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ISM France - Archives 2001-2021

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Syrie -

Les faiseurs d’histoires, les véritables provocateurs du Moyen-Orient

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Alors que les Américains sont minés par l'actualité sur le front interne – une implosion économique, la perte d'emploi, un nombre record de saisies, les banques en déroute - et une élection présidentielle dans laquelle les habituelles masses de fumée se sont envolées, si vous regardez derrière les gros titres, l'esquisse d'une crise émergente commence à prendre forme – où ? - au Moyen-Orient.
Que diable se passe-t-il en Syrie ?

La nouvelle d'une énorme explosion à Damas, provoquée par un attentat à la voiture piégée, a secoué la région et on ne sait pas du tout qui ou quoi en est responsable. Cependant, quelle que soit la source, l'attaque - qui a tué 17 passants, et peut-être un haut responsable des renseignements syriens – est de mauvais augure pour l'avenir de la paix au Moyen-Orient (un objectif de plus en plus difficile à atteindre).

L'attaque s'est produite samedi matin, à proximité d'un important bâtiment des renseignements syriens, bien que les reportages en Occident mettent l'accent sur la proximité du sanctuaire chiite.

Les médias israéliens insistent sur la possibilité d'une lutte interne au sein du régime syrien, alors que les Iraniens disent que l'explosion est l'œuvre du Mossad et/ou de la CIA. C'est suffisant pour dire que l'incident est enveloppé de mystère, alors que les Syriens parlent d’agresseurs étrangers, et le contexte - une série d'attentats mystérieux contre des cibles en Syrie ces dernières années - indique que cela pourrait être exact.

En août, le Général Mohammad Suleiman de l'armée syrienne a été assassiné par un tireur isolé dans la ville de Tartous. Suleiman était connu pour être l’agent de liaison en chef du régime syrien avec l’organisation libanaise du Hezbollah - une description du poste qui désigne Israël comme coupable.

En février dernier, une explosion à Damas a tué Imad Mughniyeh, un commandant militaire du Hezbollah. Le Hezbollah et la Syrie ont des liens étroits.

Ajoutez à cela, les dernières allégations israéliennes que les Syriens tentaient de construire une centrale nucléaire - des accusations tournées ici en ridicule, et qui se sont plus tard révélées être entièrement fausses - et certainement la preuve circonstancielle qui indique la direction de Tel-Aviv.


La clé pour comprendre ce qui se passe au Moyen-Orient aujourd'hui - y compris l'invasion et l'occupation américaines de l'Irak et la pression accrue sur les Iraniens - se trouve dans un document majeur publié en 1996 par un groupe de réflexion israélien, l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies : "Une Rupture Nette : Nouvelle stratégie pour sécuriser le Royaume."

Dans ce document, cinq universitaires et décideurs politiques américains - dont beaucoup occupent maintenant (ou ont occupé) des postes importants dans le gouvernement américain, dont Richard Perle, Douglas Feith, David Wurmser et - dressent une perspective stratégique qui propose une politique de changement de régime dans toute la région.

L'hypothèse de départ est qu’Israël est dans le pétrin, encerclé par des voisins hostiles et des faits démographiques défavorables sur le terrain. Israël, affirment les auteurs, doit sortir de sa boîte, ou périr dans la tentative.


Le premier élément sur l’agenda : un changement de régime en Irak. La raison pour cela était que le chemin vers Damas devait d'abord passer par Bagdad. La Syrie est le principal "Etat limitrophe" engagé dans la déstabilisation des territoires occupés et dans la fomentation de l'insurrection palestinienne, donc il doit être éliminé.

Damas a toujours été la principale cible des Israéliens, qu'elle soit engagée au Liban ou dans les territoires occupés, et maintenant que l'Irak est écarté, grâce à l'Oncle Sam, il est logique que les Israéliens s’en prennent à Damas.

Cela tient aussi debout dans un sens plus large : les Israéliens ont toujours visé les éléments les plus laïques parmi leurs nombreux ennemis dans la région. Saddam Hussein a été leur première cible, et son régime était manifestement non-religieux, bien que, au cours des dernières années, les Baasistes aient tenté d'assumer le rôle d’une légitimité islamique.

Plus tôt, si vous vous en souvenez, les Israéliens s’étaient également disputés comme des chiffonniers avec Yasser Arafat, tout en aidant le Hamas - au moins, au début - à s’imposer.

Maintenant, ils s’en prennent au parti laïc Baas de Syrie, qui a gouverné le pays d'une main de fer depuis l'époque du défunt Hafez al-Assad. Le fils d’Assad, Bashir, un ophtalmologiste qui a étudié au Royaume-Uni, est généralement considéré comme un dirigeant inefficace, et se trouverait en plein milieu d'une lutte de pouvoir entre la vieille garde et ses propres partisans. Les médias israéliens décrivent les mystérieuses explosions comme étant un élément de cette prétendue lutte interne, mais il est plus probable que les Israéliens utilisent leur nouvelle position de force pour exercer assez de pression afin de faire imploser le fragile régime syrien.

Que cela amène le chaos dans la région et libère les forces de l'extrémisme islamique - y compris al-Qaïda, qui aurait un adjoint Syrien – ça ne les concerne pas du tout. Mieux vaut se battre contre Al-Qaida, qui a un soutien limité dans le monde arabe, que d’affronter une force antisioniste laïque comme l'OLP ou les Baasistes syriens qui jouissent d’un certain degré de soutien populaire.

