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Palestine -

La guerre de 1967 revisitée

Par

« Il y a un fossé énorme entre nous [Juifs] et nos ennemis – pas seulement en capacité mais en moralité, culture, caractère sacré de la vie et conscience. Ils sont nos voisins ici, mais il semble qu’à une distance de quelques centaines de mètres, c’est un peuple qui n’appartient pas à notre continent, à notre monde, mais appartient vraiment à une autre galaxie. »
Président israélien Moshe Katsav (The Jerusalem Post, 10 mai 2001)

La guerre de 1967 revisitée


25 juin 1967 : des réfugiés palestiniens fuient la Cisjordanie occupée par l'armée sioniste pour la Jordanie, en traversant les décombres du Pont Allenby. (©2003 Credit:Topham / AP)

Grandir sous l'occupation

Lorsqu’Israël a occupé la Cisjordanie en 1967, j’avais 10 ans. Ce qui veut dire que j’ai vécu les 42 dernières années sous « l’ère israélienne », ou, pour le dire plus crument, sous l’occupation militaire abominable et brutale de mon pays par Israël.

Quatre ans avant ma naissance, un drame terrible a frappé ma famille. L’armée israélienne a assassiné trois de mes quatre oncles paternels, Hussein, 28 ans, Mahmoud, 25 ans et Yousuf, 23 ans. Tous les trois étaient de simples bergers, pauvres, ils faisaient paître leurs troupeaux près du village d’Al-Burj, le long de la soi-disant ligne d’armistice, à 27km au sud-ouest de la ville cisjordanienne d’Hébron. Avec mes trois oncles, plusieurs cousins, dont une femme, ont aussi été tués.

En fait, les Israéliens n’ont pas seulement pratiquement anéanti ma famille, mais ils ont aussi volé notre troupeau de chèvres et de moutons, qui représentait la presque totalité de nos moyens d’existence. Cette calamité nous a condamnés à une vie de misère et de pauvreté pendant de nombreuses années. La Croix Rouge et le Croissant Rouge n’avaient pas installé de services dans notre région à l’époque, nous avons donc dû supporter notre sort seuls. Je me souviens que mon père m’a dit que le gouvernement jordanien nous a donné deux chèvres, en compensation de la tragédie. Ma famille a vu ce geste comme une sorte d’insulte ajoutée à la blessure.

Ma famille a donc dû vivre dans une grotte pendant 22 ans. La misère, la souffrance, la pauvreté abjecte et la dureté des conditions de vie furent le quotidien de notre vie. Le gouvernement israélien ne nous a toujours pas présenté d’excuses pour le crime, ni ne nous a indemnisés pour notre bien volé.

Je ne sais pas quand les sionistes juifs diront mea culpa à leurs victimes palestiniennes et autres. Peut-être quand les porcs kasher voleront !! Bon, je réalise qu’il est prématuré et probablement naïf d’évoquer même une telle question. Après tout, Israël continue d’assassiner des enfants palestiniens tous les jours.

Bien sûr, notre tragédie ne s’est pas arrêtée au meurtre de trois hommes et de quelques autres cousins, et au vol de quelques centaines de brebis par le gouvernement israélien.

Bien des choses nous avaient été volées six ans plus tôt, en 1948, dont notre terre à Al-Za’ak, dans ce qui est maintenant Israël. Nous n’avons même pas été autorisés à prendre nos affaires. Quiconque essayait recevait un coup de fusil. Je connais des gens qui se sont aventurés à aller dans leurs anciennes maisons, juste de l’autre côté de la ligne d’armistice d’alors, à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Ils ont été sommairement exécutés par les gardes frontières israéliens, et nous n’avons jamais plus entendu parler d’eux.

La politique de « pas de prisonnier » était cohérente avec la stratégie israélienne de « nettoyage ethnique des habitants palestiniens indigènes » qui constituaient la grande majorité de la population. Pour rendre cette politique criminelle encore plus efficace, des gangs israéliens divers, qui ont formé plus tard les soi-disant Forces de Défense Israéliennes (IDF), ont commis de nombreux massacres contre les Palestiniens, Deir Yassin, Dawaymeh, Tantura, Lud, Qastal et bien d’autres. Les atrocités, perpétrées volontairement, délibérément et en toute connaissance par la direction juive, visaient à pousser les Palestiniens à partir par la terreur. Le message était aussi clair qu’horrible. « Si vous voulez rester en vie, vous devez partir. »

La propagande israélienne a raconté plus tard au monde que les “réfugiés arabes” avaient quitté leurs maisons volontairement, et que les Juifs ne les avaient pas obligés à fuir. Eh bien, ceci n’est rien d’autre qu’un viol de la vérité, qui montre la laideur brutale de la mentalité sioniste.

Les sionistes continuent de proférer sans honte d’énormes mensonges pour tromper et induire l’opinion publique mondiale en erreur. Je suis convaincu que les sionistes juifs sont le peuple menteur de Dieu, en plus d’être les nazis de notre époque. Ils mentent comme ils respirent ; ils assassinent des femmes, des enfants et des hommes innocents, puis ils concoctent des mensonges pour justifier ou minimiser l’horreur de leurs crimes.

Heureusement, quelques sionistes ont commencé récemment à reconnaître l’ignominie de leurs actes, mais sans en ressentir de véritable honte, ni bien sûr, sans donner la plus petite indication qu’ils seraient prêts à renverser ou défaire, autant que possible, les injustices historiques qu’ils ont infligées au peuple palestinien.

