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Palestine 48 - 5 juin 2008
Par Hasan Afif El-Hasan
Né à Naplouse, le docteur Hasan Afif El-Hasan est analyste politique.
Il y a 41 ans cette semaine, Israël lançait la guerre de 1967, qui n'a duré que 6 jours, mais qui a changé à jamais les politiques et la géographie de la région. Elle a donné à Israël le contrôle de l'ensemble de la Palestine historique, de la Péninsule du Sinaï égyptienne, les Hauteurs du Golan syrien, les Fermes de Shebaa libanaises et de petites zones à l'est du Jourdain. Des milliers de soldats arabes y ont perdu la vie et des prisonniers de guerre ont été massacrés par l'armée israélienne, de sang froid.
Les chars israéliens avancent dans les Hauts du Golan pendant la Guerre des Six-Jours, le 10 juin 1967
Plus important, la guerre a mis fin au rêve panarabe du Président Jamal Abdel-Nasser d'Egypte et des nationalistes arabes ; et le patriotisme local a remplacé le nationalisme arabe. La guerre a préparé le terrain à l'initiative de paix du Président Anwar Sadat avec Israël et le Roi Hussein a dû renoncer à la souveraineté sur la Cisjordanie . La défaite arabe dans la guerre de 1967 a jeté le doute sur la légitimité des gouvernements arabes.
Le 18 mai 1967, Nasser exigeait le retrait des observateurs des Nations Unies d'une zone tampon démilitarisée et déplaçait ses troupes près des frontières avec Israël pour la première fois depuis 1957. Et quatre jours après, il prenait une autre décision : sa flotte bloquait le Détroit de Tiran, empêchant Israël de naviguer librement dans le Golfe d'Aqaba, par la Mer Rouge. Les décisions de Nasser ont bel et bien fait le jeu des Israéliens, résolus à ne pas manquer cette opportunité unique, qui considérèrent ces actions comme une déclaration de guerre et répondirent par une attaque surprise le 5 juin qui détruisit la plupart des forces égyptiennes, syriennes et jordaniennes.
Les dirigeants israéliens ont commencé à dessiner de nouvelles frontières pour leur Etat et à débattre de la façon de gérer plus de deux millions et demi de Palestiniens habitant sur les terres nouvellement occupées sans toucher au caractère juif d'Israël. Immédiatement après la guerre, Israël s'est mis à tirer des plans pour installer les Juifs en Cisjordanie et à Jérusalem et trois jours après avoir déclaré la victoire, la capitale israélienne était étendue au-delà de ses frontières d'origine par l'incorporation de Jérusalem Est à sa municipalité.
Dans son autobiographie, Ariel Sharon se réfère à la prise de la Cisjordanie et de Jérusalem en 1967 comme à la libération de la Samarie et de la Judée, une zone qui, prétendait-il, appartenait à Israël mais avait été prise par les armées arabes en 1948. Selon lui, Israël récupérait des terres juives que les Arabes avaient à tort prises au Juifs. Et il ajoutait qu'il "n'avait aucun intérêt à gérer les Arabes de Samarie, de Judée et Gaza. Je pensais qu'ils devaient gérer leurs vies avec le moins d'interférence israéliennes possibles."
Au milieu de l'euphorie des israéliens et de leurs célébrations de victoire de la guerre de 1967, commandant d'une division blindée pendant la guerre et futur Premier Ministre, Ariel Sharon suggéra que la victoire n'était pas complète parce qu'il restait beaucoup à faire. Même lorsqu'il était avec son unité militaire dans le Sinaï, aux derniers jours de la guerre, Sharon câblait des instructions pour déménager l'école d'infanterie en un lieu déjà assigné, près de Naplouse, et il suggérait qu'un action immédiate d'Israël devait être "de prendre pied [en Cisjordanie et à Jérusalem] le plus vite possible" pour protéger la zone. A son retour du Sinaï, il a "passé beaucoup de temps" en Cisjordanie et dans les banlieues de Jérusalem, à la recherche de lieux stratégiques et de terrains en hauteur pour le contrôle, avec accès à des routes de raccordement à coloniser et à garder.
Sharon pensait qu'Israël devait créer "des faits accomplis" parce que, selon ses paroles, "la survie ne dépend pas de la foi dans la bonne volonté de quiconque [les Arabes], mais des faits, bâtir réellement sur la terre et la défendre réellement". Il citait sa mère, le mettant en garde lors d'une occasion où il négociait avec les Egyptiens : "Ne leur fais pas confiance [aux Arabes] ! Ne leur fais pas confiance !". Sharon insistait que certaines parties des terres occupées ne devraient jamais être abandonnées à cause de leur signification stratégique, ou historique et culturelle pour Israël et pour le peuple juif. Ceci inclut Jérusalem, des terrains hauts "essentiels pour défendre les centres industriels d'Israël" et la vallée du Jourdain. Pour garantir que certaines zones restent en permanence entre les mains israéliennes, Sharon suggérait que les Juifs devaient y établir de colonies importantes.
Il fallait forger des liens avec les terres occupées. Les Israéliens ont appelé les terres conquises par leurs noms bibliques et ont dessiné de nouvelles cartes pour installer les Juifs et équiper leurs colonies des infrastructures nécessaires. Sharon ne fut qu'un des nombreux individus et organisations sionistes qui contemplaient les terres nouvellement occupées avec un seul objectif, les coloniser. Des militaires, des comités gouvernementaux et l'Organisation Sioniste Mondiale ont proposé de nombreux plans à Israël. Tous voulaient annexer la terre et ses ressources sans donner la citoyenneté israélienne à la population arabe.
