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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Un nouveau Moyen-Orient est né. Mais pas exactement celui que Shimon Peres avait à l'esprit.

Par

Omar Barghouti est un analyste palestinien indépendant

Six longues journées tachées de sang se sont passées depuis qu'Israel a lancé son attaque barbare sur le Liban sans réussir à obtenir un avantage militaire significatif sur la résistance elle-même.
Six jours, c'est exactement le temps qu'il avait fallu à Israel pour imposer une défaite militaire écrasante et humiliante aux armées largement inférieures de l'Egypte, de la Syrie et de la Jordanie en juin 1967, et à la suite de laquelle il avait occupé la bande de Gaza et la Cisjordanie palestiniennes, y compris Jérusalem Est, les Hauteurs du Golan Syrien, et la péninsule égyptienne du Sinai.
Le "Moyen-Orient" a bien changé au cours des 4 dernières décennies !

En effet, grâce à la résistance libanaise, et jusqu'à un certain degré, à ses contre-parties palestiniennes, cette région volatile subit la transformation radicale d'une région où les régimes arabes -- et plus ou moins les sociétés -- avaient en grande partie intériorisé la défaite et l'hégémonie Américano-Israélienne comme une fatalité vers une région qui reconstruit de façon palpable sa confiance en l'avenir et son espoir d'une ère de justice et de paix, sans oppression coloniale et raciste.

Ce n'est certainement pas le "nouveau Moyen-Orient" qui avait été à l'ordre du jour avant que l'Intifada palestinien actuel éclate.

Shimon Peres, l'adjoint au Premier Ministre israélien actuel et l'un des quelques leaders Sionistes historiques restants, parlait souvent, lors de l'âge d'or du "processus de paix" d'Oslo entre Israël et l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), de sa vision d'un nouveau Moyen-Orient, où Israël et ses "voisins" Arabes vivraient en harmonie, en paix et auraient une prospérité commune.


Pour les non-initiés du discours Sioniste, cela se traduit en une capitulation officielle des Arabes devant l'hégémonie d'Israël sur le Moyen-Orient, l'ouverture des marchés Arabes lucratifs à son économie avançée et à son désir insatiable de devenir un empire régional.

Clairement différent du grand projet de Peres, il y avait une solution juste au conflit Israëlo-Arabe qui, selon le droit international, nécessiterait une fin de l'occupation et de la colonisation des territoires palestiniens, syriens et libanais occupés en 1967 par Israël ; la reconnaissance du droit des réfugiés palestiniens à revenir sur leurs terres, d'où ils ont été éthniquement nettoyés pour établir Israël sur les ruines de leur société ; et la fin du système israélien de discrimination raciale envers ses propres citoyens palestiniens, à qui l'on refuse tout semblant d'égalité dans un Etat qui non seulement les discrimine par la fourniture de services de base et une reconnaissance de leurs droits fondamentaux, mais qui les exclut même aussi d'auto-définition.


Après six jours d'agression israélienne contre le Liban -- en apparence pour libérer deux de ses soldats capturés par le Hizbullah dans une opération militaire sophistiquée et éblouissante à la frontière Libano-Israélienne -- et son massacre délibéré et progressif des civils libanais innocents comme stratégie pour éroder le soutien du public au Hizbullah, la résistance libanaise a non seulement persévéré mais s'est également arrangée pour donner quelques coups durs inattendus à Israël qui ont déjà réussi à changer de façon durable le visage du Moyen-Orient.

Tandis que l'Occident choisissait d'ignorer la situation difficile des civils Arabes qui sont devenus les victimes de ces derniers crimes de guerre israéliens, le monde Arabe n'a pas manqué de voir la chute brutale de plusieurs autres "victimes" : les illusions et les mythes qui étaient jusqu'ici perçus par beaucoup comme une évidence.


La première de ces victimes est la "dissuasion" d'Israël. Israël a explicitement admis que son utilisation délibérée de l'écrasement -- ou "disproportionnée", dans le langage aseptisé de l'Occident -- la force avait pour but de récupérer sa "dissuasion endommagée".

Ses moyens manifestes pour atteindre cet objectif est le massacre aveugle et la dévastation gratuite, toutes les deux sont destinées à renforcer l'image d'Israël dans "l'esprit collectif" des Arabes en tant qu'état invincible, une puissance sans rivaux dans la région, et, de façon cruciale, un "chien fou" qui ne connaît aucune limite raisonnable à l'exercice de la force brutale pour atteindre ses objectifs, comme Moshe Dayan le préconisait autrefois.

Dans cette perspective, inculquer le désespoir et la crainte totale devient l'arme de choix d'Israël dans la guerre psychologique, outils qu'il a maîtrisé pendant des décennies.

En conséquence, l'espoir parmi les opprimés doit être écrasé à n'importe quel prix par peur qu'il mène à l'agitation et au défi ouvert des ordres du tyran.

Ce que le Hizbullah a fait en six jours, après six ans de provocation ouverte des Palestiniens dans les Territoires Palestiniens Occupés (OPT), n'est rien de moins que la démolition de ce "mur de fer" du désespoir arabe, ébranlant ainsi les fondations de la capacité de dissuasion d'Israël.


