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Palestine - 4 mai 2008
Par Khaled Amayreh
L'échec évident du président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, lors de sa dernière visite à Washington, a secoué toute la société palestinienne, et de nombreux intellectuels et spécialistes ont conseillé à Abbas de «partir» ou au moins de cesser d'agir constamment aux ordres de l'administration américaine.
Certains critiques ont même appelé au démantèlement de l'Autorité Palestinienne et à l'abandon de la solution à deux États en faveur de la solution d’un seul Etat démocratique pour tous ses citoyens.
Abbas, dans un aveu sincère et audacieux, a déclaré aux journalistes après sa rencontre avec le président Bush à la Maison Blanche la semaine dernière qu'il n'avait pas réussi à obtenir un engagement de l'administration américaine pour faire pression sur Israël afin de mettre un terme à la vague de construction de colonies pour Juifs seulement à Jérusalem-Est et en Cisjordanie .
L'intensive expansion des colonies menée effrontément défie les efforts de paix soutenus par les Etats-Unis, y compris la Feuille de Route du Quartet et la conférence d'Annapolis de l'année dernière.
Pour leur part, les Israéliens nient être revenus sur des engagements ou des promesses. Les dirigeants israéliens affirment qu'ils répondent seulement aux besoins en matière de logement liés à la "croissance naturelle" dans les colonies existantes.
Ils citent également un "accord" figurant dans une lettre adressée par le Président Bush à l'ancien Premier ministre Ariel Sharon selon lequel Israël a reçu un feu vert pour continuer à agrandir les colonies indépendamment des négociations de paix avec les Palestiniens.
L'administration Bush a été réticente à reconnaître ce prétendu "accord". Toutefois, son refus continu à reprocher à Israël sa colonisation des terres palestiniennes souligne l'ampleur de la connivence israélo-américaine contre les intérêts palestiniens et démontre la duplicité des calculs politiques américains en ce qui concerne la question israélo-palestinienne.
Des sources palestiniennes proches des négociations entre l’Autorité Palestinienne et les Israéliens ont indiqué la semaine dernière que les négociateurs israéliens s’étaient confrontés à de nombreuses reprises avec leurs homologues palestiniens au sujet d’une série «d’engagements» écrits et de "lettres" de l'administration Bush assurant Israël qu’au moins les grandes colonies juives, seraient annexées à Israël dans le cadre d'un statut final négocié avec les Palestiniens.
Par conséquent, selon les négociateurs israéliens, il n'y avait pas de justification aux "vives" protestations des Palestiniens à chaque fois qu’Israël décidait de construire d'autres logements pour colons en Cisjordanie .
Selon les témoignages, Abbas a également été particulièrement bouleversé par le refus du président Bush de promettre que tout «Etat» palestinien envisagé serait créé sur 100% des territoires palestiniens occupés par Israël en 1967.
Les implications du refus de Bush sont aussi claires qu'elles sont douloureuses pour les dirigeants palestiniens, à savoir que les Palestiniens devraient cesser de rêver d'un retrait total israélien de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Selon des sources par les proches d’Abbas, le chef de l'Autorité Palestinienne s’est senti «trahi» et «trompé» par l'administration Bush.
"Nous pensions il n'y avait qu'une seule règle du jeu et que c'était la feuille de route", a confié, sous anonymat, un responsable de l’Autorité Palestinienne à Al-Ahram Weekly.
"Mais il s'est avéré que l'administration Bush avait donné à Israël toutes sortes de garanties et d’engagements dans son dos, qui violent et annulent la nature de la feuille de route."
Quand on lui a demandé ce que, d’après lui, l'Autorité palestinienne allait faire ensuite, le responsable frustré a déclaré: "Je vous mentirais si je vous disais que je connais la réponse."
Weekly a demandé le point de vue d’un haut responsable du Fatah, Hatem Abdul-Qader, quant à ce que devrait faire l'Autorité Palestinienne suite au refus des États-Unis à faire pression sur Israël pour mettre un terme à l'expansion des colonies en Cisjordanie .
