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Palestine - 1 avril 2007
Par Azmi Bishara
Selon les ministres des Affaires Etrangères américain et israélien, l'initiative de paix Arabe est une position Arabe non contraignante pour laquelle les Arabes méritent une petite tape dans le dos et un coup de coude amical pour qu'ils la modifient.
La toute première qualité de cet encouragement est ce qui empêche l'initiative d'en être une.
Evidemment, la Ministre des Affaires Etrangères israélienne refuse de croire que l'histoire a commencé avant les élections qui l'ont fait entrer dans le gouvernement il y a quatre ans.
Après que l'école de politique étrangère néo-conservatrice ait échoué aussi lamentablement dans le monde Arabe et après que la Feuille de Route ait été enfoncée tellement profondément dans un labyrinthe d'oubli qu'elle a besoin d'une nouvelle feuille de route pour trouver la sortie, elle et sa collègue américaine doivent s'accrocher à quelque chose.
Mais leur flexibilité de fraîche date est telle que tout ce qu'elles voient, c'est une "position" Arabe qui ne peut pas fonctionner.
Peut-être que ce qui était exigé était une nouvelle initiative Arabe annoncée pendant les exercices de ces deux administrations. Alors ils auraient pu la qualifier d'initiative.
Mieux encore, peut-être que les Arabes devraient proposer une nouvelle proposition tous les trois ou quatre ans, en modifiant les "positions" qui constituaient par le passé les points cardinaux de l'initiative de paix précédente, afin de calmer tous les nouveaux envoyés américains.
Puis, dans 20 ans, après quatre ou cinq gouvernements israéliens et administrations américaines, les Arabes approuveront l'annexion par Israël d'une grande partie de la Cisjordanie Occupée et ils s'estimeront heureux qu'Israël ne leur demande non seulement de reconnaître Israël mais également l'article 7a de sa Loi Fondamentale dans laquelle il se décrit comme Etat juif et démocratique.
Tout est possible tant qu'Israël trouvera des Arabes qui argueront : "Il vaut mieux accepter ce qu'on nous offre maintenant, avant que nous soyons forcés d'accepter quelque chose de pire."
Tel est le destin d'une initiative de paix qui émane de la dynamique de la faiblesse.
Sans victoire pour rendre les principes d'une initiative de paix plus contraignante ou la capacité de changer l'équilibre des forces en faveur des auteurs de l'initiative, l'initiative ne demeure rien de plus qu'une proposition nécessitant des retouches.
C'est pourquoi celui qui est à l'origine d'une initiative est soit une partie neutre qui souhaite négocier entre des antagonistes qui n'arrivent pas entre eux à une position de compromis, ou une partie victorieuse qui cherche à traduire une victoire militaire en une victoire politique, ou une partie plus puissante qui a le pouvoir d'imposer l'initiative.
Quant à une initiative qui est avancée de façon hypothétique, elle ne peut être qu'interprétée comme une forme de soutien et est certaine d'ouvrir l'appétit de l'adversaire pour plus de concessions.
La vraie vie n'est pas faite de jeux de simulation joués dans des centres d'études stratégiques qui vivent des dialogues Israëlo-Arabes.
La dernière initiative a pour but de calmer l'adversaire et de s'insinuer dans les bonne grâces de ses alliés. L'initiative arabe est de ce type, et ceux qui donnent des conseils de ce genre sont les "amis" des Arabes et leurs conseillers de la gauche Sioniste américaine et israélienne.
Selon ces gens, Israël n'a aucune objection à une solution juste. Israël a seulement peur que les Arabes veuillent le détruire et jeter les Israéliens à la mer. Les Israéliens ne sont pas racistes, ils sont simplement nerveux.
Par conséquent, ce que les Arabes doivent faire, c'est rassurer les Israéliens.
Où les Arabes ont-ils rencontré cette peur avant ? Oh oui.
C'était la peur qui a conduit les Palestiniens dans le désert et qui a fait tomber des bombes à fragmentation sur les villages du Sud Liban, dans la vallée de la Bekaa et à Jabal Amel.
