que'en ce qui concerne les conséquences pour l'Etat hébreu, ont été identifiés et des solutions détaillées ont été avancées.
Le plan américain fait l'impasse sur ces avancées et se réfère àdes positions israéliennes anciennes. Pas davantage, ce plan n'offre de quelconques garanties quant au droit àrestitution auquel les réfugiés peuvent prétendre.
Sécurité
En ce qui concerne la sécurité, les Etats-Unis proposent la mise en place d'une force internationale pour garantir l'application de l'accord. Cette formulation suggère un retrait israélien sur trois ans, avec une montée en puissance graduelle de cette force internationale. A la fin de cette période, une présence militaire israélienne sera autorisée dans la vallée du jourdain, sous supervisions de la forces internationale.
Les Etats-Unis proposent aussi qu'Israël soit autorisé àmaintenir trois stations de pré-alerte pour au moins dix ans et àdisposer d'une faculté de déploiement de ses forces sur le territoire palestinien en cas "d'état national d'urgence". De plus, le plan américain propose que la Palestine soit un "Etat démilitarisé" qui, bien qu'ayant la souveraineté sur son espace aérien, accorde aux Israéliens un droit d'entraînement et de survol pour les besoins opérationnels de leur aviation.
Bien que le plan américain lève des obstacles àla souveraineté palestinienne par rapport aux propositions israéliennes, il ignore un certain nombre de problèmes. Il n'y a aucune raison qu'Israël demande un délai de trois ans pour se retirer de la bande de Gaza et de la rive occidentale. Israël a été en effet en mesure d'installer en quelques années un million d'immigrants venant de l'ancienne Union soviétique, si bien qu'un délai d'un an semble bien suffisant pour réimplanter 60 000 colons.
La proposition américaine est d'ailleurs peu claire en ce qu'elle prévoit un retrait simultané de l'armée et des colons, lesquels sont en tout état de cause considérés comme des occupants dans les territoires palestiniens. Un processus trop lent de retrait mettrait en danger l'application de l'accord et constituerait une source de tension permanente.
Les Palestiniens nourrissent aussi d'autres inquiétudes. En effet, Israël doit faire le choix entre une présence dans la vallée du Jourdain et un droit de déploiement d'urgence, d'autant qu'une force internationale sera présente sur les lieux.
En outre, Israël ne demande pas davantage qu'une station de pré-alerte en Cisjordanie pour satisfaire ses besoins stratégiques. Le maintien des stations actuellement implantées près de Ramallah, Naplouse et àl'Est de Jérusalem pertuberait le développement palestinien. En tout état de cause, le projet américain laisse àla discrétion d'Israël le temps pendant lequel ces stations resteront opérationnelles.
Le suggestion américaine de conclure des arrangements pour que les Israéliens puisse utiliser l'espace aérien palestinien dans le cadre d'entraînements ou pour leurs besoins opérationnels est aussi très problématique.
Sans éclaircissements, cette disposition permettrait aux Israéliens d'utiliser le ciel palestinien pour ses exercices aériens avec tous les dangers que cela représente pour la population civile et l'environnement, tandis que les civils israéliens se verraient, eux, dispensés de ces risques.
Les Palestiniens entendent travailler àtoute convention concernant l'aviation civile, selon les normes internationalement admises.
Tout arrangement contraire diminuerait la souveraineté palestinienne et pourrait avoir des conséquences sur les rapports avec les pays voisins.
Autres questions
Les Etats-Unis font l'impasse sur nombre de problèmes qui doivent être réglés si l'on veut établir une paix juste et durable. En se focalisant sur les quatre questions ci-dessus évoquées, le projet américain néglige non seulement le réglement des questions de nature àmettre fin au conflit, mais barrent aussi le chemin qui devrait conduire àdes relations bénéfiques entre les deux peuples.
Plus précisément, le plan ne prévoit rien sur les problèmes de l'eau, des compensations pour les dommages résultant de plus de trente ans d'occupation, de l'environnement, des relations économiques futures et des autres questions qui se traitent d'Etat àEtat. Fin du conflit
Convaincus qu'il nous faut absolument mettre fin au conflit, nous estimons que cela ne sera possible qu'une fois tous les problèmes qui l'ont provoqué auront été entièrement résolus.
Cette fin ne peut être envisagée que dans le cadre d'un accord équilibré qui stipulera les solutions détaillées aux questions qui sont au coeur du conflit. Il faut d'ailleurs se souvenir que la normalisation entre Israël, l'Egypte et la Jordanie n'est intervenue qu'après la signature d'un traité détaillé.
Conclusion
A nouveau, nous entendons dire que nous voulons une solution pacifique au conflit dans le cadre des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité et de la légalité internationale.
Compte tenu des énormes pertes humaines provoquées par chaque interruption des négociations, nous reconnaissons qu'il est indispensable de résoudre ce conflit le plus têt possible.
Nous ne saurions cependant accepter des propositions qui mettent en péril la viabilité de l'Etat palestinien ou nient le droit des réfugiés de rentrer dans leurs foyers.
L'équipe palestinienne de négociation
Article paru dans le Point d'information Palestine
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Source : http://medintelligence.free.fr
Traduction : Jean-Michel Staebler
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