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Palestine - 31 mai 2008
Par Khaled Amayreh
Au milieu d'installations dispendieuses et d'une sécurité renforcée, des centaines d'investisseurs et d'entrepreneurs du monde entier se sont réunis la semaine dernière à Bethléem, au sud de la Cisjordanie, pour discuter de projets de coentreprises. Les responsables de l'Autorité Palestinienne (AP) ont décrit la "Conférence pour l'Investissement en Palestine" de "méga événement" au vu du grand nombre de participants, dont beaucoup étaient des hommes d'affaires des communautés palestiniennes expatriées dans la région du Golfe.
Commentaire palestinien laconique sur la Conférence, photographié sur le Mur de Bethléem
Le Président de l'AP, Mahmoud Abbas, a ouvert la conférence le mercredi 21 mai à l'Hôtel Intercontinental par un bref discours dans lequel il a appelé les investisseurs du monde arabe à investir en Palestine et dans la paix.
Abbas a essayé d'établir un équilibre délicat entre l'environnement "anti-business et investissement" pour cause d'occupation israélienne enracinée, et la nécessité de maintenir un semblant de bien-être économique dans les territoires occupés, au moins pour permettre aux Palestiniens de supporter la répression israélienne systématique qui vise à tuer les aspirations palestiniennes pour la liberté et l'indépendance.
Abbas a soigneusement évité toute allusion aux "pourparlers de paix" avec Israël, à l'évidence pour maintenir "l'atmosphère positive" de la conférence. Cependant, l'optimisme artificiel d'Abbas n'a pas réussi à rassurer les sceptiques préoccupés par le fait qu'investir en Palestine, alors qu'elle est toujours sous occupation israélienne, ne soit pas une bonne idée.
L'ancien Premier Ministre britannique et envoyé du Quartet pour le processus de paix israélo-palestinien Tony Blair, ardeur défenseur de la théorie de "l'économie d'abord" en Palestine, a bien tenté d'entretenir l'optimisme, disant que la Palestine méritait une économie prospère. Mais certains intellectuels et journalistes palestiniens l'ont accusé d'essayer d'utiliser des incitations économiques pour soudoyer l'Autorité Palestinienne pour qu'elle fasse quelques concessions politiques à Israël, en particulier au sujet des questions clés du conflit arabo-israélien comme Jérusalem et le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Blair, qui a fait des efforts laborieux pour convaincre Israël d'alléger les restrictions qui étranglent l'économie palestinienne, a à peine réussi à obtenir qu'Israël retire un ou deux barrages en Cisjordanie . En fait, un récent rapport des Nations Unies souligne qu'Israël a accru, et non pas diminué, le nombre de barrières et de barrages routiers en Cisjordanie , ce qui va provoquer du désespoir chez ceux qui pensent qu'aucune économie viable ne peut se développer dans un environnement de barrages routiers, de checkpoints, de couvre-feux militaires et de zones militaires fermées.
Selon les organisateurs, ce sont 1.500 investisseurs et hommes d'affaire locaux et étrangers qui ont participé aux trois jours de conférence. Parmi les participants, une délégation de haut niveau des Emirats Arabes Unis est arrivée à bord d'un hélicoptère de l'armée jordanienne, qui l'a amené directement d'Amman, apparemment en coordination avec Israël. Beaucoup d'autres participants ont dû recevoir une autorisation de l'armée israélienne, rappel sinistre que l'accès à la Cisjordanie , y compris à son marché d'affaires, est étroitement contrôlé par Israël.
De nombreux invités, en particulier les expatriés palestiniens, ont été exclus pour des raisons politiques. Certains des participants sceptiques ont dit qu'ils n'étaient venus que pour rendre visite à leur famille et pour pouvoir prier à la Mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem. D'autres ont dit qu'ils voulaient profiter d'une fin de semaine de congés pour rencontrer de vieux amis.
Pourtant, en dépit du spectre omniprésent de l'occupation israélienne, incarnée par les barrières et les checkpoints militaires près de la salle de la conférence, la réunion elle-même a été un succès. Selon le Premier Ministre de l'AP Salam Fayyad, l'homme derrière la conférence, environ 1,4 milliards de dollars ont été promis pour des projets de coentreprises, qui pourraient créer jusqu'à 35.000 emplois en Cisjordanie . La somme inclut semble-t-il environ 550 millions de dollars d'importants investisseurs arabes pour la construction d'une nouvelle ville palestinienne près de Ramallah.
