Envoyer cet article
USA - 11 juin 2009
Par Hesham Tillawi
Hesham Tillawi, titulaire d’un doctorat PhD ès relations internationales, est Palestino-Américain. Il est écrivain, analyste politique et animateurs de talk shows à la télévision et à la radio. (1)
"Israël doit mettre un terme à la colonisation de la Cisjordanie…" [Le Président Obama, le 28 mai 2009, après sa rencontre avec le Président de l’Autorité (on ne rit pas) palestinienne Mahmoud Abbas].
"Je tiens à ce que vous sachiez qu’aujourd’hui, je parlerai avec mon cœur, et en véritable ami d’Israël. Et je sais que, lorsque je viens rendre visite à l’Aipac, je suis chez des amis. De bons amis. Des amis qui partagent avec moi mon engagement à faire en sorte que les liens entre les Etats-Unis et Israël sont des liens indéfectibles. Ils le sont aujourd’hui, ils l’étaient hier et ils le seront demain, et pour les siècles des siècles." [Le même Obama, le 4 juin 2008, au cours d’une adresse à l’Aipac – American Israel Public Affairs Committee].
Le 4 juin 2009, le Président Obama s’est adressé aux « mondes » arabe et musulman. Tout au moins en surface, le discours d’Obama a représenté un virage dans le discours de l’administration américaine sur le Moyen-Orient depuis soixante ans. De manière prévisible, son speech qui se voulait équitable envers les musulmans a été reçu de diverses manières aussi attendues les unes que les autres. Le commentateur politique Dick Morris l’a présenté comme un signe que l’Amérique « tourne(rait) le dos à Israël », tandis que le Représentant démocrate de l’Etat de New York Gary Ackerman déclarait, à propos de la question des colonies israéliennes : « Je ne pense pas que quiconque veuille dicter à un Allié ce qu’il doit faire, ou non, quant à ses propres intérêts en matière de sécurité nationale ».
Or, pour autant que nous le sachions, nous ne voyons pas le Congrès, contrôlé par l’Aipac comme chacun sait, en train de livrer le genre de guerre à laquelle s’attendraient ceux qui, parmi nous, connaissent les capacités de l’Aipac (qui sont grandes). Très étrange, n’est-il pas ?
Depuis les origines de ce conflit au Moyen-Orient, des Palestiniens, et beaucoup de gens, dans le monde entier, accusent l’Amérique d’avoir été partiale, dès lors qu’il était question du conflit palestino-israélien. Pour la première fois, le discours d’Obama a paru, cependant, indiquer que l’Amérique veut être « équitable et impartiale », « fair and balanced », comme un infâme réseau d’information pro-sioniste aime se qualifier lui-même. Il est évident, en raison de certains propos tenus par Obama, dans ce discours – que beaucoup de gens, en Israël, ont leur slip collectif qui leur rentre dans les fesses. Délaissant le sempiternel : « Allons-y : accusons les ennemis d’Israël de tout ce qui déconne au Moyen-Orient », le nouveau président américain a souligné ce truisme, éprouvé et certifié, voulant qu’il faille être deux pour danser le tango, lorsqu’il a dit :
« … Mais si nous ne voyons ce conflit que d’un côté ou de l’autre, nous resterons aveugles à la vérité : la seule solution, c’est que les aspirations des deux camps soient satisfaites au travers de deux Etats, où les Israéliens et les Palestiniens, chacun de leur côté, vivent en paix et dans la sécurité ».
Au cours de la dernière guerre israélienne (annuelle) contre Gaza, durant laquelle plus de 1 300 Palestiniens (dont plus de la moitié étaient des femmes et des enfants) ont été massacrés, Gaza étant détruite totalement, Obama n’a pas dit un seul mot, ni publiquement ni en privé, critiquant l’Etat juif. Même pas après que le reste du monde eut commencé à le faire. Il a fait même pire que rester muet comme une carpe sur cette question, puisqu’il a envoyé une lettre à Zalmay Khalilzad, l’ambassadeur des Etats-Unis à l’Onu, pour lui dire que « le Conseil de Sécurité doit condamner clairement et de manière non équivoque les tirs de roquettes contre le territoire israélien… S’il n’est pas en mesure de le faire, je vous enjoins de faire en sorte qu’il ne dise rien. » Obama a également ajouté qu’il comprenait pour quelle raison Israël était « obligé » de sceller les passages transfrontaliers avec la bande de Gaza, où l’on a ainsi laissé délibérément plus d’un million et demi de personnes mourir de faim et de manque de soins médicaux.
