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Gaza - 7 janvier 2004
Par Mélissa
Mélissa est une jeune canadienne de 23 ans qui vit à Rafah et travaille avec Project Hope et l'ISM
Khaled a 19 ans. Khaled est en première année à l¹université Al-Azhar de Gaza.
Tous les jours je lui demande : "Qu’est-ce que tu vas faire demain ?'
Sa réponse est toujours la même : "La même chose que tous les jours, rien".
Il n’y a rien à faire à Rafah.
Avec un taux de chômage d’environ 80% à Rafah et 70% à Gaza ça ne donne pas envie de continuer les études. Des milliers de diplômés n'ont rien à faire au quotidien.
Enfants jouant dans les rues de Rafah
Khaled a 19 ans mais il a l’air bien plus âgé.
Il est très grand et très mince mais son visage exprime l'expérience et la sagesse. En dépit de son allure calme, il se montre sûr de lui-même et indépendant, choses qu ‘il a apprises en grandissant dans des conditions difficiles.
Khaled se débrouille bien avec les gens ; il peut être doux et gentil avec les enfants et en même temps féroce contre ceux qui essaient de le soumettre.
Il obtient généralement ce qu’il veut et les gens de la ville, de tous les milieux, le respectent parce qu’il respecte tout le monde et sait parler à tous.
J’ai rencontré peu de monde qui comprenne mieux la vie que Kahled.
Il sait et il comprend qu'il y a du bon et du mauvais dans la vie et il comprend tout à fait comment fonctionne le monde.
Khaled est en première année à l¹université Al-Azhar de Gaza.
Tous les jours je lui demande : "Qu’est-ce que tu vas faire demain ?'
Sa réponse est toujours la même : "La même chose que tous les jours, rien".
Il n’y a rien à faire à Rafah.
Parfois il vient à la maison en rentrant de ses cours, s’assied, la frustration cachée au fond de ses yeux noisettes, plus calme que d’habitude, fixant les murs pendant des heures, ne s’animant que pour allumer une nouvelle cigarette.
Il ne fume que quand il est bouleversé, me dit-il. : "Je me sens perdu" dit-il souvent
"Je ne me vois pas continuer mes études ici pendant encore trois ans et demi ". Il pensait pouvoir se retrouver dans les étudiants du monde entier, frustré de ses études et de ses examens, mais en fait ils ne sont pas pareils.
Avec un taux de chômage d’environ 80% à Rafah et 70% à Gaza ça ne donne pas envie de continuer les études. Des milliers de diplômés n'ont rien à faire au quotidien.
Khaled a deux frères plus âgés qui ont choisi d’autres voies dans la vie.
L’un a fait des études commerciales et des années après son diplôme il n’a toujours pas de travail.
Quand je demande à Khaled ce que Mohammed fait tous les jours, il me dit qu’il dort tard, s’assied et quand la nuit arrive, il va voir ses amis. La même routine chaque jour.
Ahmed, l’autre grand frère de Khaled n¹est pas allé à l’université, il est actuellement employé de la BBC à Gaza, grâce à ses connaissances de l’anglais et à une heureuse coïncidence.
Cela laisse Khaled songeur quant à ses études. Je lui demande ce qu’il voudrait faire de ses études.
Réponse : "Je ne sais pas, peut-être devenir traducteur. Je ne sais pas ce qui va arriver dans le futur, comment pourrai-je prévoir quoi que ce soit ? Je n’ai rien dans les mains. Peut-être que demain la situation s’arrangera, mais peut-être sera-t-elle encore pire"».
De toute sa vie, Khaled n’a quitté Gaza que deux fois, et à chaque fois quand il était petit.
Il a passé un mois à Jérusalem où il a vécu avec un oncle mais il en a peu de souvenirs parce qu’il était très jeune.
Une autre fois il a eu la chance de se cacher dans le camion de son père qui partait travailler en Israël t il a voyagé avec lui. Le reste de sa vie s’est passée dans une petite zone de Gaza : "Je veux quitter cet endroit. Je ne peux pas me voir vivre ici, dans cette situation le reste de ma vie".
Je l’ai si souvent entendu dire ça, d’un ton irrité «J’ai gâché une année de ma vie et je ne peux en gâcher encore une à continuer d’attendre comme je l’ai déjà fait ».
Khaled a demandé et obtenu une bourse en Algérie mais au moment de quitter Rafah via la seule frontière ouverte aux Palestiniens, il n’a pas reçu l’autorisation de passer bien qu’ayant tous les documents officiels nécessaires.
La bande de Gaza a été totalement fermée pendant des mois. Il a dû abandonner sa bourse et se trouver un autre projet ici, à Rafah.
Tous ses amis sont partis, me rappelle-t-il régulièrement.
L’un de ses meilleurs amis fait ses études à Chypre et un autre en Egypte.
Son visage exprimer clairement la déception et la frustration d’être dépouillé de ce qui était censé lui appartenir.
Maintenant, il rêve de trouver une anière d'en sortir, comme beaucoup d’autres, mais c’est décourageant.
Source : http://electronicintifada.net/v2/article2331.shtml
Traduction : CS
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Mélissa
7 janvier 2004