Le plan le plus complet fut fourni par Yigal Allon, commandant de l'unité militaire Palmach pendant la "Guerre d'Indépendance", Ministre du Travail pendant la guerre de 1967 et vice-Premier Ministre après la guerre. D'autres plans furent présentés par le Ministre de la Défense d'alors, Moshe Dayan, le Comité Ministériel sur Jérusalem, le Comité Ministériel sur les Colonies, la Division des Colonies de l'Organisation Sioniste Mondiale et le Mouvement Gush Emunim. Moshe Dayan parlait pour une majorité de dirigeants israéliens lorsqu'il demandait la construction à grande échelle de colonies juives et qu'il dessinait une nouvelle carte pour un Israël "du Jourdain au Canal de Suez" plutôt qu'explorer les possibilités de paix avec les Arabes.
Le plan Allon appelait à la division de la Cisjordanie en deux secteurs, un qui serait annexé à Israël et l'autre qui deviendrait la patrie des Palestiniens, sous autonomie partielle. Le plan nécessitait la création de deux jeux de frontières pour Israël, une pour la sécurité et l'autre à des fins politiques. Les frontières sécuritaires étaient étendues jusqu'à comprendre toute la Palestine historique. Les frontières politiques incluraient Israël en lui-même, toutes les colonies qui pourraient être construites, et autant de terre que possible en Cisjordanie et dans les environs de Jérusalem. Il proposait d'annexer Jérusalem et 40% de la Cisjordanie , dont la vallée du Jourdain, depuis Beesan (Beit Shean) au nord jusqu'à Hébron, au sud. Dans son livre "L'absence de Paix", Nicholas Guyatt indique que le plan Allon permettrait aux Palestiniens d'avoir leur autonomie sur le secteur nord de la Cisjordanie , à l'exception d'une bande de 10 miles qui serait annexée à Israël, et le reste de la Cisjordanie serait colonisé par les Israéliens. Le plan Allon fut critiqué par de nombreux stratèges de la défense israélienne, dont Ariel Sharon, parce qu'il limitait les secteurs où les Juifs pourraient installer les colonies.
26 ans après la guerre de 1967, l'ainsi nommé "processus de paix d'Oslo", qui fut signé par les Israéliens et la direction de l'OLP, a autorisé Israël à mettre en œuvre un Plan Allon élargi qui incluait beaucoup des recommandations des autres plans. Feu Edward Said a trouvé des similitudes surprenantes entre la fausse propagande arabe louant la performance des armées arabes pendant la guerre de 1967, qu'Israël gagnait, et la propagande arabe louant la signature d'Oslo, qui fut une grande victoire pour Israël.
Il a écrit : "Les ondes [arabes], en mai 1967, étaient pleines de la propagande de la victoire arabe de la guerre… [et aujourd'hui], il y a un choeur de louanges pour le "processus de paix", qui ne comporte aucun avantage, sauf pour Israël". L'OLP a donné à Israël ce qu'il voulait avec avidité, une reconnaissance et une légitimité dans le monde arabe, et plus.
La grande ironie est que les mêmes élites de l'OLP qui ont signé les accords d'Oslo sont engagées aujourd'hui dans des négociations avec les Israéliens sur le statut final du conflit palestino-israélien. Eux et leurs copains ont adopté la ligne israélienne et US, à savoir blâmer la résistance pour les hésitations de ce qu'on appelle le "processus de paix". Ils disent avec insistance que si leur opposition politique pouvait au moins arrêter leur résistance [leur terrorisme] contre l'occupation et si elle s'en tenait à un statu quo, il y aurait la paix et Israël restituerait les terres occupées en 1967.
Mais Israël n'a eu besoin d'aucune excuse pour annexer Jérusalem Est et coloniser la Cisjordanie . Israël a plus que doublé le nombre de colons en Cisjordanie et à Jérusalem après la signature des accords d'Oslo et avant le second Intifada. Israël a systématiquement mis en œuvre une forme de projet de Grand Israël qui implique en dernier lieu l'absorption de la majorité des terres occupées par un Etat juif vivant côte à côte avec des enclaves palestiniennes autonomes qui n'auront ni pouvoir ni contrôle sur quoique ce soit, sauf sur leur peuple. Israël compte sur les forces sécuritaires palestiniennes pour l'aider à protéger les Israéliens de la colère grandissante du peuple palestinien.
Selon les Nations Unies, il y a 149 colonies juives et 96 avant-postes en Cisjordanie et à Jérusalem Est et plus de 500 barrages routiers et checkpoints qui empêchent les gens et les produits de rejoindre les villes principales. Il y a des invasions militaires répétées, des bouclages, des démolitions de maisons et des assassinats extrajudiciaires d'activistes et des enlèvements de dirigeants politiques. Israël a construit de nombreuses autoroutes pour colons, et autres structures, 27 bases militaires, le mur de séparation et plusieurs zones d'exclusion.
Les Etats arabes ont abandonné leur responsabilité de défendre leur peuple le plus vulnérable, les négociations de paix ne mènent nulle part et les Palestiniens doivent se débrouiller tout seuls. Après toutes les souffrances qui leur ont été infligés par la colonisation de leur patrie, la famine et l'assujettissement, le peuple palestinien a le droit de se rebeller et de résister à l'occupation coloniale.
Source : Palestine Chronicle
Traduction : MR pour ISM
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