En Israël, il y a énormément de développements inquiétants. Le Premier ministre Ehud Olmert, qui va quitter sa fonction à la suite d'un scandale financier, a dénoncé la montée de «l'extrémisme», illustré par la récente attaque contre un éminent universitaire critique à l’égard du mouvement des colons. Nous avions aussi alerté ici sur ce sujet, et les sentiments grandissants pour l’extrême-droite de l’électorat israélien dans son ensemble n'est pas de bon augure pour l'avenir.

L’actuel gouvernement israélien aurait demandé un feu vert à l'administration Bush pour aller bombarder l'Iran et soi-disant détruire ses installations nucléaires. La réponse, selon le quotidien britannique The Guardian, a été Non. Un futur gouvernement israélien, dirigé par des extrémistes, pourrait ne pas avoir envie de demander la permission avant de frapper.


Des ennuis se préparent au Moyen-Orient, et leurs sources sont représentées par deux faiseurs d’histoires majeurs : d'une part, nous avons Al-Qaeda (et des extrémistes sunnites qui y sont affiliés), et de l'autre, nous assistons à la montée de l'extrémisme en Israël, aussi bien dans le gouvernement que parmi la population. Ces deux forces, en apparence antinomiques, sont objectivement alliées dans le sens où elles partagent un certain nombre d'objectifs communs : l'élimination des Arabes modérés, la défaite de la laïcité arabe et l'opposition à tout nationalisme.

En ce qui concerne ce dernier, les Israéliens s’opposent au nationalisme arabe, car il inspire une résistance militaire à leurs prédations, et al-Qaida le désapprouve, car il est souvent lié à la laïcité ou à ce qu'il considère comme des versions hérétiques de l'Islam (comme la secte alaouite à qui appartient la caste au pouvoir en Syrie). Le nationalisme aussi va à l'encontre de la vision d'Osama bin Laden d'un califat sunnite qui s'étendrait du détroit de Gibraltar aux steppes d'Asie centrale.

Une autre raison de la concentration des Israéliens sur des cibles laïques arabes, c’est le facteur américain : l'opinion publique américaine se tiendra bien plus probablement aux côtés de l'Etat juif si l'ennemi est considéré comme un mouvement de fanatiques religieux qui ne peuvent pas être raisonnés.

Qu’Israël vienne lui-même à ressembler à cette caricature n'est pas quelque chose que les auteurs du scénario de la "Rupture Nette" avaient pris en compte. Ni non plus le Lobby d’Israël aux États-Unis, qui n'a pas encore réagi - ou pris au sérieux - la recrudescence de l'extrémisme en Israël.

Si la Syrie implose, les conséquences pour les États-Unis seront terribles et incalculables. Avec 150.000 soldats, juste à côté en Irak, nous entendrons bientôt qu’Al-Qaida a établi une base en Syrie et la guerre se propagera.

Nous entendrons également que la Syrie a, aussi, besoin d’une "libération", et toutes sortes de personnalités seront présentées comme des candidats possibles pour un soutien américain, y compris, sans doute, le Parti Réformiste de Syrie, qui a été encouragé et nourri par les néo-conservateurs à Washington au cours des dernières années.

Il y a une alternative à ce gâchis, et elle consiste en une diplomatie préventive. Bien que les Syriens aient coopéré avec les États-Unis dans la lutte contre Al-Qaida - y compris en fournissant des renseignements vitaux au début de la lutte contre l'extrémisme sunnite - nous nous n'avons pas rendu la politesse. Au lieu de cela, au cours des huit dernières années, le gouvernement américain a refusé de parler avec les Syriens, et l'ambassadeur de ce pays aux États-Unis serait seul à Washington, DC.

Non seulement cela, mais Donald Rumsfeld, lorsqu’il était secrétaire à la Défense, a régulièrement menacé les Syriens d’une action militaire, en affirmant qu'ils conservaient délibérément leur frontière poreuse pour faciliter le passage des insurgés irakiens, soi-disant basés à Damas.

Pourtant, il n'y a pas plus d’ennemi efficace et redoutable pour des organisations du type al-Qaida que la dictature baasiste, qui, sous le vieux Hafez, a massacré 30000 habitants de la ville de Hama, où des membres et des combattants des Frères Musulmans s’étaient levés contre lui.

Pas très joli, mais le Moyen-Orient est une région rude, et toute rupture de l'équilibre des forces - y compris la stabilité du régime syrien - produirait probablement un résultat bien pire que le statu quo.

Les conséquences de la guerre en Irak se répercutent encore à l'extérieur, et la déstabilisation de la Syrie est peut-être la plus périlleuse, dans la mesure où les intérêts américains sont concernés. Au cas où quelqu’un tenterait de renverser le panier de pommes syrien et réussirait, ce sont les Américains - après, bien sûr, les pauvres Syriens - qui paieront le prix.
La seule solution : un engagement diplomatique et l'abandon des sanctions économiques, suivis d’une politique qui encourageait l'ouverture de la Syrie à l'influence occidentale.

Cela était le plus cher souhait du gouvernement syrien, qui a profondément tenté, sans résultat de restaurer ses relations avec l'Occident. Pourtant, le lobby israélien a une telle mainmise sur l'élaboration de politiques, y compris au Congrès et à la Maison Blanche, que cela s'est avéré impossible. Que l'élection de Barack Obama - qui soi-disant parlera à tout le monde - se traduira ou non par une rupture fondamentale avec les mauvaises politiques du passé, cela reste à voir.

Cependant, pour le moment, nous ne pouvons qu'espérer que Washington ramènera au pas les Israéliens avant qu’ils ne commettent des dégâts irréparables et que la Syrie ne se déchire.


Source : http://www.antiwar.com/

Traduction : MG pour ISM

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