L’ancien ministre des affaires étrangères israélien Shlomo Ben-Ami a écrit, dans un livre publié en 2006, que « la réalité sur le terrain était celle d’une communauté arabe dans un état de terreur, confrontée à une armée israélienne impitoyable dont la route vers la victoire n’était pas pavée par ses seuls exploits contre les armées régulières arabes, mais aussi par l’intimidation, les atrocités et les massacres qu’elle a perpétrés contre la communauté civile arabe. Une communauté arabe prise de panique a été déracinée sous l’impact de massacres qui devraient être gravés dans le monument arabe de la douleur et de la haine. » (1)

L’ère jordanienne

Sous le gouvernement jordanien, la préoccupation la plus importante des autorités jordaniennes fut la loyauté au Roi et à sa famille. Le Roi était pratiquement « Dieu sur terre » et le pays entier, dont les médias, les forces de sécurité et le peuple, pivotait autour de sa personne. C’est pourquoi l’affirmation répétée que la Jordanie était un roi avec un pays plutôt qu’un pays avec un roi avait un fond substantiel de vérité.

Des liens avec le Roi, avec son Mukhabarat (services du renseignement) et sa coterie immédiate vous mettaient automatiquement en position préférentielle. Crier « Ya'ish Jalalat al Malik » (Longue vie au Roi) vous donnait automatiquement un certificat de bonne conduite. C’était sans le moindre doute un régime despotique basé sur la flagornerie, le favoritisme, le népotisme et le copinage.

Le régime jordanien n’a jamais réellement fait d’efforts pour repousser les incursions et les raids israéliens récurrents contre les centres de population palestinienne en Cisjordanie , et encore moins pour libérer la Palestine occupée. Evidemment, le commandant en chef de l’armée jordanienne à la fin des années 1940, lorsqu’Israël a été créé, et jusqu’au 1er mars 1956, était un officier britannique du nom de John Baggot Glubb, qui était connu parmi les Palestiniens et les bédouins jordaniens de l’est sous le titre honorifique de Glubb Pasha. Qui pouvait sincèrement s’attendre à ce qu’un officier britannique combatte les Juifs au nom des Arabes ?

La priorité la plus pressante du régime jordanien vis-à-vis des Palestiniens fut de s’assurer qu’eux et d’autres Jordaniens ne représentent aucune menace à la survie, à la sécurité et à la stabilité de la monarchie hachémite. Un Palestinien prenait six mois de prison ferme si on le trouvait en possession d’une balle.

Et, comme les Israéliens l’ont fait plus tard, les Jordaniens ont enrôlé le « Makhatir » (clan des notables) pour qu’il fournisse des informations sur le moindre signe d’opposition ou de désaccord avec la loi hachémite dans leurs clans et secteurs respectifs, ce qui a généré une atmosphère de police d’Etat dans tout le pays.

Les Palestiniens libres penseurs qui tenaient à exprimer leur conscience étaient persécutés et incarcérés dans la prison El-Jafr de sinistre mémoire, à l’est de la Jordanie, où ils étaient souvent sauvagement torturés, quelquefois à mort. Je connais des gens de ma ville qui sont morts sous la torture pour leur affiliation au parti communiste.

La torture est toujours pratiquée en Jordanie, en toute connaissance, bénédiction et encouragement des Etats Unis et de la Grande Bretagne. Certains des soi-disant « suspectés de terrorisme » arrêtés par la CIA ont été secrètement envoyés en Jordanie pour être « assouplis » par les interrogateurs jordaniens (pratique illégale que les USA nomment « extraordinary rendition », littéralement « reddition extraordinaire », ndt).

Au milieu des années 1950, les forces jordaniennes de sécurité ont en maintes occasions tué des manifestants qui protestaient contre les politiques pro-occidentales du gouvernement et l’échec et l’incapacité du régime à stopper les attaques israéliennes récurrentes. Certains de ces manifestants étaient affiliés au parti Baath et aux communistes, qui appelaient ouvertement au renversement de la monarchie.

Pour contrebalancer la gauche, très active en Cisjordanie en particulier, le Roi Hussein a autorisé les Frères Musulmans à opérer relativement librement. C’était une sorte de politique du diviser pour régner. La gauche accusait les Frères d’être des agents britanniques, et les Frères rétorquaient en mettant l’accent sur l’athéisme des communistes et des baathistes.

Les relations d’Hussein avec les Frères restèrent relativement stables jusqu’à la fin de sa vie, lorsqu’il a introduit la loi un homme-un vote, qui visait d’abord à réduire au minimum le nombre de sièges parlementaires que les Islamistes bien organisés pouvaient remporter. Nonobstant, les Frères Musulmans, ou Front d’Action Islamique, restent le plus grand parti d’opposition de Jordanie, en dépit du harcèlement répété du gouvernement.

Les Frères Musulmans n’étaient pas des agents britanniques, ni les agents d’aucune puissance. Ils voulaient créer un Etat islamique en accord avec la Sharia, ou Loi Islamique. En d’autres termes, leur stratégie et leurs objectifs étaient diamétralement incompatibles avec ceux des communistes et des baathistes. De là leur hostilité mutuelle.

Cependant, pour être honnête, il faut dire que le régime jordanien, en particulier sur la manière dont il traitait ces citoyens, n’était pas aussi mauvais que les autres régimes arabes. Dans les questions non politiques et non sécuritaires, le droit était généralement observé et appliqué. En général, la dignité d’un individu était respectée tant qu’il ou elle ne critiquait pas le régime ni ne menaçait « la sécurité du royaume ».