«Je pense qu'il est temps pour nous tous, y compris pour le Président Abbas, de réaliser qu'il est probablement trop tard pour la création d'un Etat palestinien", a-t-il répondu.
"Toutes les négociations de paix avec Israël semblent avoir été un gigantesque fiasco - un échec total et grand mensonge".
À l'instar de nombreux responsables de l’Autorité Palestinienne et du Fatah, Abdul-Qader estime qu’Abbas est confronté à un véritable dilemme d'avoir à choisir entre calmer les États-Unis en compromettant la cause palestinienne, ou reconstruire l'unité nationale palestinienne avec le Hamas, ce qui bouleverserait Israël et les États-Unis et qui pourrait conduire au rétablissement des sanctions des États-Unis à l’égard de l'Autorité palestinienne.
"Il est clair que les pourparlers avec Israël sont dans une impasse. Il est également clair qu'Israël utilise la querelle entre le Fatah et le Hamas pour nous imposer ses conditions», a déclaré Abdul-Qader.
"Toutes les promesses et annonces que l'administration Bush nous a faites ont disparu», continue Abdul-Qader. "Les États-Unis se sont seulement adonnés à un processus de subterfuge en vue de donner à Israël le temps nécessaire pour construire de nouvelles colonies et de rendre irréaliste et impossible à atteindre la tâche de créer un État palestinien viable."
Interrogé quant au fait de savoir ce qu'il conseillerait à Abbas suite à la diminution des perspectives de parvenir à un accord avant la fin 2008, Abdul-Qader a déclaré qu'il conseillerait au président de l'Autorité Palestinienne de «faire attention à notre situation intérieure et d’arrêter de compter sur les pourparlers infructueux avec Israël. Abbas devrait être assez courageux pour dire aux Américains qu'il ne sacrifiera pas les intérêts nationaux palestiniens primordiaux pour l’amour de l'Amérique et des intérêts israéliens."
Abdul-Qader ajoute que, pour qu’Abbas soit capable de dire «non» aux États-Unis et à Israël, le Hamas "aura à faire le premier pas en acceptant l'initiative yéménite". Le Fatah pourrait faciliter cela en s'abstenant de «rendre impossible les conditions préalables pour la réconciliation nationale".
Plus tôt cette semaine, les responsables du Hamas dans la bande de Gaza ont appelé Abbas à "tirer les bonnes conclusions" de la "rebuffade" qu’il a reçu à Washington.
"Nous demandons au Président Mahmoud Abbas de cesser de chercher l’eau dans le mirage américain. Nous l'invitons à s'engager immédiatement sur des mesures concrètes pour rétablir l'unité nationale. C'est seulement avec l'unité nationale que nous pourrons rétablir nos droits et sauvegarder les intérêts vitaux de notre peuple. "
Abbas n'a pas dit ce qu'il allait faire ensuite en dehors de poursuivre les pourparlers avec Israël.
Hani Al-Masri, un éminent analyste politique à Ramallah, a déclaré à Weekly que le dilemme d’Abbas "provenait essentiellement du fait qu'il n'avait pas un plan-B." Abbas "fait trop confiance aux Américains et depuis trop longtemps. Il aurait dû étudier des alternatives à ce processus inutile."
"Il devrait tendre la main au Hamas et rétablir l'unité nationale palestinienne, quelles que soient les réactions américaines et israéliennes. Il devrait mettre un terme à ce vain processus par lequel Israël est en train de liquider la cause palestinienne», a ajouté Al-Masri.
Al-Masri reconnaît que, si Abbas devait interrompre le soi-disant «processus de paix», les États-Unis et Israël utiliseraient toutes sortes de sanctions, y compris le fait d'affamer la population palestinienne, pour le remettre dans les rangs.
"Mais à long terme, [les Etats-Unis] accepteront le fait accompli. Après tout, si nous restons unis, le monde entier, y compris les Américains, nous respecteront. La balle est dans notre camp, et dans celui de personne d'autre."
Source : http://weekly.ahram.org.eg/
Traduction : MG pour ISM
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