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Israël - 24 juin 2005
Par Avi Shlaim
Né en 1945, à Bagdad, dans une famille juive fortunée, Avraham (« Avi ») Shlaim a grandi en Israël. Historien de renommée internationale et spécialiste du conflit israélo-palestinien, il enseigne aujourd’hui au St. Anthony’s College d’Oxford, au Royaume-Uni. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le plus connu est sans doute The Iron Wall : Israel and the Arab World (« Le Mur de fer : Israël et le monde arabe »), publié en 1999 chez W.W. Norton.
Condoleezza Rice a appelé l'accord entre Israel et l'Autorité Palestinienne sur la nécessité de détruire les maisons des 8.000 colons juifs dans Gaza comme une étape historique sur la route vers la paix.
C'est une déclaration idiote faite par l'un des secrétaires d'Etat américain les plus vides de l'ère d'après-guerre.
L'hypocrisie américaine n'a rien de nouveau. Mais avec le Dr Rice, cela va bien au delà de chutzpah.
La politique étrangère américaine a habituellement montré un double standard envers le Moyen-Orient: Un standard pour Israël et un pour les Arabes.
Pour juste donner un exemple, les Etats-Unis ont effectué un changement de régime à Bagdad en trois semaines mais ils n'ont pas démantelé une seule colonie juive dans les territoires occupés en 38 ans.
Les deux principaux thèmes actuellement à l'ordre du jour de l'Amérique pour la région sont la démocratie pour les Arabes et un règlement du conflit Israélo-Palestinien. L'Amérique, cependant, insiste sur la démocratie seulement pour ses adversaires arabes, mais pas pour ses amis.
Quant au processus de paix, c'est essentiellement un mécanisme par lequel Israël et l'Amérique essayent d'imposer une solution aux Palestiniens. L'hypocrisie américaine n'a rien de nouveau. Mais avec le Dr Rice, cela va bien au delà de chutzpah.
Avec Ariel Sharon, en revanche, vous voyez ce que vous avez. Il a toujours été dans les affaires de destruction, mais pas dans les affaires de construction. Comme ministre de la Défense en 1982, Sharon a préféré détruire la ville-colonie de Yamit dans le Sinai plutôt que de la remettre à l'Egypte comme récompense de la signature d'un traité de paix avec Israël. George Bush a décrit, par le passé, son ami Sharon en tant que "homme de paix".
En vérité, Sharon est un gangster brutal et un voleur de terre.
Sharon, c'est aussi l'unilatéraliste par excellence.
La Feuille de Route publiée par le quartet (USA, l'ONY, l'UE et la Russie) au lendemain de la guerre de l'Irak a envisagé trois étapes menant à l'établissement d'un état palestinien indépendant à côté d'Israël vers la fin 2005.
Sharon a détruit la Feuille de Route, notamment en continuant à augmenter les colonies juives en Cisjordanie et en construisant un mur illégal qui entre profondément dans le territoire palestinien.
Il a présenté son Plan pour le Désengagement de Gaza comme une contribution à la Feuille de Route; en fait c'est presque totalement l'inverse. La Feuille de Route réclame des négociations entre les deux parties, menant à une solution à Deux Etats. Sharon refuse de négocier et agit pour refaire unilatéralement les frontières du Grand Israël.
Comme il a dit aux partisans d'Extrème-Droite : "Mon plan est difficile pour les Palestiniens, c'est un coup mortel. Il n'y a aucun Etat palestinien dans une action unilatérale."
Le véritable but de l'action est de faire dérailler la Feuille de Route et de tuer le processus comateux de paix.
Pour Sharon, le retrait de Gaza est le prélude non pas à une colonisation permanente mais à l'annexion des parties substantielles de la Cisjordanie .
Sharon a décidé de réduire ses pertes dans Gaza quand il s'est rendu compte que le coût de l'occupation n'est pas tenable. Gaza abrite 8.000 colons israéliens et 1,3 millions de Palestiniens. Les colons contrôlent 25% du territoire, 40% des terres arables et la majeure partie de l'eau.
C'est une entreprise coloniale désespérée, accompagnée d'une des occupations militaires les plus longues et les plus brutales des temps modernes.
Bush a publiquement approuvé le plan de Sharon de se retirer de Gaza et de maintenir les quatre principaux blocs de colonies en Cisjordanie sans consulter le Quartet - une inversion de la position américaine depuis 1967 qui voyait les colonies comme un obstacle à la paix.
Sharon a proposé l'année dernière de remettre les capitaux israéliens restants dans Gaza à une institution internationale.
Maintenant il propose de détruire les maisons et les fermes.
Le changement du plan est incité par la crainte des Israéliens que le Hamas revendique le mérite pour le retrait et qu'il lève son drapeau sur les bâtiments évacués par les colons.
C'est inévitable parce que le Hamas, et non l'Autorité Palestinienne, est le libérateur de Gaza et parce qu'Israël refuse de coordonner ses actions avec l'Autorité Palestinienne.
Une autre crainte est que le Hamas, soutenu par 35 à 40% de la population palestinienne, émerge comme un challenger électoral sérieux pour le Fatah, le parti de Mahmoud Abbas.
C'est l'énigme de Condi. Si elle est sérieuse au sujet de propagation de la démocratie dans le monde arabe, elle doit accepter les résultats des élections libres; dans la majeure partie du monde arabe, elles produiraient des gouvernements Islamistes, anti-américains.
Israël a contribué plus que n'importe quel autre pays à ce regrettable état des choses. Condi et la droite américaine voient Israël comme un capital stratégique dans la guerre contre le terrorisme.
En fait, Israël est le plus grand handicap de l'Amérique.
Pour la plupart des Arabes et des Musulmans, la véritable question au Moyen-Orient n'est pas l'Irak, l'Iran ou la démocratie mais l'oppression d'Israël sur les Palestiniens et le soutien aveugle de l'Amérique à Israël.
La politique de l'Amérique envers le Moyen-Orient est myope, confuse et erronée. Seul un accord négocié peut apporter la paix et la stabilité durables dans la région. Et seule l'Amérique a le pouvoir de pousser Israël vers un tel accord.
Il est grand temps que les Etats-Unis soient fermes avec Israël, la partie intransigeante et le principal obstacle à la paix.
S'associer au projet égoïste, non-civilisé de Sharon pour détruire les maisons juives dans Gaza n'est pas une étape historique sur la route vers la paix.
Source : The Guardian
Traduction : MG pour ISM
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Avi Shlaim
24 juin 2005