De plus, le Roi Hussein était vraiment un dirigeant astucieux. Loin de se comporter de façon vengeresse envers ses opposants politiques, même envers ceux qui avaient tenté de l’assassiner ou de renverser son régime, le Roi leur a presque toujours pardonné, faisant montre à leur égard d’une magnanimité et d’une bienveillance sans égales dans l’histoire arabe moderne.

En dépit de son autoritarisme et de son despotisme, le régime jordanien ne nous a jamais persécutés d’une manière même vaguement comparable à ce que les Israéliens semblables aux nazis l’ont fait depuis 1967. Les Jordaniens n’ont jamais démoli nos maisons ni détruit au bulldozer nos fermes, ni arrêté notre peuple pendant des années sans charges ni procès, comme le fait Israël. Oui, des « malfaiteurs » ont été arrêtés, jugés et souvent torturés, mais leurs familles n’ont pas été arrêtées, leurs maisons, leurs fermes, leurs vergers et leurs oliveraies n’ont pas été saccagés par les bulldozers, ce que font les Israéliens quotidiennement. La Jordanie nous a vraiment garanti une pleine citoyenneté jusqu’à ce que feu le Roi Hussein ne coupe tous les liens juridiques et administratifs avec la Cisjordanie en 1988.

Une exception notable est à rappeler, en 1970, pendant les événements nommés Septembre Noir, lorsque l’armée jordanienne a combattu la guérilla de l’OLP, dont le Roi affirmait qu’elle planifiait de s’emparer de la Jordanie et de mettre fin à la monarchie. Des atrocités ont été commises pendant ces confrontations et de nombreux Palestiniens et Jordaniens furent tués. Néanmoins, les « événements de Septembre » doivent être considérés comme une sorte d’anomalie dans les relations du Roi avec les Palestiniens.

De façon générale, on peut affirmer qu’il n’y a aucune comparaison entre le régime d’occupation israélienne néo-nazie et l’ère jordanienne. Les Jordaniens n’étaient pas vraiment des occupants, et ils ne sont jamais comportés comme tels. De beaucoup de manières, le Roi était notre roi, et le Royaume était notre royaume. Oui, le régime était autoritaire et généralement répressif, mais, en toute honnêteté, il ne peut être comparé aux Israéliens, dont la barbarie et la sauvagerie transcende la réalité.

Néanmoins, la Jordanie était (et reste) un royaume faible, d’un point de vue économique, politique et surtout militaire. L’armée israélienne a mené régulièrement des incursions transfrontalières en Cisjordanie avant 1967, assassinant des villageois palestiniens innocents, et l’armée jordanienne était trop faible et trop sous-équipée pour repousser les attaques israéliennes.

Le Roi Hussein doit avoir supputé que le maintien d’un modus vivendi pacifique et même amical avec Israël était la meilleure assurance pour garder son royaume et le pouvoir de la dynastie hachémite. Je pense qu’il avait tort. Sa non-hostilité envers Israël n’a pas empêché l’Etat juif de poursuivre sa politique agressive, qui a culminé avec l’occupation de la Cisjordanie en 1967.

Le Roi Hussein a eu beaucoup de contacts avec Israël, même avant 1967. Par exemple, le 24 septembre 1963, le directeur général du bureau du Premier ministre israélien, Yaacov Herzog, a rencontré le Roi à la clinique londonienne du médecin juif du Roi, le docteur Emmanuel Herbert. (2)

Une autre rencontre a eu lieu à Paris en 1965 et Israël était représenté par Golda Meir, accompagnée par Herzog. (3)

On pense aussi qu’Hussein a eu beaucoup de contacts avec l’Etat israélien par l’intermédiaire des organisations estudiantines de l’Université de Boston.

L’occupation

Même avant 1967, l’armée israélienne a mené des incursions de routine à l’intérieur de la Cisjordanie , détruisant les maisons des pauvres gens et tuant des civils innocents, de façon très similaire à ce qu’a fait Israël dans la Bande de Gaza, en Cisjordanie et au Liban récemment. Je me souviens toujours très précisément comment l’armée israélienne, avec chars et avions de chasse, a attaqué la petite ville voisine de Sammou’, à 25 km au sud-ouest de Dura, en novembre 1966, détruisant la ville presque complètement, et tuant de nombreux civils. Vous voyez la condescendance de la mentalité sioniste. La paix et la coexistence véritables avec les peuples du Moyen Orient ne les intéressent pas, cherchent qu’à asservir et à tyranniser les gens par la force brutale. C’était le cas il y a 40 ou même 60 ans, et toujours le cas aujourd’hui.

En juin 1967, j’avais 10 ans. Je me souviens qu’on nous a demandé de brandir un drapeau blanc lorsque l’armée israélienne a encerclé notre petit village, Khorsa, à 15km au sud-ouest d’Hébron. On nous a dit que si nous ne le faisions pas, nous serions tués. Les soldats jordaniens se sont honteusement enfuis vers l’est ; quelques-uns avaient mis les habits traditionnels des Palestiniennes pour se déguiser, pendant que le Roi Hussein nous exhortait, par Radio Amman, à combattre les Israéliens « avec nos ongles, avec nos dents. » D’accord, mais comment repousser la puissante armée israélienne avec nos dents et nos ongles ?

Franchement, les armées arabes ne se sont pas réellement battues contre les Israéliens. Elles reflétaient la décadence et la banqueroute totales politiques, morales et idéologiques de la plupart des régimes arabes contemporains. Il est évident que le maintien et la survie de leurs régimes était la priorité et la stratégie primordiale des élites et des juntes au pouvoir à l’époque. Combattre les Israéliens et libérer la Palestine n’étaient pas la priorité de ces régimes arabes, en dépit de toute leur rhétorique.

