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USA - 13 mai 2009
Par Wajahat Ali
En optant pour Le Caire, en Égypte, comme tribune de son discours à la communauté musulmane mondiale qui est attendu depuis si longtemps, le président Barack Obama compte, comme on pouvait s’y attendre, sur une dictature digne de confiance étouffant un pays qui est au bord de l’inefficacité politique et religieuse.
En effet, l'Egypte moderne ressemble à son attraction touristique omniprésente, le Sphinx, gardien symbolique du temple, un lion couché paré d'une tête humaine.
De la même manière, l'autocratie brutale d’Hosni Mubarak en place depuis près de 30 ans pèse lourdement sur la masse immobilisée d’une population exaspérée, réprimée et fière qui a vu avec lassitude son pays, un ancien phare du nationalisme arabe, se transformer en fidèle chien de garde et larbin des politiques anti-démocratiques et « pro-occidentales ».
Peut-être que la Turquie, où Obama s'est rendu le mois dernier, aurait été un lieu plus idéal et plus dynamique en raison de son mariage réussi entre la démocratie laïque et l'Islam, comme l'a démontré l'élection du parti de l'AKP, un parti politique modéré et pro-occidental avec des penchants islamiques.
Ou Obama aurait pu choisir l'Indonésie, la nation musulmane la plus peuplée au monde où ont eu lieu récemment des élections libres et où les citoyens ont carrément rejeté les partis islamiques d’extrême-droite, très conservateurs en faveur du non-sectarisme et de la modération.
Le discours d’Obama en juin au Caire sera son troisième adressé au monde musulman, à la recherche de partenariat et de concertation avec les Musulmans fatigués par la politique humiliante de "guerre contre le terrorisme" et la rhétorique divisionniste et pernicieuse de l’inlassable belligérant George Bush. Dans sa première grande interview accordée à Al-Arabiya, Obama a proclamé : «Mon travail avec le monde musulman, c’est de lui faire savoir que les Américains ne sont pas votre ennemi."
Pourtant, le choix d’Obama de l'Égypte est une approbation et une acceptation implicite de la dictature de Moubarak, et cela réitère le cliché souvent ressassé dans le monde musulman quoique trop vrai que les États-Unis ne convoitent que des intérêts purement égoïstes au lieu de la démocratisation, de l'autonomie et de l'autodétermination par et pour les peuples arabes et musulmans.
Au cours d'une visite en Egypte la semaine dernière, Robert Gates, le secrétaire américain de la Défense, a affirmé que les Etats-Unis continueraient à accorder 2 milliards de dollars d'aide à l'Egypte, assurant ainsi à l'Égypte, une position perpétuelle de l'un des plus proches alliés et des bénéficiaires de la bienveillance financière des Etats-Unis.
Cette charité est versée chaque année au gouvernement égyptien, malgré sa brutale répression de l'opposition politique, de la liberté de la presse, des dissidents et même des blogueurs critiques, dont le châtiment va du harcèlement et des arrestations à la torture et aux "disparitions mystérieuses". Par exemple, un blogueur chrétien, Hani Nazeer Aziz, s'est rendu après que les services de sécurité du gouvernement aient arrêté deux de ses frères et les aient utilisés comme otages pour le forcer à se livrer.
L'Egypte de Moubarak a également un accord lucratif d’externalisation avec les États-Unis. Au lieu des services de télécommunications et soutien à la technologie, l'Égypte, comme la Syrie, est spécialisée dans la torture, aussi les États-Unis peuvent commodément contourner les lois, le respect des procédures et des droits de l'homme.
Mamdouh Habib, qui avait été pour finir envoyé à Guantánamo Bay, avait été sous-traité par les États-Unis, où il a déclaré avoir été "suspendu par les bras à des crochets, avoir reçu de façon répétée des décharges électriques, avoir été presque noyé et sauvagement tabassé", selon le Washington Post.
En prenant part à ce qui est maintenant un passe-temps pratique et habituel pour les dictateurs des pays musulmans, Moubarak manipule la constitution avec désinvolture comme de la pâte à modeler. Son gouvernement l’a récemment modifiée pour interdire "les partis religieux" d’opposition, comme les Frères Musulmans - un parti politique islamique influent et extrêmement conservateur, qui a remporté 20% des sièges au parlement lors des élections de 2005 - et neutraliser la surveillance impartiale de la future parodie d'élections, s’assurant ainsi que la dynastie de la dictature Moubarak serait transmise à son fils, Gamal.
L'Arabie Saoudite, le Pakistan et la Jordanie pratiquent cet étalage effronté de tentatives musclées destinées à étouffer la démocratie. Tous sont depuis longtemps des alliés des États-Unis avec qui les dirigeants respectifs ont des relations intimes et mutuellement bénéfiques. Malheureusement, les États-Unis semblent de plus engagés à soutenir des despotes dignes de confiance qui obtempèrent au lieu de traiter avec des partis démocrates représentant les désirs et les valeurs de la population.
Si Obama est sincère quand il dit vouloir traiter les Musulmans en tant que partenaires et discuter avec eux dans un respect mutuel, ses belles paroles devraient inspirer une réforme politique légitime.
Premièrement, il devrait profiter de cette occasion pour s’identifier aux préoccupations de la population en dénonçant les crimes odieux et la conduite oppressive et intolérante des despotes à sa solde, comme Moubarak et la famille royale d'Arabie Saoudite - pour n'en nommer que deux.
Deuxièmement, il devrait mettre en œuvre une initiative politique à long terme qui favoriserait l'émergence de partis démocratiques qui représenteraient la voix du peuple dans l’ensemble du Moyen-Orient, en particulier en Egypte, qui a été paralysée par une économie nationale défaillante et des décennies de dictature implacable.
Même si le silence honteux d’Obama sur le massacre israélien dans la bande de Gaza et ses attaques aux drones de plus en plus vaines et causant de nombreuses victimes au Pakistan ont frustré de nombreux Musulmans, ses paroles de réconciliation, de dignité et de respect continuent d'inspirer les Egyptiens et les Musulmans optimistes à l'étranger, dont la seule devise maintenant est l'espoir d’une nouvelle ère de relations différentes et éclairées des Etats-Unis avec le Moyen-Orient, qui ne dépendraient pas des dictatures et du prosternement.
Source : http://www.guardian.co.uk/
Traduction : MG pour ISM
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