Lors de la conférence de presse de fin de conférence, Fayyad a annoncé une stratégie participative entre le secteur privé et le gouvernement pour "consolider la coordination et l'intégration", dans le but de redonner confiance à l'économie nationale.
"L'Autorité Nationale Palestinienne croit au rôle moteur du secteur privé et en l'importance de l'intégration avec les efforts exercés par le gouvernement", dit-il, ajoutant qu'il espérait que la conférence déboucherait sur "un redressement économique", "une planification et une gestion sociale et économique durable", "un développement des services" et "la levée des obstacles israéliens au renforcement de l'économie palestinienne".
Répondant aux critiques qui argumentaient qu'un investissement économique d'incitation étrangère était fondamentalement artificiel et destiné à soudoyer les Palestiniens pour qu'ils fassent des concessions politiques à Israël, Fayyad a dit qu'il y avait une séparation totale entre les pourparlers de paix avec Israël et les efforts pour attirer l'investissement étranger en Palestine. "Ce n'est pas un conflit économique qui requiert une solution économique. C'est un conflit politique qui requiert une solution politique. Et je vous assure que nous ne satisferons aucune demande politique qui serait liée au travail de revitalisation de notre économie", a-t-il dit.
Reconnaissant le fait que l'occupation israélienne était le principal obstacle d'un environnement d'investissement favorable, Fayyad a argué que les Palestiniens n'avaient pas d'autre choix que celui de se cramponner à la vie. "Nous voulons vivre, et nous ne pouvons pas le faire normalement sans créer un minimum de normalité économique. Chaque année, 50.000 jeunes hommes et femmes arrivent sur le marché du travail et nous devons leur créer des emplois. Nous voulons un développement permanent, mais la réalisation de cet objectif dépend du retrait des barrières et restrictions israéliennes. C'est pourquoi cette conférence est un message au monde, un message de défi – un défi positif."
En dépit de l'optimisme, le contraste absolu entre l'environnement illustre d'un côté, et la pauvreté abjecte qui hante de grands pans de la société palestinienne de l'autre, semblait servir de métaphore renvoyant à l'énorme fossé entre les fortes attentes créées et les sombres réalités politiques du terrain.
Mohamed Shtayeh, directeur du Conseil Economique Palestinien pour le Développement et la Reconstruction (PICDAR), reconnaissait : "L'investissement en Palestine est différent de l'investissement dans tout autre pays." "Aux USA, ils disent 'Les affaires habituelles'. Ici, c'est 'Les affaires inhabituelles'."
Shtayeb a réfuté que la conférence soit un pot-de-vin au dépens des droits palestiniens, disant : "Il vaut toujours mieux allumer une bougie que de maudire l'obscurité."
Adel Samarah, économiste palestinien de gauche, n'est pas d'accord. "Ce n'est pas la question d'allumer des bougies ou de maudire l'obscurité. Parler de cette façon, c'est de la poésie, de la littérature et des émotions, pas de l'économie. Pendant l'ère Oslo, on nous a dit que Gaza allait devenir la Singapour du Moyen Orient et que la Cisjordanie serait comme Hong Kong. Ce qui est arrivé, en fait, c'est que Gaza est devenu un camp de concentration et que la Cisjordanie a sombré de plus en plus profond dans le bourbier de l'occupation."
Samarah a fustigé l'Autorité Palestinienne, traitant ses dirigeants et ses responsables de "gang de carriéristes avides d'argent qui sacrifient les intérêts nationaux palestiniens sur l'autel de leurs intérêts financiers immédiats."
Samarah a ensuite accusé l'AP de "maquer les investisseurs arabes pour normaliser avec Israël pendant qu'Israël décapite la Palestine et son peuple".
"C'est une normalisation économique scandaleuse entre les Etats arabes et Israël, et cela se produit aux dépens de la cause nationale palestinienne. Ils sont simplement en train d'essayer de reproduire les illusions de l'ère Oslo", a ajouté Samarah.
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