Il peut être intéressant de noter que cet état des choses est resté inchangé même aujourd’hui, 40 ans après la plus grande défaite arabe des temps modernes.

Pendant de nombreuses années, Israël et ses alliés ont affirmé que c’était Israël qui avait été attaqué par les Arabes en 1967, et que tout ce qu’Israël avait fait, c’était de riposter pour sa survie même, qui était en jeu.

Ceci est bien sûr un énorme mensonge, comme les dirigeants israéliens eux-mêmes ont fini par l’admettre plusieurs années après.

L’ancien Président israélien Ezer Weizmann (qui fut aussi commandant de l’armée de l’air israélienne) a reconnu, dans un entretien avec le quotidien israélien Ha’aretz en 1972, que « il n’y avait aucune menace de destruction (…) mais que l’attaque contre l’Egypte, la Jordanie et la Syrie était néanmoins justifiée de manière à ce qu’Israël existe selon l’échelle, l’esprit et la qualité qu’elle incarne maintenant. » (4)

De même, l’ancien premier ministre israélien Menachem Begin, faucon notoire, a été cité dans l’ouvrage de Noam Chomsky "The Fateful Triangle" comme disant que « en 1967, nous avons à nouveau eu le choix. Les concentrations de l’armée égyptienne dans le désert du Sinaï ne prouvaient pas que Nasser fût réellement sur le point de nous attaquer. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. C’est nous qui avons décidé de l’attaquer. » (5)

Yitzhak Rabin, un autre ancien premier ministre israélien, a dit, sur la soi-disant menace égyptienne contre Israël :

« Je ne pense pas que Nasser voulait la guerre. Les deux divisions qu’il avait envoyées dans le Sinaï n’auraient pas été suffisantes pour lancer une guerre offensive. Il le savait, et nous le savions. » (6)

Ce qui ne veut pour autant pas dire que les Arabes, en particulier les régimes égyptien et syrien, ne s’étaient pas lancés dans de nombreuses tentatives d’intimidation menaçants de détruire Israël. Cependant, la direction israélienne de l’époque et l’administration Johnston, ainsi que les renseignements britannique et soviétique, savaient parfaitement que Nasser se livrait seulement à une rhétorique belliqueuse, et rien de plus.

Mais Israël a néanmoins décidé d’attaquer, son but central étant l’expansion territoriale.

Il va sans dire que l’expansion territoriale a toujours été l’objectif au cœur de la stratégie israélienne.

Chomsky cite, par exemple, le premier Premier ministre israélien David Ben-Gourion : « L’acceptation de la partition [par Israël] ne nous engage pas à renoncer à la Transjordanie ; on ne demande à personne n’abandonner sa vision. Nous accepterons un Etat dans les frontières fixées aujourd’hui. Mais les limites des aspirations sionistes sont le problème du peuple juif et aucun facteur extérieur ne pourra les limiter. » (7)

Une défaite gigantesque

La défaite historique des armées arabes en 1967 (historique parce qu’Israël a occupé le reste de la Palestine, dont al-Masjidul Aqsa, un des lieux les plus saints de l’Islam) ne traduisait pas nécessairement une quelconque infériorité arabe vis-à-vis d’Israël ; elle reflétait plutôt la banqueroute des régimes.

En 1973, pendant la guerre d’octobre, ou guerre de Ramadan, les armées égyptienne et syrienne auraient pu remporter une victoire décisive sur Israël, sans l’intervention massive du gardien et allié d’Israël, les Etats Unis. Il est vraisemblable que les armées arabes auraient pu, dans des circonstances favorables, défaire l’armée israélienne, comme l’a démontré le Hezbollah dans sa guerre avec Israël pendant l’été 2006.

Au début de l’occupation en 1967, les Israéliens ont lancé ce qu’on peut appeler une campagne de relations publiques, en se servant d’immigrants juifs arabophones du monde arabe et des officiers druzes. Quelques naïfs dans notre communauté, que la maladresse du régime jordanien avait désillusionnés, ont commencé à faire des remarques positives sur les nouveaux occupants. La raison en est l’hypothèse souvent entendue qu’un peuple a tendance à faire d’abord des déclarations positives sur tout conquérant.

Certains parlaient favorablement et avec optimisme de l’ère israélienne naissante. On pouvait entendre des remarques superficielles comme celles-ci : « Oh, ils sont meilleurs que les Jordaniens, ils sont civilisés et instruits ! » et « Les Juifs sont des gens bien élevés, ils traitent les gens avec dignité et respect » et « Sous le gouvernement israélien, on est tous égaux ». Ces gens ne savaient pas de quoi ils parlaient.

Mais de tels sentiments, qui n’étaient d’ailleurs pas très répandus, n’ont pas duré longtemps, au fur et à mesure que l’armée d’occupation a commencé à révéler son vrai visage affreux en adoptant des mesures draconiennes contre nous. Eh bien, l’occupation et la décence semblaient alors, comme aujourd’hui, un oxymore éternel. Ça n’existe pas, une occupation civilisée, éclairée ou bienveillante. Une occupation étrangère est un viol, elle est par nature criminelle et mauvaise, sinon ce serait autre chose.

En fait, l’occupation israélienne est probablement la pire occupation jamais vue dans l’histoire de l’humanité, non seulement pour sa brutalité, mais pour sa durée. Et j’irais même jusqu’à soutenir que, en maints aspects, l’occupation israélienne est probablement pire que l’occupation nazie en Europe. Les Nazis voulaient conquérir, pacifier et stabiliser plutôt que nettoyer ethniquement et déraciner les Européens non allemands, comme le fait Israël avec les Palestiniens.

