Hébron - 5 octobre 2004

Maya : "Une balle en métal recouvert de caoutchouc ne me réduira pas au silence"

Par Ghassan Bannoura

Ensuite, je me suis éloignée en courant de la manifestation et de la ligne des soldats qui protégeaient les trois bulldozers. Je tournais le dos à la manifestation et j'étais peut-être à 50 mètres des soldats quand j'ai été atteinte par une balle en métal recouvert de caoutchouc.
Dans la clinique médicale, les blessés ont été ensuite la cible des soldats : Après la manifestation de Beit Awwa, les soldats sont entrés dans la clinique médicale et ont tiré du gaz lacrymogène. Les soldats s’en sont pris aux blessés !

Le dimanche 3 octobre à 10h30, les villageois de Beit Awwa avaient organisé une manifestation pacifique contre la contruction du Mur d’annexion illegal. La manifestation était menée par les femmes du village suivies des hommes et des pacifistes israéliens et internationaux. Il y avait environ 300 personnes.




Maya, une Danoise a été atteinte par une balle en métal recouvert de caoutchouc et a été transferée à l’hopital d’Hébron où elle a été opérée. Cet interview a eu lieu à l’hopital 2 jours après la manifestation.




Entretien avec Maya


Il s’agissait donc d’une manifestation pacifique de l’ISM organisée en coopération avec Beit Awwa où l'Etat israélien construit le mur. Ils détruisent tous les arbres qui font vivre le village. Personnellement, je filmais la manifestation. Pendant toute la manifestation, j’avais une caméra à la main et je n'étais pas impliquée dans la manifestation, mais je filmais tout ce qui arrivait.



Lors de la manifestation, personne n’a jeté de pierres, il n’y a eu aucune violence de la part des villageois, des internationaux ou des pacifistes israéliens. Il y avait beaucoup de femmes qui essayaient de parler aux soldats, exprimaient leur peine et leur souffrance d’avoir des branches mortes d’oliviers dans leurs mains et expliquaient que c'était leur vie


Je fimais les femmes quand j'ai vu un soldat israélien se mettre à genoux, mettre son arme sur son épaule et viser. J'ai noté qu'il prenait son temps pour viser très précisément et il a tiré. J'ai essayé de suivre la ligne du tir et j’ai vu un homme tomber à terre.
J’ai donc essayé de m’approcher de l'homme et de l'aider. Puis j’ai filmé s’il avait été touché, où et si son état était sérieux.



Ensuite, je me suis éloignée en courant de la manifestation et de la ligne des soldats qui protégeaient les trois bulldozers. Je tournais le dos à la manifestation et j'étais peut-être à 50 mètres des soldats quand j'ai été atteinte par une balle en métal recouvert de caoutchouc.

Quand j'ai été touchée, je n'ai pas réalisé ce qui arrivait.

J’ai mis ma main sur mes jeans et j’ai ensuite retiré ma main . Elle était couverte de sang et mon pantalon était déchiré. La douleur a commencé et j'ai commencé à crier.

Les villageois de Beit Awwa m'ont soulevé et m'ont emmené loin de la scène et nous avons attendu l'ambulance qui m’a transporté à la clinique médicale



En même temps les protestaires ont demandé aux soldats si nous pouvions faire demi-tour et aller au village de Beit Awwa - Les soldats ont promis mais ils ont alors continué à tirer du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc.


Nous leur avons demandé l’autorisation de retourner pacifiquement au village mais ils ont continué à tirer avec du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles réelles.

Un homme a été frappé à la main par des balles réelles au moment où il tentait de repousser l’arme et un autre a été touché à la poitrine par une balle réelle. Je ne sais pas combien ont été touchés.

Ce fut très difficile d’extraire la balle qui avait pénétré à 4 cm dans la chair. Les médecins pensaient qu'ils pourraient l’extraire facilement mais ce fut beaucoup plus difficile qu’ils le pensaient en raison de la profondeur de la pénétration de la balle.
Une balle ne peut pénétrer aussi profondément que cela si le soldat respecte la distance légale de tir.

À l'hôpital ils ont essayé d’opérer avec une simple anesthésie locale mais comme la balle était très profonde, c’était trop douloureux et ils ont dû me faire une anesthésie générale et opérer dans la soirée. Je me sens mieux et je ne souffre plus et je peux à nouveau marcher



Je continuerai mon travail pour dire au monde la souffrance journalière des Palestiniens et la violence quotidienne : Jj'ai vu des enfants touchés par balle à bout portant, des écoliers vêtus de leurs uniformes – juste des détails de ce qui arrive chaque jour.



Les soldats ne peuvent pas me réduire au silence avec une balle en métal recouvert de caoutchouc.


Ma prochaine étape est de poursuivre le gouvernement israélien pour le tir de l'armée israélienne sans respecter la distance légale. Si tout va bien, je serai de retour très bientôt pour soutenir la protestation non-violente en Palestine Occupée – un droit qu'ils ont selon le droit international


D'ailleurs, les témoins qui ont vu le soldat tirer ont dit que le soldat dansait, heureux d’avoir touché précisement la cible qu’il visait.


Dans la clinique médicale, les blessés ont été ensuite la cible des soldats : Après la manifestation de Beit Awwa, les soldats sont entrés dans la clinique médicale et ont tiré du gaz lacrymogène. Les soldats s’en sont pris aux blessés !


La vidéo que j'ai filmée a été diffusée sur la Télévision Nationale Danoise et montre comment nous avons été attaqués en manifestant pacifiquement : on me voit aussi quitter la ligne des soldats, ne constituant pas une quelconque menace, tout comme les Palestiniens - et alors vous les voyez se faire tirer dessus par les soldats.

Source : www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM-France