Rappelons-nous ce tir de barrage qu’a essuyé Obama, en mars 2008, alors qu’il avait fait un lapsus linguae, au cours de sa tournée électorale, dans l’Iowa. Il avait exprimé de la compassion pour les Palestiniens, disant : « Personne ne souffre autant que le peuple palestinien ». Résultat : Obama avait dû passer les neuf derniers mois de sa campagne à prouver son amour et sa fidélité à Israël et au peuple juif. Alors, que s’est-il donc passé ? Pourquoi Obama, aujourd’hui, « tourne-t-il ainsi le dos » à Israël ?
Ceux qui rejettent l’idée qu’il serait en train de le faire devraient prendre conscience du fait qu’au sein de la communauté sioniste, dans le monde entier, les cloches sonnent à toute volée, les sirènes hurlent, les sifflets sifflent et, de manière générale, l’on assiste dans le monde entier à un ouragan de cris et de protestations au sujet de l’« antisémitisme » d’Obama, du fait que c’est un « crypto-musulman », un « haïsseur de juifs », un « ami des Palestiniens » et, bien entendu, un « anti-israélien », sans oublier tous les noms d’oiseaux qui ne sauraient être cités ici, pour des raisons de décence.
Ceux qui connaissent bien le système politique américain savent que quiconque aurait ce genre de casier judiciaire ne saurait rêver d’être élu, ne serait-ce qu’à la présidence d’une association de quartier. Alors, la plus haute fonction au monde : laissez-moi rigoler… Obama a été radiographié et passé au scanner par tous les juifs de la planète. Et pourtant, il est devenu le président des Etats-Unis. Cela vous épate ? Cela vous les coupe ? Ne vous inquiétez pas : cela va passer... Donc, revenons à nos moutons : comment Obama, alors qu’il entame son premier mandat, et non pas son second mandat (logique…), a-t-il pu faire le discours qu’il a tenu au monde musulman, et aussi rapidement ?
Tout le monde ne sait que trop bien, à l’heure actuelle, que le peuple juif, tout au long de l’histoire, a été systématiquement rejeté et chassé virtuellement de tous les pays où certains de ses membres étaient venus vivre. En 1290, ils ont été chassés d’Angleterre. En 1392, ils ont été expulsés de France. En 1492, l’Espagne s’est débarrassée d’eux (l’année même où Cri-Cri Colomb s’est mis à aller chercher un ailleurs, en Inde, pensait-il…) et, en 1497, c’était le tour du Portugal. Et la liste continue, interminable. La dernière occurrence du genre fut durant les années Trente et au début des années Quarante du siècle dernier, durant la dictature nazie. La raison invoquée par Hitler lui-même, c’était le contrôle exercé par les juifs sur la monnaie, les médias et le pouvoir politique, en Allemagne.
Les récents massacres conçus/exécutés par Israël au Liban et à Gaza, associés à l’immense succès d’Internet, ont fini (ça n’était pas trop tôt, après six décades…) par exposer aux yeux de tous ce que les victimes d’Israël ont toujours su au sujet de cet Etat criminel n’ayant aucune considération pour la vie humaine ni pour l’état de droit. Résultat : beaucoup de gens, dans le monde entier, sont en train de reconsidérer leur soutien à la « grandiose » expérience d’autodétermination juive au Moyen-Orient, ainsi que leur soutien aux juifs, de manière générale. La toute dernière preuve en est la défaite de l'AntiDefamation League, à l’Université de Californie Santa Barbara, contre le Professeur William I. Robinson. Ajoutons à cela l’effondrement financier mondial, que beaucoup d’analystes font retomber sur le contrôle qu’exercent les juifs sur la monnaie et le système bancaire + la guerre faite à l’Irak pour les beaux yeux d’Israël (se combinant, là encore, aux facteurs susmentionnés) : tous ces facteurs ont amené beaucoup d’écrivains et de responsables politiques juifs, dans le monde entier (en particulier aux Etats-Unis) à déclencher les sirènes d’alarme (peut-être devrait-on parler des shofars, ces trompettes juives) afin de tenter d’empêcher le cours de l’Histoire de se répéter en se retournant, une fois de plus, contre le sentiment dont ils se bercent de « Destinée manifeste », ne serait-ce que pour un temps.