Assez vite, les Israéliens ont commencé à confisquer la terre et à construire des colonies, en usant de toutes sortes de tactiques sordides, dont la subornation, les accords vagues, les mensonges, les coups tordus, la falsification de documents et la coercition pure et simple. Ils ont eu également recours à une politique impitoyable de punitions collectives comme la démolition des maisons, en représailles aux attaques de guérilla ou à l’appartenance à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), en particulier à l’organisation Fatah, créée et dirigée par feu le leader palestinien Yasser Arafat. Dans notre culture palestinienne, lorsque vous voulez exprimer à quelqu’un votre extrême mauvaise volonté à son égard, vous lui dites : « Yikhrib Beitak » – « Que ta maison soit détruite ».

Les Israéliens ont cherché à profiter de ce point faible de notre psychologie sociale. C’est ainsi qu’ils ont détruit des milliers et des milliers de maisons. Les démolitions, un crime de guerre clair et net selon le droit international, n’ont jamais cessé. Aujourd’hui, ils le font la plupart du temps à l’aide de bulldozers et par des bombardements de précision aériens. Selon Jeff Halper, fondateur et directeur du Comité Israélien non gouvernemental contre les Démolitions de Maisons (ICHAD), anthropologue et expert sur l'occupation, Israël a détruit 21.000 maisons palestiniennes depuis 1967 – voir ci-dessous note 11).

En fait, les démolitions gratuites de maisons et villages palestiniens ont commencé immédiatement après la guerre. Immédiatement après la fin des hostilités, l’armée israélienne a complètement détruit plus de 170 maisons dans les quartiers Maghariba et Sharaf, dans le voisinage de la Mosquée al-Aqsa. Début 1967, les bulldozers de l’armée israélienne ont anéanti les villages palestiniens de Beit Nuba, ‘Imwas (Emmaus) et Yalu, sous les ordres de Yitzhak Rabin.

Environ 12.000 personnes ont été chassées de leurs maisons, beaucoup d’entre elles emmenées en camions vers le Jourdain, d’autres ont été envoyées errer dans le désert sans nourriture ni eau.

Finalement, le gouvernement israélien, grâce à un cadeau généreux de l’argent des contribuables canadiens, a construit une infamie sur les ruines d’’Imwas. Ils l’ont appelée Parc Canada. Ce même Canada qui prétend être le gardien des droits de l’homme et du droit international !!

Israël continue à se comporter de la même manière. Alors que j’écris cet article, l’Etat juif est en train de déterrer et de détruire l’ancien cimetière musulman de Jérusalem Est, le cimetière Mamanullah (ou Mamillah), pour y construire le « Musée de la Tolérance » !! Oui, Canada Parc et Musée de la Tolérance !! Vous voyez la dépravation et la laideur brutale de ces criminels ?

Le 26 juillet 2007, des rabbins européens ont organisé une veillée de protestations et de prières à Bruxelles pour un cimetière vieux de 600 ans à Vilnius, en Lituanie, dont ils disaient qu’il allait être utilisé pour une construction (voir « Rabbis protest construction of Jewish cemetery »).

Il est bien sûr inacceptable de profaner des cimetières, juifs ou non juifs. Cependant, c’est le signe de la plus haute hypocrisie de déterrer et d’écraser les ossements des Musulmans morts à Jérusalem pour construire un Musée de la Tolérance sur le site de l’ancien cimetière musulman, alors que des leaders juifs se déchaînent et tempêtent et protestent lorsqu’un cimetière juif, en Europe de l’Est, est profané par les autorités locales.

Les démolitions des maisons laissent des cicatrices psychologiques profondes dans la mémoire des peuples. Des enfants reviennent de l’école pour trouver leurs maisons détruites par des bulldozers conduits par des soldats portant des casques ornés de l’Etoile de David. Cette Etoile de David, dont on nous a dit qu’elle était à l’origine un symbole religieux, symbolise la haine, le mal et la cruauté. Aujourd’hui encore, je ne puis imaginer symbole plus haineux. C’est tout-à-fait comparable à ce que représente la Swastika nazie pour les survivants de l’Holocauste.

Phobie, stress profond, névrose et dépression sont parmi les chocs post-traumatiques dont souffrent les enfants des maisons détruites.

J'ai été personnellement le témoin de nombreuses démolitions lorsque j'avais onze ans. La démolition, ou opération d'explosion, commençait par la déclaration que le village où était située la maison condamnée devenait "zone militaire fermée". La déclaration était faite par haut-parleur, fixé sur le toit des jeeps militaires.

Selon la procédure, tous les hommes entre 13 et 70 ans recevaient l'ordre de se rassembler dans la cour de l'école locale, où ils étaient obligés de se tenir, têtes baissées. Très souvent, les soldats tiraient au-dessus des têtes des gens pour les terroriser. Et quiconque osait lever la tête était frappé dans le dos par des soldats lourdement armés. La politesse et la simple décence humaine étaient déjà absentes, comme aujourd'hui, et à l'époque, il n'y avait ni al-Jazeera ni CNN pour témoigner des actions honteuses d'Israël, alors les sionazis se sentaient libres de nous faire ce qu'ils voulaient.

Ensuite, le commandant en charge de l'opération donnait dix minutes à la famille pour sauver ce qu'elle pouvait de ses maigres biens (aujourd'hui, ils détruisent nos maisons immédiatement, sans nous donner une période de grâce pour enlever nos affaires).

