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Palestine - 1 décembre 2007
Par Ghada Ageel
Ghada Ageel est une réfugiée palestinienne de troisième génération. Elle a grandi dans le camp de réfugiés de Khan Yunis dans la bande de Gaza et elle enseigne la politique Moyen-Orientale à l'Université d'Exeter en Grande-Bretagne.
Il y a soixante ans, mes grands-parents vivaient dans le magnifique village de Beit Daras, à quelques kilomètres au nord de la bande de Gaza. Ils étaient agriculteurs et propriétaires de centaines d'hectares de terres.
Mais en 1948, au cours de la première guerre israélo-arabe, de nombreuses personnes ont perdu la vie en défendant notre village face aux milices sionistes. Pour finir, quand leurs cultures et leurs maisons ont été brûlées, les villageois ont fui.
Ma famille est finalement partie pour ce qui est devenu le camp de réfugiés de Khan Younis à Gaza.
Nous avons été durement frappés par la pauvreté, l'humiliation et la maladie.
Nous sommes devenus des réfugiés, nous avons fait la queue pour obtenir des tentes, des vivres et de l'aide, tandis que l'État d'Israël était créé sur les ruines des biens de ma famille et sur les ruines de centaines d'autres villages palestiniens.
Certaines personnes peuvent être lassées d'entendre ces histoires du passé. "Ce qui est fait est fait" est l'une des premières paroles j'ai apprises en anglais. Mais pour moi, la ligne de démarcation entre le passé et le présent n'est pas si facilement brisée.
Je raconte cette histoire aujourd'hui car elle a un profond rapport avec le processus de paix au Moyen-Orient -- et elle aide à évoquer les craintes profondément ancrées des réfugiés palestiniens à qui l'on demande d'exonérer Israël de ses actes et à renoncer à notre droit de rentrer chez nous.
Cela ne doit pas se produire. Tous les réfugiés ont un droit au retour. Il s'agit d'un droit individuel, reconnu depuis longtemps par le droit international, qui ne peut être négocié. Les réfugiés palestiniens -- et nous sommes plus de 4 millions enregistrés aujourd'hui auprès de l'Organisation des Nations Unies -- détiennent ce droit autant que les Kosovars ou les Rwandais ou d'autres réfugiés.
Bien sûr, je comprends qu'on ne puisse pas remonter le temps. La plupart des villages palestiniens dans ce qui est maintenant Israël n'existent plus. Et l'expérience montre que lorsque les droits des réfugiés sont reconnus et soutenus par la communauté internationale, une petite partie seulement optent pour le retour
Mais l'option devrait être nous être proposée. Si un réfugié décide de revenir, on ne devrait pas l'en empêcher. Faire moins que cela serait inacceptable pour les Palestiniens, dont les deux tiers sont des réfugiés. Ceux qui choisissent de ne pas rentrer devraient être dédommagés d'une façon équitable pour les pertes subies.
Ma crainte est que, dans les mois à venir, d'énormes pressions politiques et financières pourraient être engagées contre nos dirigeants divisés afin qu'ils concèdent les droits des réfugiés.
En 2000, Yasser Arafat a été sévèrement critiqué au niveau international pour son refus d'accepter ce qui avait été appelé de façon perverse une "offre généreuse" du Premier ministre israélien de l'époque Ehud Barak, même si elle ne prévoyait rien pour le retour des réfugiés.
Cependant, Arafat a été accueilli en héros par les Palestiniens pour son refus de principe d'appliquer un nettoyage ethnique.
Sept ans plus tard, nous serons peut-être confrontés à une autre "offre généreuse" visant à officialiser notre dépossession. Tragiquement, les puissances mondiales n'ont pas grand-chose dans le ventre pour se battre contre Israël pour ce qu'ils considèrent comme des peccadilloes révolus.
Il ya des conséquences réelles lorsqu'on est apatride et faible. Pendant deux ans, j'ai été incapable de rentrer chez moi à Gaza. En 2006, j'ai été bloquée dans le Sinaï avec mes deux petits enfants, incapable de franchir la frontière fermée entre l'Egypte et la Bande de Gaza.
C'est peut-être de la folie de vouloir entrer dans cette prison, mais c'est là où vivent ma famille et mes proches. J'ai finalement abandonné. L'été dernier, j'ai essayé et échoué.
Pourtant, ma destination finale n'est pas Khan Yunis, mais Beit Daras. C'est fondamentalement injuste -- même après toutes ces années -- que le monde se tienne aux côtés et approuve la décision prise par Israël d'exproprier les terres de ma famille.
Et c'est fondamentalement raciste de penser que je pourrais poser une menace pour Israël si je devais revenir dans le village de ma famille (que je ferais si j'en avais l'option).
La notion d'un Etat juif qui doit toujours conserver un caractère juif -- de sorte que les personnes d'autres origines ethniques ne peuvent pas vivre dans leurs foyers ancestraux et que les groupes de minorités sont traités comme des citoyens de seconde classe – est effroyablement similaire à la situation de l'apartheid en Afrique du Sud, où les différents groupes ethniques étaient traités de façon inégale en vertu de la loi.
Si les Noirs et les Blancs d'Afrique du Sud ont pu résoudre leurs divergences sur la base de l'égalité, pourquoi est-il inopportun d'insister sur le fait que les Israéliens et les Palestiniens fassent la même chose ?
Assurément, tous les concepts modernes de la justice et de l'égalité devraient décrier un système qui place les Juifs au-dessus des Palestiniens.
Ces deux peuples ont énormément souffert au cours des dernières décennies. Cependant, une solution ne viendra pas par les puissants qui dictent les règles aux faibles, mais par une insistance sur l'égalité entre les deux peuples.
Source : http://www.latimes.com
Traduction : MG pour ISM
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