Autrement dit, les juifs, aux Etats-Unis et dans le monde entier, ont pris conscience de la « menace existentielle » que représente pour la communauté juive mondiale Israël, en raison de ses agissements. De puissants intérêts juifs, à gauche et à droite, savent que ce que « Le Lobby » de Washington est en train de faire doit être stoppé, ne serait-ce que temporairement, jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de resserrer leurs liens et que le monde retombe dans sa profonde torpeur. De plus en plus de gens, aux Etats-Unis, le découvrent, grâce à des spécialistes comme Mearsheimer et Walt, et non pas grâce à la Fox ou à CNN, et les responsables juifs savent parfaitement que ce n’est qu’une question de temps : les masses, aux Etats-Unis, vont finir (d’une manière plus ou moins pertinente) par mieux comprendre les réalités du fonctionnement réel de leurs systèmes politique et économique, et elles vont se retourner contre les intérêts juifs aux Etats-Unis. Les juifs – toujours aussi finauds – sont en train, aujourd’hui, d’essayer de modifier le cours de l’histoire en reconnaissant le fait que le rêve d’un grand Israël s’étendant du Nil à l’Euphrate doit être abandonné (en attendant des jours meilleurs, bien sûr…)
Malheureusement pour le monde, ce n’est pas exactement ce que les dirigeants israéliens ressentent. L’extrême droite gouverne aujourd’hui Israël, et ses partisans sont convaincus qu’ils ont l’obligation de « racheter la terre » afin de se rédimer eux-mêmes, même si cela signifie l’extermination de tous les Palestiniens et la destruction de tous les lieux saints autres que juifs. L’accusation selon laquelle il s’agirait là d’assertions relevant tout simplement de la théorie antisémite du complot ne tient plus la route, car les juifs, tant religieux que non-religieux, sont apparemment en train de « tester leur pouvoir » et ils ont d’ores et déjà vendu la mèche quant à ce qu’ils entendent par l’expression « racheter la terre ». Parfaite illustration : les commentaires d’un certain rabbin Manis Friedman – compagnon de route du ministre des Affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman -, qui répondait, il y a seulement quelques jours, à la question de savoir de quelle manière les juifs devraient traiter leurs voisins arabes, en ces termes :
« La morale occidentale, je n’y crois pas, je veux dire, ce qu’ils rabâchent : ne tuez pas des civils, ni des enfants, ne détruisez pas de lieux sacrés, ne combattez pas pendant les jours fériés, ne bombardez pas les cimetières, ne tirez pas les premiers tant qu’on ne vous a pas tiré dessus : c’est immoral, et tout ça… La seule façon de mener une guerre morale, c’est la manière juive : détruisez leurs lieux saints. Tuez les hommes, les femmes et les enfants (et n’oubliez pas leurs troupeaux). Le premier Premier ministre israélien qui déclare qu’il va suivre les commandements de l’Ancien Testament est celui qui apportera – enfin ! – la paix au Moyen-Orient… »
Inutile de préciser que sortir du placard avec ce genre de déclaration fracassante, à notre époque contemporaine informationnelle, où les sons font le tour du monde en quelques secondes, ne présage rien de bon pour un pays qui s’ingénie à se faire passer pour une « lumière parmi les nations » et pour « la seule démocratie au Moyen-Orient ».
Par conséquent, à l’évidence, il y a des gens, au sein de la communauté juive, que ce genre de déclaration à l’emporte-pièce rend nerveux et qui en sont venus à prendre conscience du fait que l’Etat juif est, de fait, devenu un danger pour la survie des juifs dans le monde entier.
En résumé, le véritable combat auquel nous commençons à assister actuellement est moins un combat autour de principes qu’une querelle autour des tactiques et du calendrier les plus adéquats.