Le spectacle de jeunes enfants réconfortant les plus petits est terrible. Les mères de famille désespérées s'efforçaient d'attraper leurs ustensiles de cuisine et quelques matelas et nourriture avant qu'ils soient écrasés et irrécupérables. Un petit se précipitait pour aller chercher son jouet préféré ou une photo encadrée de son grand-père avant qu'il ne soit trop tard. Alors le commandant donnait le signal et en quelques secondes, la maison était réduite à un tas de gravas.

Ensuite, la Croix Rouge apportait une tente, refuge provisoire des victimes, sinon la famille torturée se faisait une sorte d'enclos et dormait sous les arbres, ou, s'il faisait froid, trouvait une grotte où vivre jusqu'à ce qu'une solution permanente soit trouvée. Ce sont des images indélébiles de malheur que je n'oublierai jamais, un témoignage affreux de la sauvagerie néonazie d'Israël.

Jeff Halper, de l’ICHAD, anthropologue et expert sur l'occupation, a observé que les dirigeants sionistes et israéliens, en remontant à 80 ans, ont tous envoyé ce qu'il appelle "le message aux Palestiniens".

Le message, dit Halper, est : "Soumettez-vous ; ce n'est que lorsque vous abandonnerez vos rêves d'un Etat indépendant et accepterez que la Palestine devienne la Terre d'Israël que nous nous calmerons." (8)

L'implication et le sens profond du message sont très clairs. C'est que "vous, les Palestiniens, n'appartenaient pas à ces lieux. Nous vous avons déracinés de vos maisons en 1948 et maintenant, nous vous déracinerons de toute la Terre d'Israël." (9)

Halper nous rappelle que le sionisme fut, depuis son tout début, un "processus de déplacement" et que les démolitions des maisons ont été "au centre de la lutte israélienne contre les Palestiniens" depuis 1948. (10)

Halper explique la politique de démolitions de maisons. En 1948, dit-il, Israël a systématiquement rasé 418 villages palestiniens à l’intérieur d’Israël, soit 85% des villages existants avant 1948. Et depuis le début de l’occupation de 1967, Israël a démoli 21.000 maisons palestiniennes. Davantage de maisons, ajoute-t-il, sont en cours de démolition le long du tracé du mur de séparation d’Israël, avec l’estimation de 40.000 maisons détruites au cours des quatre dernières années. (11)

Et contrairement à la propagande israélienne, selon laquelle les maisons arabes sont détruites pour des raisons de sécurité, Halper souligne que 95% des démolitions de maisons n'ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme mais sont destinées à déplacer les non Juifs pour assurer la progression du sionisme. (12)

En plus de la pratique manifestement barbare des démolitions de maisons, les Israéliens ont vraiment « excellé » dans la pratique largement répandue de la torture physique et psychologique, en particulier dans les premières années de l’occupation. Salim Mahmoud Safi, de Khorsa, mon village, est mort sous la torture en 1970.

Et Israël emprisonne souvent les corps des Palestiniens tués et torturés à mort pendant des années, dans le but de faire souffrir encore davantage les familles. C’est un fait bien connu ici.

Issu d’une famille très pauvre, j’ai commencé à travailler à Beer Sheva à 13 ans comme ouvrier du bâtiment et ensuite en tant qu’aide-plâtrier (Maggish en hébreu). La plupart du temps, j’occupais cet emploi pendant les congés d’été et occasionnellement les vendredis. J’ai cependant toujours veillé à ne pas laisser mon « boulot » empiéter sur mes études.

A Beer Sheva, ou Bir al-Saba’a, en arabe, j’ai appris l’hébreu et le dialecte marocain parlé par de nombreux Juifs qui avaient émigré d’Afrique du Nord. Comme les Palestiniens, la plupart des Juifs marocains travaillaient dans le secteur de la construction et autres boulots subalternes. Certains étaient balayeurs de rue, et la presque totalité des mendiants, dans les rues, étaient des Juifs originaires d’Afrique du Nord.

J’ai visité la ville, qui, dans les années 1980 et 1990, a accueilli des dizaines de milliers d’immigrants des pays de l’ancienne Union soviétique.

Dans la Vieille Ville, j’ai vu d’anciennes maisons palestiniennes que les Juifs avaient occupées après en avoir expulsé leurs occupants et propriétaires originaux à la pointe du fusil. J’ai vu aussi la mosquée de la ville, qui remonte à 1911, lorsque la Palestine était sous le règne de l’Empire ottoman. Israël a transformé la mosquée en un « musée » et plus tard en « maison des artistes ». Et lorsque quelques leaders musulmans israéliens locaux ont adressé au gouvernement une pétition pour réhabiliter le lieu saint et permettre à la communauté musulmane de la ville d’y prier, les autorités israéliennes ont dit « NON ». Voilà comment se comporte la « seule véritable démocratie du Moyen Orient » vis-à-vis de ses citoyens non juifs.

Quelquefois, les gens pour qui je travaillais ne me payaient pas. J’ai travaillé dans des entreprises de constructions aussi connues que Rusco, Solel Bonei, Hevrat Ovdeim. J’ai toujours ma vieille carte de travail israélienne.

En tant qu’ouvriers palestiniens, nous étions continuellement humiliés aux checkpoints et barrages routiers israéliens à l’intersection A’rad, sur la route de Beer Sheva. Je me souviens d’un officier de police juif qui parlait arabe, avec un accent égyptien, qui avait frappé sauvagement un de mes cousins, sans raison apparente. A cette époque, je me suis fait de nombreux copains juifs, mais la barrière psychologique demeurait intacte. Je me suis mêlé à quelques juifs tunisiens et marocains à A’rad, Beer Sheva et Dimona. Cependant, leur complexe de supériorité (et de victoire) sur nous a toujours empêché l’évolution de relations humaines normales entre eux et moi. Ils nous considéraient alors comme ils le font toujours, les équivalents bibliques des coupeurs de bois et des porteurs d’eau. Nous n’étions bons qu’à faire le café et les travaux durs et subalternes pour la race supérieure, le peuple élu. « Muhammad, ta’asi coffee » (Muhammad, prépare le café), nous criaient-ils avec mépris, d’un ton condescendant.