Une autre victime de la double-agression d'Israël sur Gaza et le Liban est la revendication officielle de l'Occident d'une cohérence morale, de décence, ou même du respect du droit international.

Les gouvernements occidentaux ont, généralement, soutenu, ouvertement ou timidement, les invasions israéliennes de Gaza et son bombardement impitoyable du Liban comme forme de "défense", ignorant la définition standard de cette notion et les limites fixées à ce sujet par les conventions juridiques internationales.

La soumission des Européens, ou leur adoption volontaire, à la doctrine américaine que seul Israël a le droit de se "défendre" dans ce conflit trahit la connivence de l'Europe en renforçant un principe clé de la vision mondiale de l'empire Américain : la force donne le droit, et le droit international peut aller se faire voir.

Comme le dit aujourd'hui correctement un éditorial du Guardian : "Ne pas réclamer clairement une trêve immédiate pourrait suggérer que la complicité (de l'Europe) avec ce que font Israël et les Etats-Unis est un aval implicite : utiliser une force écrasante pour battre ou diminuer le Hizbullah, quelles que soient les conséquences pour le Liban ou la région."


En outre, en exprimant des inquiétudes non équilibrées et écoeurantes concernant la perte des vies israéliennes -- militaires et civils – tout en comparant les pertes dévaluées des vies de civils Arabes au Liban et de Gaza à rien de plus qu'un ennui qui pourrait potentiellement nuire à l'image autrement brillante d'Israël, les responsables occidentaux et la plupart des médias traditionnels craintifs en Occident ont trahi un niveau de racisme que beaucoup avaient pensé éteint dans ces phares de la démocratie et des Lumières.

Reflétant ce phénomène, un récent éditorial du New York Times décrit les atrocités israéliennes au Liban comme des "réponses militaires de grande envergure" qui sont "légalement et moralement justifiées."

Bien sûr, ce n'est pas une surprise pour toute personne qui observe de près le discours politique et culturel occidental au sujet du monde Arabe, comme l'ont exprimé des fonctionnaires, des experts et des éditoriaux de médias.

Encore, le mépris non mitigé pour le caractère sacré de la vie humaine "dans les pays du Sud", en général, que ce soit pour les vies en Afghanistan, en Irak, à Guantanamo, au Rwanda, en Palestine ou au Liban, en comparaison avec l'Occident -- y compris les Israéliens -- est un rappel inquiétant que le racisme, loin d'être un vilain souvenir de l'Occident colonial, est bien vivant, frappe et est très présent dans ses couloirs de pouvoir, affectant singulièrement sa prise de décision envers le Moyen-Orient.

Au coeur de cette bigoterie résiliente, il y a une opinion commune -- pas toujours manifestement exprimée – que les non-blancs sont des êtres humains simplement imparfaits, manquant de certains des attributs de base associés aux humains "complets", c.-à-d. aux blancs.

La valeur essentielle de l'égalité entre tous les êtres humains, indépendamment de leur appartenance ethnique, leur couleur, leur genre ou leur foi, est encore devenue pour beaucoup d'élites occidentales une question d'opinion.


La dernière victime dans la guerre d'agression d'Israël est le "processus de Paix Israëlo-Arabe". Le Sécrétaire Général de la Ligue Arabe, M. Amr Moussa, a officiellement annoncé sa mort dans une conférence de presse qui s'est tenue juste après la réunion d'urgence des ministres des Affaires Etrangères Arabes au Caire samedi.

Encore une fois, ce n'est pas une nouvelle pour les observateurs de ce processus de déception, qui avait été soigneusement conçu pour légitimer le contrôle d'Israël sur des parties du Territoire Palestinien Occupé et de son refus de certains des droits inaliénables au peuple de la Palestine, ainsi que pour imposer les conditions d'Israël pour la "paix", notamment la soumission sans réserve des Arabes à son injustice.


Etant donné toutes les victimes réelles et virtuelles du mépris incessant d'Israël envers le droit international et du ridicule du prétendu système politique international, soi-disant dirigé par l'ONU, la société civile Arabe doit lutter pour étendre la portée et la profondeur du mouvement croissant et graduel préconisant un boycott d'Israël, semblable à celui qui a été appliqué à l'Apartheid d'Afrique du Sud.

Finalement, seule une forme de résistance moralement saine et non-violente peut fournir les pressions durables et pratiques qui peuvent tenir Israël pour responsable et donc donner une chance à une paix juste.


Israël s'est embarqué dans sa dernière aventure sanglante en espérant changer les règles du jeu.

Partout, les gens de conscience peuvent en effet lui remettre des "nouvelles règles du jeu" : le transformer en un état paria jusqu'à ce qu'il soit totalement conforme à ses engagements en vertu du droit international et qu'il commence à traiter ses victimes comme des êtres humains égaux qui méritent tous leurs droits humains et politiques, dont le plus crucial est leur droit inattaquable de vivre dans la liberté et la dignité.


Source : http://electronicintifada.net/

Traduction : MG pour ISM

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