C'est une peur terrifiante.
Maintenant les Arabes doivent compatir avec cette peur très compréhensible du droit au retour des Palestiniens, la peur de rendre Jérusalem aux Arabes, et la peur de se retirer sur les frontières d'avant juin 1967. Et bientôt suivra la peur d'une rupture dans l'unité nationale d'Israël.
Certains Arabes se sont déjà empressés d'apaiser de telles craintes. Ils agissaient probablement par déférence aux demandes exprimées par la Ministre des Affaires Etrangères israélienne lors d'une récente conférence de l'American Israël Public Affairs Committee (AIPAC ).
Même Benyamin Netanyahu aurait été embarrassé de dire aux Arabes ce que cette Ministre des Affaires Etrangères douce et modérée leur a déclaré via son discours devant le puissant Lobby pro-israélien.
Ce que les gouvernements Arabes doivent faire, a-t'elle dit, c'est de normaliser leurs relations avec Israël afin d'apaiser les craintes d'Israël, après quoi ils devront attendre qu'Israël change peu à peu. Peut-être que par la suite, Israël reconnaitra le gouvernement d'unité national palestinien et même peut-être les Arabes.
Tous ces efforts des Arabes ont rendu la situation de plus en plus perverse après l'initiative Arabe qui a été rapidement mise de côté par la feuille de route.
Soudain, Sharon a été acclamé en tant qu'homme de paix malgré lui et il a été forcé de s'asseoir, le visage grimaçant, à Sharm el-Sheikh et d'écouter les Arabes décrire son plan unilatéral de retrait de Gaza comme la mise en application d'une étape de la feuille de route.
Même certains ont surpassé la proposition Arabe avec un esprit d'initiative encore plus grand.
Normalement, bien sûr, c'est un trait très positif, un trait qui a été fortement estimé dans les sociétés capitalistes puisque c'est l'antonyme de la paresse, de l'indifférence et du manque d'initiative dont nous sommes, nous les Orientaux, tellement souvent caractérisés.
Mais dans ce cas, au moins, il n'y avait pas de manque d'esprit d'initiative, en particulier quand cela est parvenu à satisfaire les Américains en acceptant, par exemple, d'abaisser le seuil de la proposition Arabe au niveau de la Feuille de Route.
En théorie, au moins, la position arabe -- par opposition à la position des pays qui ont signé des accords de paix avec Israël -- est la suivante.
Ils ne reconnaissent pas encore Israël et la cause palestinienne tourne autour des réfugiés et de la totalité de la Palestine depuis la partition en 1948.
En outre, les résolutions pertinentes de l'ONU que les Arabes ont approuvées sont la base de toute solution juste et selon celles-ci, Israël devrait se retirer sans conditions sur les frontières d'avant juin 1967.
L'initiative de paix Arabe était vraisemblablement conçue comme un moyen d'établir un lien entre la position Arabe et la position israélienne.
Si Israël rejette cette initiative, alors la logique voudrait que les Arabes reviennent à leur position originale, au lieu de transformer l'initiative en nouveau point de départ pour établir un lien entre la nouvelle position Aarabe et l'ancienne position israélienne.
Autrement, aussi longtemps qu'Israël insistera pour snober l'initiative de paix Arabe ou la traiter comme un menu dans lequel il peut choisir ce qu'il aime, puis renvoyer ce qu'il commande et demander à la cuisine de proposer quelque chose de nouveau, les responsables Arabes devront simplement réitérer leur position originale comme la seule autre alternative et insister sur le fait que si Israël n'aime pas ce qui lui est offert, alors il est temps pour lui de proposer une initiative de paix.
Les Arabes ont eu tort de proposer cette initiative dans le climat du post-11 septembre. Ils n'auraient pas pu choisir un pire moment. Mais maintenant qu'elle a été approuvée et signée à l'unanimité, ils doivent attendre qu'Israël l'accepte plutôt que de se précipiter dans d'autres discussions au premier signe de désapprobation
Ou mieux encore, pourquoi ne pas renverser un peu les rôles ? Si Israël a vraiment peur, alors il doit réaliser que la reconnaissance et la paix Arabes sont les meilleures garanties pour sa sûreté et sa sécurité.