Des dizaines de milliers de Palestiniens ont travaillé en Israël comme journaliers, principalement dans la construction et les travaux agricoles. Ils se levaient une ou deux heures avant l’aube pour pouvoir être au travail avant 8h.

Le travail en Israël a attiré beaucoup de Palestiniens robustes qui ont abandonné l’agriculture parce qu’elle n’était pas financièrement très rentable. Un journalier s’en sortait mieux, d’un point de vue économique, que des professionnels de la classe moyenne d’autrefois comme les enseignants, les employés de banque et autres fonctionnaires.

Les Israéliens savaient ce qu’ils faisaient. Au milieu des années 1980, la Cisjordanie et la Bande de Gaza sont devenus le deuxième plus gros marché pour les produits israéliens après l’Europe. C’était donc réellement une sorte d’esclavage indirect. Nous travaillions en Israël, construisant des immeubles de plusieurs étages pour de futurs immigrants, et ensuite nous dépensions nos salaires dans l’achat de produits israéliens, même fabriqués en Israël, l’agriculture palestinienne s’étant effondrée faute de soins puisque les Palestiniens en grands nombres préféraient gagner plus d’argent en travaillant en Israël que travailler leurs terres qui, en comparaison, ne leur rapportaient que peu d’argent.

J’ai dit que c’était une sorte d’esclavage indirect parce que les ouvriers palestiniens en Israël, dont le nombre au milieu des années 1980 s’élevaient à plus de 130.000, étaient privés d’avantages sociaux et d’assurance sociale, et n’avait aucun droit politique.

Avant que je ne quitte le sujet, j’aimerais dire quelques mots sur le phénomène spécifique que j’ai fréquemment observé pendant ma période de travail comme ouvrier du bâtiment en Israël.

Je me souviens que quelques entreprises israéliennes du bâtiment envoyaient souvent moins d’autobus pour ramener les ouvriers palestiniens, dont moi-même, chez eux à la fin de la journée de travail. Par exemple, deux autobus étaient envoyés pour 250 ouvriers, alors que la capacité normale d’un seul bus n’excédait pas 50 ou 60 passagers.

Ce qui veut dire que beaucoup d’ouvriers épuisés restaient debout, dans le couloir du bus, pendant les deux heures de trajet du retour en Cisjordanie . Finalement, les ouvriers les plus mal élevés se pressaient à la porte avant du bus pour essayer d’avoir une place assise et s’éviter ainsi l’inconvénient de rester debout pendant tout le trajet de Bir al-Sab’a à Dura.

Je pense que les Israéliens faisaient cela délibérément, du moins en plusieurs occasions. Evidemment, chaque fois que se produisaient ces scènes d’ouvriers luttant et poussant pour monter les premiers dans le bus, des photographes israéliens et occidentaux apparaissaient soudain de nulle part pour garder trace de ces scènes pour la postérité.

Ces images honteuses se retrouvaient à la une des magazines et journaux américains et européens, renforçant encore davantage les stéréotypes déjà négatifs sur les Arabes. C’est la même mentalité israélienne criminelle qui continue aujourd’hui de diffamer et de diaboliser les Palestiniens en fabriquant des photos truquées de jeunes Palestiniens portant des ceintures d’explosifs fournies par le Shin Bet, qui apparaissent ensuite à la télévision lorsqu’il y a un sujet sur la Cisjordanie , pour dire qu’ils étaient sur le point de commettre une attaque suicide parce qu’ils haïssent tant les Juifs et qu’ils veulent faire l’amour avec 72 vierges au paradis !! Et puis un porte-parole israélien arrive sur une chaîne TV occidentale avec assurance, disant que « il ne peut y avoir de paix avec les Arabes tant qu’ils détestent plus les Juifs qu’ils n’aiment leurs enfants. »

En 1974, alors que j’étais en 1ère, je me souviens avoir participé à une manifestation anti-occupation à Dura. Les soldats de l’occupation m’ont coincé dans une des rues étroites de la petite ville et m’ont frappé sauvagement à la tête avec les crosses de leurs fusils. Ils ont failli me tuer. Je les ai haïs, car je n’avais en aucun cas menacé leurs vies. Ils n’ont montré ni humanité ni pitié, alors que je criais seulement « Falastin Hurra », « Palestine Libre ».

La tête saignant abondamment, je suis allé à la clinique de l’UNRWA locale où on m’a posé des points. Rentrant chez moi, loin de recevoir l’accueil du fils prodige, feu mon père (que Dieu ait pitié de son âme) m’a rossé pour m’être confronté à l’armée d’occupation. Il m’a réprimandé en me disant : « Tu imagines que tu vas battre Israël quand 22 Etats arabes n’ont pas pu !! ». Bon, dans un certain sens, je ne le blâme pas. C’était un homme qui avait vu trois de ses frères tués devant lui, et apparemment, il ne voulait pas voir son fils tué par les mains des assassins de ses frères. « Mon fils, nous avons déjà payé notre dû, » m’a-t-il dit, d’une voix étranglée.