D’aucuns, dans la communauté juive, pensent qu’Israël est en train de mettre l’ensemble du peuple juif en danger, de par sa politique à l’encontre des Palestiniens, et qu’il faut absolument faire retourner ce Golem à son tas d’argile. En dépit des déclarations racistes, extrémistes et violentes qui lui sont adressées par les Israéliens et les juifs du monde entier, le fait n’en est pas moins qu’Obama est une sorte d’ « estafette de Dieu », envoyée auprès du peuple juif, une sorte de Messie des temps modernes. C’est un peu la « Seconde venue de Moïse », si vous préférez. Les juifs doivent sortir de cette piste de destruction, qui ne pourrait que les conduire qu’à la même triste fin qu’ils ont connue au fil des siècles passés : l’isolement et l’expulsion. Ils doivent s’extraire, se libérer des griffes de leurs dirigeants constamment cinglés, dont l’unique objectif réel – mis à part celui de faire la guerre à tous les non-juifs – est d’inventer de nouvelles manières d’attirer la persécution et l’oppression sur eux-mêmes. Obama doit les guider, à travers cette « Mer Rouge », et les en sortir.
En réglant la question israélo-palestinienne, dans le cadre de la solution à deux Etats, Israël serait en partie dompté et deviendrait une bête fauve que l’on pourrait dresser. Autrement dit, ce qu’Obama est en train de faire va pile poil dans l’intérêt d’Israël, en particulier, et du peuple juif, de manière générale. Ne vous y trompez pas : Obama ne va certainement pas aller « courageusement et avec abnégation » à l’encontre de la communauté juive américaine, qui dispose d’un arsenal d’armes de destruction massive qui inclut, entre autres, l’Aipac, l’AntiDefamation League, la JDL et le Jinsa. Ces organisations savent que ce n’est qu’une question de temps, que l’histoire de l’Holocauste, qui a servi de tremplin essentiel à la création d’Israël, est exposée aux regards scrutateurs de tous, et que cela contribue aussi à faire perdre à cet Etat sa légitimité aux yeux du monde entier. C’est là un embarras extrême pour tous les juifs et tous les gouvernements « occidentaux » dans le monde.
Vous comprenez, maintenant, pourquoi Israël et la communauté juive sont prêts à se battre bec et ongles pour défendre le caractère sacro-saint de leur narration de l’Holocauste, dans une guerre dont ils savent pertinemment qu’elle ne saurait se conclure à leur avantage.
Vous n’auriez jamais imaginé que le système bancaire de l’Amérique aurait pu s’effondrer du jour au lendemain, n’est-ce pas ? C’est pourtant ce qu’il a fait. Nous risquons d’avoir à attendre quelques décennies avant de savoir le fin du fin.
Bien entendu, n’oubliez pas non plus que les mondes arabe et musulman sont les deux seules planches de salut dont dispose aujourd’hui l’Amérique pour sauver son économie. Les Chinois, les Japonais, les Européens et les Russes ne veulent plus acheter de Bons du Trésor américains – c’est la raison pour laquelle l’Amérique fait marcher sa planche à billets -, parce qu’ils ne pensent pas qu’ils reverraient, s’ils en achetaient, la couleur de leur investissement.
Dans la réalité glaciale du monde des affaires, les seuls peuples susceptibles de subir le chantage des Américains sont les peuples du monde arabe. Par conséquent, faire du gringue aux Arabes aura pour effet non seulement de mettre la pression sur Israël, mais cela apportera des bénéfices économiques à des Etats-Unis économiquement condamnés. La seule chose que l’on déplorera, c’est le fait que l’aide des pays arabes affluera vers les Etats-Unis bien plus rapidement que ce qu’Israël serait susceptible de lâcher, sous la pression.
(1) Son émission Current Issues with Hesham Tillawi [Revue d’actualité avec Hesham Tillawi] est diffusée en direct tous les mercredis soirs, à 20 H Central Standard Time, sur le Canal 15 du Cox Cable system en Louisiane, sur Bridges TV à l’échelle nationale (ensemble des Etats-Unis) et dans le monde entier via Amazonas Satellite. Vous pouvez suivre ces émissions en « live » sur Internet au lien URL ci-après : http://www.currentissues.tv
Vous pouvez contacter l’auteur à l’adresse mél : tillawi@currentissues.tv
Source : Heshamtillawi.wordpress
Traduction : Marcel Charbonnier
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaUSA
Sionisme
Hesham Tillawi
11 juin 2009