Donc laissons Israël proposer une initiative de paix pour que les Arabes y jetent un oeil et disent : "Bravo, mais il faudra quelques petites modifications ici et là et quelques mesures concrètes pour apaiser nos craintes."
De toute façon, il y a beaucoup de choses qu'Israël pourrait faire pour montrer ses bonnes intentions.
Il pourrait, par exemple, stopper la construction des colonies et démanteler les colonies qu'il avait promis d'enlever. Il pourrait cesser sa politique d'assassinats "ciblés".
Il pourrait respecter la décision de la cour de La Haye sur le mur de séparation, il pourrait déclarer son intention de se retirer sur les frontières d'avant juin 1967, et il pourrait annuler des lois concernant l'annexion de Jérusalem et des Hauteurs du Golan.
Telles sont les mesures qui devraient être prises pour rassurer les Arabes qu'Israël veut la paix.
C'est ainsi que des pays – des pays totalement souverains -- dirigent leurs affaires étrangères, indépendamment des divisions internes telles que "les modérés" et "les extrémistes".
S'ils négocient, ils le font en tant que partenaires qui négocient, en puisant dans leurs forces respectives afin d'adhérer autant que possible à leurs positions originales.
La même logique s'applique aux négociations entre une puissance occupante et un peuple sous occupation.
À moins que la puissance occupante reconnaisse le droit à l'autodétermination du peuple occupé et qu'elle déclare son intention de se retirer, ce que vous avez, ce ne sont pas des négociations mais une forme différente d'intimidation, et appeler les gens assis autour de la table de négociation "les deux parties" ne change pas ce fait.
C'est pourquoi les mouvements de libération sont résolus à soutenir la résistance et à ne pas négocier avec la puissance occupante et d'une façon ou d'une autre, ils réussissent à concilier les demandes de la résistance avec les demandes de la vie quotidienne jusqu'à ce que la puissance occupante déclare qu'elle est prête à lever l'occupation. C'est seulement alors qu'il y a réellement quelque chose à négocier.
En Palestine, le mouvement de libération a changé de voie et a commencé à rêver que la puissance occupante le reconnaitrait.
Une fois que ce rêve a été réalisé, l'Organisation de Libération de la Palestine est devenue l'une des "deux parties", puis s'est fragmentée et a été réduite à une entité politique hypothétique qui se composait des restes du mouvement de libération et qui ne jouissait d'aucune des prérogatives de souveraineté.
Cependant, par la suite, les gens vivant sous occupation ont eu l'occasion d'avoir des élections législatives et ils ont renversé un parlement ce qui a donné naissance à un gouvernement qui a rejeté le jeu d'après-Oslo
Ce gouvernement était disposé à gouverner pour ce dont il avait été véritablement élu : il se positionnait comme un mouvement de libération déterminé à combattre l'occupation.
Cependant, en même temps, ce gouvernement s'est opposé à des négociations avec Israël, mais afin de rester au pouvoir, il a délégué des membres de ses adversaires politiques -- les mêmes personnes qui ont désintégré le mouvement de libération et dirigé une entité politique hypothétique -- pour négocier, sans concevoir pourtant un mécanisme afin de garder les négociateurs en conformité avec leur position.
En d'autres termes, le gouvernement n'a peut-être pas eu à négocier, mais il n'a pas transformé son rejet des négociations en une position obligatoire et il n'a eu aucun moyen de s'assurer que les négociations ne compromettraient pas les priorités fixées par le mouvement national.
Peut-être, un jour, il comprendra que, pour Israël et les Etats-Unis, un gouvernement palestinien ne se compose que d'un président de l'Autorité Palestinienne et ses conseillers qui acceptent de négocier aux conditions d'Israël.
Mais il vaudrait mieux laisser ce sujet pour un autre jour.
Source : http://weekly.ahram.org.eg/
Traduction : MG pour ISM
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