En 1975, après avoir obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires, je suis reparti travailler à Beer Sheva. Ma famille était trop pauvre pour me permettre de continuer des études. Pendant l’année suivante, les entreprises de construction de Beer Sheva furent mon université. Là, j’ai travaillé pour un contractant nommé Shimon, un juif tunisien qui est mort il y a quelques années. C’était très dur, il faisait très chaud, mais j’ai réussi à économiser assez d’argent pour aller à Amman, la capitale de la Jordanie. Nous étions après tout des citoyens jordaniens, au sens plein du terme.

A Amman, l’université coûtait beaucoup d’argent, et j’en avais très peu. Je ne savais pas quoi faire, à part écouter à la radio les informations lugubres des camps de réfugiés de Tel al-Za’atar, au Liban, où la guerre civile faisait rage. Dans le petit hôtel al-Izdehar, dans le camp de réfugiés d’al-Wihdat, où je logeais, le tenancier de l’hôtel, Abu Muhammed, me conseillait de ne pas écouter la radio de l’OLP. « Pour l’amour de Dieu, Khalid. Nous entendons les mêmes choses années après années, rien ne change. » A l’hôtel, j’ai rencontré Abu Khadr, le portier de l’hôtel qui avait perdu toute sa famille près du Pont Allenby (que les Jordaniens appellent « Pont Roi Hussein ») lorsqu’un avion de guerre israélien a bombardé au napalm les Palestiniens qui fuyaient vers l’est.

Bon, ce n’est pas en discutant avec Abu Khadr et en écoutant la radio de l’OLP que je gagnerai de l’argent, me suis-je dit. Je suis allé partout chercher du travail, au moins pour pouvoir payer ma nourriture et l’hôtel. A Hébron, on dit : « Tu as un penny, tu vaux un penny. » C’est ainsi que je suis resté coincé à Amman pendant quelques semaines, incapable de trouver du travail et redoutant de devoir revenir en Cisjordanie les mains vides, parce qu’alors, j’aurais été la risée de tous les villageois qui pensaient que j’étais à l’université.

J’avais toujours voulu aller aux Etats Unis pour y suivre une éducation moderne et de qualité. Mais je reculais à l’idée de notre pauvreté. Finalement, j’ai décidé d’aller à l’Ambassade américaine à Amman-Jabal, le quartier des ambassades étrangères. Là, j’ai fait la demande d’un visa d’étudiant.

Pourtant, je me disais que même si l’on m’accordait le visa, le manque d’argent m’empêcherait de partir.

A ce moment là, un ami m’a suggéré d’aller à Bagdad, où, disait-il, les études étaient gratuites. L’idée a fait petit à petit son chemin dans ma tête, jusqu’à ce que je décide d’aller en Mésopotamie, la terre des Deux Rivières, la capitale d’Harun al-Rashid.

En juillet, Bagdad est l’enfer sur terre, avec des températures frôlant les 50°C. Pour un Palestinien qui avait passé toute sa vie à l’air des montagnes d’Hébron, où la brise saine soigne les malades, le climat de Bagdad était presque insupportable. J’ai essayé d’y trouver une université “gratuite”, mais chaque fois que j’abordais le sujet, on me disait que je devais adhérer au parti Baath au pouvoir, créé par Michael Aflag, un chrétien de descendance syrienne. Bien que je n’aie que 20 ans, je savais que le parti était incompatible avec mon éducation traditionnelle semi-religieuse.

Finalement, ayant eu plus que ce que je pouvais supporter de la dureté de Bagdad, j’ai décidé de revenir à Amman, dans le même hôtel du camp de réfugiés al-Wihdat. Lorsque j’y suis arrivé, j’ai eu la surprise d’apprendre que l’Ambassade américaine avait appelé l’hôtel la semaine précédente pour les informer que j’avais mon visa.

J’ai reçu la nouvelle avec ambivalence. D’un côté, je voulais aller en Amérique, mais de l’autre, j’avais très peu d’argent.

Finalement, je me suis arrangé pour prendre contact avec mon père, insistant qu’il m’envoie un peu d’argent « bon gré mal gré », parce que j’avais pris la décision d’aller en Amérique.

J’ai été heureux que mon père, à nouveau que Dieu bénisse son âme, ne me laisse pas tomber. Il a emprunté un peu d’argent et s’est précipité à Amman ; en quelques jours, nous étions en mesure d’acheter un billet aller d’Amman à Copenhague, puis Chicago et Oklahoma… oui, Oklahoma.

C’était la première fois de ma vie que je montais dans un avion, c’était un Jumbo Jet Boeing 747, une des merveilles de la civilisation moderne. J’étais nerveux, au début, de voir l’avion prendre de plus en plus d’altitude mais finalement, à voir que chacun était calme et confortable, j’ai réalisé que ma peur de voler était irrationnelle et n’avait rien à voir avec la sécurité des voyages aériens.

Prochaine partie : En Amérique.

Notes de lecture :

1. Shlomo Ben-Ami, Scars of War, Wounds of Peace: The Israëli-Arab Tragedy, Oxford University Press, 2006.
2. Avi Shlaim, The Iron Wall: Israël and the Arab World, p. 225. Penguin Books, 2000.
3. ibid.
4. Ha'aretz Newspaper, 1972.
5. Noam Chomsky, The Fateful Triangle: The United States, Israël and the Palestinians, South End Press, USA, 1983.
6. ibid.
7. ibid.
8. Zionism as a Racist Ideology: Reviving an Old Theme to Prevent Palestinian Ethnicide, Kathleen and Bill Christison, 8/9 November, 2003. http://www.countercurrents.org/pa-christison201103.htm.
9. ibid.
10. ibid.
11. ibid.
12. ibid.

Source : Exposing Israel

Traduction : MR pour ISM

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